Netanyahu ne pouvait pas laisser Sinwar sortir victorieux d’une prise d’otages
L'élimination du chef du Hamas donne au Premier ministre des raisons impérieuses d'œuvrer pour un accord, même au prix d'un retrait temporaire de Tsahal de Gaza
L’élimination par l’armée israélienne du chef du groupe terroriste du Hamas, Yahya Sinwar, lève les barrières diplomatiques, politiques et cognitives, crée de nouvelles options et peut accélérer un accord de libération des otages détenus dans la bande de Gaza si le Premier ministre Benjamin Netanyahu se consacre désormais à la question et la traite scrupuleusement.
Auparavant, Netanyahu ne pouvait ni ne voulait concevoir un accord de « trêve contre libération d’otages » en vertu duquel Sinwar – l’instigateur du pogrom du 7 octobre 2023 – sortirait indemne de son bunker de Gaza, s’installerait confortablement dans un fauteuil et ferait un signe de victoire à deux doigts, tandis qu’un flot de centaines, voire de milliers de terroristes seraient libérés des prisons israéliennes.
Un tel scénario écœurant symboliserait la défaite de la campagne contre le groupe terroriste palestinien du Hamas, a déclaré Netanyahu à maintes reprises dans des conversations privées, et il ne saurait le tolérer.
Aujourd’hui, cependant, le tableau de la victoire est inversé. Sinwar a été éliminé et Netanyahu peut obtenir un autre succès important dans cette guerre, après le terrible échec du 7 octobre dont il est comptable. Le monde et Israël parlent à juste titre d’une nouvelle réalité : le Hamas a reçu un coup fatal et Netanyahu pourrait soumettre des propositions pragmatiques. La voie à suivre est d’arrêter la guerre, au moins pour un temps, et Netanyahu peut désormais le faire.
Dans ses propos adressés jeudi à la nation israélienne au sujet de la mort de Sinwar, Netanyahu a déclaré que la guerre n’était pas terminée, mais il a plutôt exhorté les terroristes du Hamas qui détiennent des otages à les libérer en échange de leur vie. Il n’est pas certain que cette offre soit convaincante. Dans son allocution plus brève prononcée ensuite en anglais, il a parlé « du début de la fin de la guerre » en déclarant : « Cette guerre peut se terminer demain. Elle peut prendre fin si le Hamas dépose les armes et restitue nos otages. »
Accessoirement, dans son discours en hébreu, Netanyahu a tenté de mettre en place un récit selon lequel ses opposants politiques intérieurs voulaient arrêter la guerre alors que lui et lui seul insistait pour entrer à Rafah, Khan Younès et de maintenir sa présence le long du couloir stratégique dit de « Philadelphi », qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza, et ce, pour une durée indéterminée.
La réalité est différente. Ce sont les Américains et d’autres acteurs internationaux qui ont tenté d’empêcher l’armée israélienne d’entrer à Rafah – où Sinwar a été abattu. Les adversaires de Netanyahu au sein du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz et Gadi Eisenkot, anciens membres de son cabinet de guerre, ne se sont pas opposés à cette initiative et affirment même l’avoir encouragée alors que Netanyahu hésitait.
En outre, de nombreux autres critiques et opposants nationaux qui, ces derniers mois, ont soutenu l’arrêt de la guerre et le retrait de Tsahal de Gaza dans le cadre d’un accord pour obtenir la libération des otages n’ont pas parlé de la fin de la bataille à long-terme pour anéantir le Hamas. Leur priorité était de ramener à la maison le nombre décroissant d’otages encore en vie et d’attendre le moment opportun pour attaquer à nouveau le Hamas, avec des forces de Tsahal revigorées et renouvelées. Personne ne peut prétendre savoir avec certitude quelle était la meilleure chose à faire, mais pendant ce temps, les otages meurent à Gaza.
L’élimination de Sinwar neutralise également les obstacles politiques à un accord de « trêve contre libération d’otages ». Après l’élimination du chef du Hamas, après l’élimination ciblée du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah au Liban le mois dernier, Netanyahu a une plus grande capacité d’influence sur le parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit.
Son chef, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, a annoncé jeudi soir qu’il n’avait pas changé de position et qu’il s’opposerait à ce qu’il a appelé un « accord de capitulation » qui, selon lui, réduirait à néant les réalisations de la guerre jusqu’à présent.
Mais Smotrich et ses collègues de parti, qui ont soutenu la trêve d’une semaine conclue fin novembre et qui prévoyait la libération des prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël, ne quitteront pas le gouvernement, encore moins après l’élimination de Sinwar. Il n’en est pas question.
« L’élimination de Sinwar signifie qu’il y a de nouvelles options », a déclaré un haut fonctionnaire du parti HaTzionout HaDatit. « Il est désormais possible de conclure des accords avec des cadres moyens [du Hamas]. Le Hamas n’a pas de véritable direction et je pense qu’il est possible de conclure des accords sur le terrain dans toutes sortes de domaines », a estimé ce responsable.
« Ce n’était pas le cas jusqu’à présent. »
Netanyahu peut également affronter plus efficacement l’autre leader d’extrême-droite, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et son parti Otzma Yehudit. Les apparitions publiques du Premier ministre – invariablement après des succès impressionnants et non après des échecs – ont contribué à renforcer sa popularité auprès de la base de droite. Des sondages récents ont montré une baisse marquée du soutien à Otzma Yehudit, tandis que le Likud de Netanyahu a progressé. Il convient de rappeler que Ben Gvir n’a pas quitté le gouvernement en raison de l’accord précédent conclu en novembre, même s’il avait voté contre.
Avec un Hamas en plus grand désarroi, le sort des otages dépend plus directement et plus largement de Netanyahu. Il a le pouvoir politique d’essayer de forger un accord viable maintenant que sa coalition s’est élargie avec l’arrivée, le mois dernier, du parti Tikva Hadasha de Gideon Saar, qui compte quatre membres. Ses intérêts politiques pourraient également être bien servis par le retour des otages, qui provoquerait une vague de joie au sein d’une population retrouvant la confiance nationale à la suite de l’élimination de Sinwar et des succès remportés contre le Hezbollah. Il unirait également les intérêts d’Israël à ceux d’un gouvernement américain qui a fait pression sans relâche pour que la guerre cesse et que les otages soient relâchés.
Et avec la disparition de Sinwar, bien sûr, il a sa photo de victoire.
Traduit et édité à partir de l’original du site Zman Yisrael, la version en hébreu du Times of Israel.
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