Où en est le marché immobilier israélien 4 ans après les manifestations ?
Il faut 148 salaires mensuels pour acheter une maison ici, 76 en France et il en faut 66 aux États-Unis

Erez roulait à vélo sur le boulevard Rothschild de Tel Aviv la semaine dernière quand il a vu quelque chose qui l’a bouleversé.
En arrivant au travail, le manager d’un café haut de gamme de 28 ans a partagé sa frustration avec des collègues et ses clients.
« J’ai vu une pancarte qui disait : ‘un jeune couple est à la recherche d’un appartement à acheter dans le quartier’ », a-t-il dit avec l’incrédulité. Il n’arrivait pas à croire que quiconque ayant à peu près son âge pouvait se permettre d’acheter dans un quartier où en moyenne un appartement avec une chambre se vend à 430 000 dollars.
Erez n’a pas besoin d’expliquer sa détresse. Lui et ses amis ont discuté de ce sujet de manière obsessionnelle au cours de ces dernières années. « C’est simple », a expliqué un client nommé Itai. « leurs parents achètent l’appartement ».
Il y a quatre étés, le boulevard Rothschild a été l’épicentre d’une manifestation nationale qui a connu à son apogée 400 000 personnes dans les rues. Des centaines de jeunes, pour la plupart, ont monté des tentes le long du boulevard Rothschild pour protester contre le coût élevé des logements et l’inégalité sociale en général.
Ces manifestations ont rapidement pris un air de festival de rue, avec des chansons entonnées au son des guitares, de débats publics et même des cours de textes juifs organisés quotidiennement. Le mouvement de protestation de masse a été déclenché lorsque l’éditrice de vidéo Daphni Leef, qui s’est retrouvée éjectée du marché locatif à Tel-Aviv, a monté la première tente et a commencé un groupe Facebook.

Mais quatre ans plus tard, aussi bien les prix des appartements et des loyers dans tout le pays ont augmenté.
Depuis 2006, les prix des appartements ont augmenté en moyenne de 6,23 % par an, sans aucun signe de ralentissement. Pendant ce temps, les loyers ont augmenté d’environ 60 % depuis 2008, ce chiffre atteignant 72 % à Tel-Aviv. Selon l’économiste Noam Gruber du centre de réflexion Shoresh Institute, situé au centre gauche du spectre politique, « Israël est l’un des marchés immobiliers les plus chers au monde en terme de proportion de revenus ».
Erez dit qu’il vit avec deux colocataires et paie 2 200 NIS shekels par mois pour louer sur le boulevard Rothschild. Il gagne un « salaire moyen », ce qui signifie qu’il gagne un peu plus de 8 000 shekels par mois. Il a étudié la psychologie et l’économie à l’université et à un moment a monté sa propre entreprise de traiteur, qu’il a vendue il y a deux ans parce que la charge de travail était trop importante et donc dure à supporter. Pendant l’opération Bordure protectrice de l’été dernier à Gaza, l’unité de l’armée d’Erez a été appelée pour faire ses réserves. Son travail consistait à évacuer les morts et les blessés.
Erez envisage de quitter Israël.
« L’écart ici entre les riches et la classe moyenne est trop grand. Pour la classe moyenne, c’est une question de survie, juste essayer de finir le mois ».
Erez a précisé que l’idée même d’acheter un appartement seul ne fait même pas partie de ses projets.
« Aujourd’hui, pour obtenir un prêt, vous avez besoin de quelque chose comme 40 % d’apport. Disons que je trouve une maison pour un million de shekels. Cela signifie que je dois avoir 400 000 shekels en espèces, et je dois avoir des garants ».
« Cela n’est pas une somme d’argent que quelqu’un de mon âge ou 99 % de mes amis peuvent avoir. Dans le meilleur des cas, nous avons économisé 50 000 ou 100 000 shekels ».
Erez a passé deux ans en Europe, en vendant des hamburgers dans les festivals. « La vie y était beaucoup plus facile. J’avais une meilleure voiture, et je n’y réfléchissais pas à deux fois avant d’aller manger au restaurant ».
En Israël, dit-il, peu importe la façon dont on travaille dur, on se sent coincé sur place.
Où pense-t-il déménager ?
« Peut-être en Allemagne ».
La complainte du locataire
Berlin et l’Allemagne ne sont plus des mots tabous sur les lèvres des jeunes Israéliens. Les médias hébreux ont fait couler beaucoup d’encre pour aborder l’incapacité des jeunes à se payer un appartement. Selon un chiffre souvent cité, le coût moyen d’un appartement équivaut à 148 salaires mensuels contre 76 en France et 66 aux États-Unis.
« C’est absurde qu’une jeune personne qui a servi dans l’armée et qui veut louer un appartement ne reçoivent pas de subvention ou de l’aide du gouvernement », a déploré la membre de la Knesset Stav Shaffir (travailliste) au Times of Israel. Shaffir était avec Daphni Leef l’une des instigatrices des manifestations de justice sociale en 2011. « Si cette même jeune personne déménage en Allemagne, elle recevra des protections en tant que locataire qu’elle ne reçoit pas en Israël. C’est absurde ».
Selon Shaffir, les prix des appartements sont en hausse en raison de l’inaction du gouvernement.
« En Israël, la plupart des terres appartiennent à l’Etat, ce qui signifie que l’Etat peut avoir un impact significatif sur le marché du logement. L’Etat pourrait libérer des terres et construire de grandes quantités de logements publics ainsi qu’inciter les entrepreneurs à placer un certain pourcentage de logements abordables dans chaque nouveau projet. C’est comme cela que ça se fait en Angleterre et en France ».
Un autre gros problème, a poursuivi Shaffir, est que plus de deux millions d’Israéliens vivent dans des logements locatifs (sur une population de 8 millions), mais les marchés locatifs sont en grande partie non réglementés.
« C’est une jungle. Beaucoup de jeunes vivent dans des appartements loués dans l’espoir d’économiser de l’argent pour un jour acheter un appartement et se retrouvent dans un cercle vicieux. Les loyers ne cessent d’augmenter, ils doivent tout le temps déménager et ils ne parviennent pas à économiser ».
Shaffir préconise d’inciter les bailleurs à signer des baux de location longue durée avec les locataires dans lesquels ils augmenteront le loyer un petit peu chaque année. Cela réduirait quelque peu la pression pour acheter un appartement. Elle est également à l’origine d’une proposition de loi pour réglementer la relation propriétaire-locataire.
« Tout comme le locataire assume la responsabilité de payer le loyer à temps et de laisser la maison en bon état, le propriétaire est tenu de fournir un appartement qui est habitable, ainsi que de ne pas prendre une somme supplémentaire pour les garanties bancaires. J’ai entendu des histoires folles de gens qui paient 60 000 shekels de garantie pour un appartement de deux à trois chambres ».
Mia Gotkine Serra, originaire de Londres qui a déménagé en Israël il y a plusieurs années, décrit sa relation difficile avec les propriétaires israéliens.

« Notre dernier propriétaire savait que nos enfants dormaient dans des chambres moisies et développait de l’asthme. Il disait qu’il enverrait quelqu’un mais cela n’a jamais été fait. Son truc préféré était de nous dire que nous imaginions les problèmes, ou qu’en Israël c’était normal. Le siège de toilettes est cassé ? En Israël, c’est comme ça que les sièges de toilette sont ».
« Lorsque nous avons déménagé, nous étions si contents d’être débarrassés de lui pour ensuite nous rendre compte qu’un grand nombre de robinets fuyaient, que les vides ordures étaient cassés et que les murs étaient humides dans notre nouvel appart. Le propriétaire a été vexé que nous ayons osé nous plaindre ».
Serra dit que la situation lui rappelle celle du Royaume-Uni dans les années 1970, avant que le pays n’adopte la loi sur les droits des locataires.
« Il faut un préavis d’expulsion raisonnable et un minimum de normes de maintenance. Ils doivent également fournir des certificats qui prouvent que le gaz et les appareils électriques ont été vérifiés par un professionnel ».
Comment les propriétaires sont en concurrence avec leurs locataires pour acheter des appartements
Gruber, l’économiste de Shoresh Institution, explique que la hausse des prix des appartements en Israël depuis 2008, ainsi que la hausse des loyers, est le résultat direct d’un pic du nombre de personnes qui achètent des appartements comme des investissements.
Lorsque Gruber parle appartements d’investissement, il ne se réfère pas à des gens riches de l’étranger qui achètent des appartements de luxe à Jérusalem et Tel-Aviv pour les laisser vide la plupart de l’année. Il se réfère aux 250 000 Israéliens qui possèdent plus d’un appartement, le plus souvent pour gagner un revenu de la location.
« Israël a une population qui augmente contrairement à certains pays d’Europe qui connaissent réellement un déclin démographique », explique Jesse Fox, le chef de la planification de l’information sur le site Web du logement israélien Madlan.
« C’est parce que les Israéliens ont relativement de grandes familles (3,04 enfants par femme). Les taux d’intérêt sont très bas depuis la crise financière en 2008, et ce qui se passe lorsque les taux d’intérêt sont bas, c’est que les gens avec de l’argent se tournent naturellement vers l’immobilier, parce qu’elle produit de meilleurs rendements que, disons, le marché obligataire. Les développeurs peuvent obtenir un prêt pour pas cher, et les gens qui veulent acheter un appartement peuvent obtenir un prêt pour rien du tout. Les faibles taux d’intérêt stimulent habituellement le marché de l’immobilier ».
Donc ce qui est arrivé depuis 2008, explique Gruber, est que l’offre d’appartements a suivi le rythme de la population, mais tout à coup il y a eu un tout nouveau groupe de gens qui achètent des appartements et qui sont essentiellement en concurrence avec les jeunes familles qui essaient d’acheter leur première maison.
Ce groupe sont formés de ceux qui achètent leurs deuxième (ou troisième) appartements.
Mais si tant de gens achètent des appartements à louer, l’offre de logements locatifs doit être supérieure, ce qui devrait provoquer la baisse des loyers, n’est-ce pas ? Non, si l’offre globale d’appartements est limitée, explique Gruber.
« Lorsque les prix des appartements ont augmenté, beaucoup de jeunes familles ont été forcées de louer. Mais parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acheter un appartement, le pouvoir de négociation du propriétaire est plus fort, ce qui rend le loyer plus élevé ».
Donc, fondamentalement, les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres ?
« Vrai », a répondu Gruber. « Maintenant que les taux d’intérêt sont bas, la valeur des actifs monte et ceux qui ont des actifs deviennent plus riches, par opposition à ceux qui ne possèdent pas de biens. Il y a certainement une inégalité croissante qui se poursuivra tant que les taux d’intérêt seront bas ».
Selon l’OCDE, Israël est le cinquième pays le plus inégalitaire du monde. Le classement est déterminé par le coefficient de Gini. Les seuls pays avec des écarts plus importants entre riches et pauvres sont les États-Unis, la Turquie, le Mexique et le Chili. Mais, affirme Gruber, cette inégalité a légèrement diminué au cours des dernières années.
« Au cours des dernières années, nous avons constaté une légère diminution de l’inégalité en termes de revenu. Mais ce que ce faible taux d’intérêt a fait est de créer d’énormes lacunes en termes d’actifs ».
Qui sont ces deuxièmes acheteurs d’appartements ?
Michael Sarel, un économiste du Forum des politiques Kohelet sur le marché, dit que les gens qui achètent des deuxièmes appartements proviennent de la classe moyenne ou de la classe au-dessus.
« Ce ne sont pas les très riches, parce que les gens qui sont riches ne vont pas s’embêter avec des appartements. Et quelqu’un qui est pauvre n’a pas les 500 000 shekels pour un apport. Donc, ce sont les gens entre le 6e au 9e déciles ».
Selon le quotidien économique israélien TheMarker, la moitié des gens qui achètent des immeubles de placement travaillent pour le gouvernement, les grandes banques ou les compagnies d’assurance, même si ces travailleurs ne représentent que 33 % de la population.
Selon le rédacteur en chef TheMarker, Guy Rolnik, les employés de mi-niveau aux employés de haut niveau de ces industries font partie d’une classe privilégiée israélienne qu’il appelle le mehubarim, celui qui a de bonnes relations.
« Il y a deux types de populations en Israël », avait-il écrit après les manifestations pour la justice sociale.
« Pas la gauche et la droite, pas les laïcs et les religieux, et non pas non plus les Séfarades et les Ashkénazes. Mais ceux qui ont de bonnes relations et ceux qui n’en ont pas. Ceux qui ont de bonnes relations sont ceux qui bénéficient du status quo économique et politique ; ils sont liés à l’un des centres de pouvoir et des secteurs protégés dans le pays. Le non-relié sont le reste de la population ».
Selon Rolnik, les travailleurs de la Israel Electric Corporation, où le salaire moyen est de 24 000 shekels (trois fois le médian), font partie de ce groupe, comme les travailleurs dans les ports d’Israël et les industries militaires qui appartiennent à des syndicats puissants et bénéficient de salaires et de la sécurité d’emploi auxquels les employés du secteur privé ne peuvent que rêver.
Rolnik inclut les employés et les parasites des cartels d’affaires d’Israël parmi les biens connectés.
« Un demi-million à un million d’Israéliens vivent bien », a estimé Daniel Doron, le directeur du Centre israélien pour les progrès sociaux et économiques, pour le Times of Israel. « Le reste se battent pour leur survie ».
Les propriétaires ne sont pas à blâmer
Mais Sarel, l’économiste de Kohelet, affirme que les données ne confirment pas l’idée que toute la demande accrue pour les appartements vient de ces Israéliens qui possèdent déjà un appartement et ont de l’argent pour en acheter un autre.
« Le Trésor semble penser que le problème est que les gens happent les appartements d’investissement », a-t-il analysé, se référant au ministre des Finances Moshe Kahlon, dont le parti Koulanou a remporté 10 sièges à la Knesset en mars dernier sur un programme prônant la réduction des prix des logements et du coût de la vie.
« Seulement un quart des appartements étant acheté sont des appartements d’investissement », estime Sarel. « Les trois quarts sont des appartements dans lesquels les familles vivent en réalité dedans ».
Gruber conteste cette affirmation. Comme les impôts sur les deuxièmes appartements sont très élevés, de nombreux acheteurs d’investissement déguisent la nature de leur achat en achetant via des mandataires, a-t-il soutenu.
« Il est difficile d’identifier les investisseurs. Ils peuvent acheter un appartement ‘pour leurs enfant’ ».
Voilà pourquoi Gruber pense que le projet de Kahlon d’augmenter les taxes sur les achats d’appartements d’investissement ne fonctionnera pas.
« C’est la bonne direction. Mais je pense qu’à la place nous devrions imposer les revenus provenant des loyers. C’est une pratique acceptée dans le monde entier. L’anomalie est Israël, qui a une haute exonération des impôts sur les revenus locatifs ».
« Il n’y a pas de crise du logement »
Mais selon Sarel, « il n’y a pas de crise de logement. Les gens ne sont pas des sans-abri ».
Ce qui est arrivé dans les sept dernières années, dit-il, est qu’il y a eu une augmentation énorme de la demande pour les appartements – à l’achat, pas à la location.
« Comment puis-je le savoir ? Parce que le prix du loyer n’a pas augmenté aussi vite. Il a augmenté un peu. S’il y avait eu un problème avec l’offre – pas assez d’appartements pour vivre – alors nous aurions également vu un pic dans le loyer ».
Pour soutenir cela, a expliqué Sarel, il y a de nombreuses données sur la densité de la vie – le nombre de chambres et de mètres carrés par ménage.
« Nous voyons dans ces dernières années que la densité a baissé. Les gens vivent dans des appartements plus grands, avec plusieurs chambres et plusieurs mètres carrés. Cela ne cadre pas avec l’explication qu’il y a une crise du logement et pas assez appartements ».
Au lieu de cela, a poursuivi Sarel, ce qui est arrivé est qu’en raison des taux d’intérêt bas, il est beaucoup plus facile d’acheter un appartement aujourd’hui que dans le passé. En effet, la plupart des gens prennent une hypothèque. « Chaque million de shekels d’un prêt hypothécaire me coûte beaucoup moins cher à rembourser qu’il y a 10 ou 20 ans ».
Sarel dit que si, dans le passé, une famille avec un salaire médian pouvait prendre un prêt d’un million de shekels, maintenant ils peuvent se permettre d’en prendre un à deux millions de shekels.
« Il est plus facile d’acheter un appartement aujourd’hui qu’il y a 10 ans et cela est beaucoup plus facile qu’il y a 20 ans. Je ne parle pas seulement du second appartement. Il est plus facile d’acheter un premier appartement aussi ».

A condition que vous ayez économisé au moins 400 000 shekels pour un acompte bien sûr. Pour un million de shekels, on peut se permettre d’acheter un nouvel appartement à Afula, Eilat, Beer Sheva ou Harish, mais pas dans la zone métropolitaine de Tel Aviv. En moyenne, un appartement de 3 chambres à Jérusalem coûtera 2 375 415 shekels tandis qu’un appartement de 3 chambres à Tel Aviv coûtera 3 148 852 shekels.
« À Tel-Aviv le problème est particulièrement grave », a précisé Fox Madlan, « parce que beaucoup de la demande est concentrée là. Près de la moitié de la population du pays vit dans la grande région de Tel-Aviv, et d’autres grandes villes d’Israël n’ont pas encore trouvé un moyen d’offrir aux jeunes le même style de vie et les possibilités économiques qu’ils peuvent y trouver ».
Qu’en est-il de la statistique qu’il faut en moyenne 150 salaires pour acheter un appartement ?
Selon Sarel, « c’est absurde ».
« Tout d’abord, il y a beaucoup de familles aujourd’hui avec deux salaires », a-t-il fait remarquer.
« Il y a vingt ans, il y en avait beaucoup moins. Donc, dire qu’à une époque vous aviez besoin de 60 salaires et que maintenant vous avez besoin de 120 salaires n’est pas vrai, parce que chaque famille a plus de salaires. En outre, l’impôt sur les salariés a diminué, de sorte que les salaires nets sont plus élevés. En outre, vous ne vous contentez pas d’acheter un appartement à partir de votre propre capital. Vous contractez un prêt qui est beaucoup plus facile à rembourser que dans le passé ».
Alors, comment expliquez-vous le sentiment subjectif des gens qu’ils ne seront jamais en mesure de se payer un appartement ?
« Parce que les médias ne cessent de rabâcher qu’il y a une crise du logement », a analysé Harel. « Le ministre des Finances (Kahlon) ne cesse de dire qu’il n’y a pas assez appartements et que nous devons construire plus. Les gens entendent cela et pensent que c’est vrai ».
Mais Sarel voit un grave danger à l’horizon, qui est que les prix de l’immobilier israélien sont, en fait, trop élevés.
« Il y a un danger que cette bulle d’actifs implose. Si les prix baissent trop vite, cela peut conduire à une crise économique et financière ».
Le pire des cas, a-t-il poursuivi, est une crise du chômage et la chute des prix des appartements accompagnée d’une hausse des taux d’intérêt. Ensuite, a-t-il prédit dans un tel cas, 68 % des Israéliens qui possèdent leurs maisons pourraient ne pas être en mesure de rembourser leurs prêts.
Quelle est la solution ?
Le gouvernement devrait cesser d’intervenir sur le marché, a estimé Sarel. Toute subvention que le gouvernement offre aux acheteurs de maisons neuves – comme le plan zéro TVA de l’ancien ministre des Finances, Yair Lapid, (qui a rendu si furieux Sarel l’année dernière qu’il en a quitté son emploi d’économiste en chef de la Trésorerie) ou l’initiative Mechir de lemishtaken de Moshe Kahlon, qui plafonne le prix final des appartements pour certains projets et donne des offres à des entrepreneurs qui promettent de répondre à ce prix – ne fait qu’accroître la demande pour de nouveaux appartements, qui par inadvertance et paradoxalement leurs prix augmentent.
« Les subventions n’aident pas les personnes qui ne peuvent se payer un acompte et ils augmentent simplement la demande. Si je sais que j’aurai un rabais, je vais acheter un appartement plus grand », a-t-il souligné.
Du côté de l’offre
Toutes les personnes interrogées pour cet article ont convenu que l’offre de terrains pour de nouveaux appartements était très problématique mais elles n’étaient pas d’accord sur le fait de savoir si le nombre réel d’appartements proposés à la vente suivait le même rythme que les besoins de la population.
« Il y a un énorme problème d’approvisionnement », dit Noam Gruber. « Il faut 13 ans pour construire un appartement en Israël. Deux ans pour la construction à proprement dite et 11 ans pour obtenir toutes sortes de permis ».
Le tout premier goulot d’étranglement de ce processus vient du Israel Lands Authority, jusqu’à récemment connu comme l’Administration foncière israélienne. Cet organisme gouvernemental a été fondé en 1960 pour gérer les terres du Fonds national juif et d’autres terres appartenant à l’Etat (qui constitue 93 % du territoire du pays). Son mandat est de « garantir que le territoire national est utilisé conformément aux lois israéliennes et activement protéger et surveiller les terres de l’Etat ».
Il émet des appels d’offres qui proposent aux développeurs de gagner un bail à long terme sur le terrain et le potentiel de devenir riche grâce au développement immobilier.
Mais au fil des ans, l’organisme a développé une réputation de népotisme et de corruption. Les 500 employés de l’organisation bénéficient de salaires généreux et de pensions, au moins ceux qui sont au sommet de la pyramide. (Le salaire moyen, selon TheMarker, est de 15 000 shekels par mois alors que le salaire médian est de 11 900 shekels.)
Selon The Marker, lorsque l’Administration foncière israélienne était à la recherche d’un nouveau directeur adjoint en 2011, une femme nommée Liora Toshinsky, qui se trouvait être une amie proche de l’ancien directeur, a reçu une copie de l’appel d’offres pour le poste avant tout le monde. Elle a ensuite procédé à le réécrire pour qu’il corresponde à ses propres compétences et expérience. Toshinsky a obtenu le poste.
Plus tôt cette année, la police israélienne a interrogé un fonctionnaire de l’administration du Territoire avec un membre non identifié de la Knesset car ils étaient soupçonnés de s’être entendus pour attribuer un appel d’offres à une entreprise de construction immobilière.
« Vous devez comprendre », a expliqué Daniel Doron, « que la signature de tout bureaucrate de la Land Authority peut valoir des millions à un promoteur immobilier ».
Un autre scandale récent concerne l’ancien chef d’Etat-major de Tsahal, Yoav Galant, qui se serait approprié des terres domaniales qu’il a ajouté à sa propriété. Cette manœuvre a été accélérée par la Land Authority pour des motifs inconnus.
« Ils disent qu’une partie de la bureaucratie de la Land Authority est corruptible. Il y a des gens là-bas qui ne veulent pas faire passer les choses sans un pot de vin », a déclaré Sarel. « Je ne sais pas si ces histoires sont vraies, mais elles existent ».
Mais une fois que la terre a été vendue à des promoteurs par l’Administration des terres d’Israël, il y a d’autres obstacles. Les développeurs doivent recevoir des permis de construction de la municipalité locale, où, une fois de plus, le droit de signature vaut beaucoup d’argent.
Selon les chiffres les plus récents, environ 60 265 maires d’Israël ont été sous le coup d’une enquête policière pour corruption, la plus grande partie ayant à voir avec le permis immobilier.

Et la corruption n’est pas le seul problème.
« Il y a des restrictions sur les taxes de la municipalité qui font que les villes perdent de l’argent sur les nouveaux résidents », a précisé Gruber. « Les villes préfèrent l’industrie et les projets commerciaux et essaient de bloquer la construction résidentielle ».
« Disons que vous êtes le maire de Petah Tikva », poursuit Sarel. « Vous avez la possibilité d’ajouter un nouveau quartier. Cela ne vaut tout simplement pas le coup. La nouvelle population va coûter beaucoup d’argent en termes de services et d’éducation, tandis que les impôts qu’ils paient ne couvriront pas les coûts « .
Gruber veut changer la dynamique d’incitation à la construction des maires et souhaite qu’il y ait une dévolution de l’autorité de l’Autorité des Terres sur les villes. Si les gens veulent vivre à Tel Aviv, Tel Aviv devrait être en construction jusqu’à ce qu’il ait la densité de Manhattan.
Sarel, pour sa part, pense que la solution est de continuer à réformer l’Administration des terres, un processus qui a commencé en 2009. « Ils ne doivent pas avoir le monopole. Qu’ils lancent des appels d’offres pour les blocs de terres qui ne sont pas prévus – et qu’ils laissent quelqu’un d’autre faire la planification. Ensuite, il y aura plus de concurrence ».
Une nation de demandeurs de loyer
Si vous demandez à Daniel Doron pourquoi les prix des appartements ne cessent d’augmenter, il va pointer le doigt sur le problème systémique plus large de la société israélienne. Le secteur des affaires, dit-il, est dominé par à peu près 20 magnats, qui sont de mèche avec les politiciens corrompus et les puissants bureaucrates du gouvernement. Cela fait que l’économie fonctionne de manière inefficace et étouffe la plupart de la population jusqu’à ce que leur niveau de vie soit juste au-dessus du seuil de pauvreté.
Il cite un rapport datant de 2010 de la Banque d’Israël qui a révélé qu’ « une vingtaine de groupes d’entreprises, presque toutes familiale et structurées comme des pyramides, contrôlent une grande partie des entreprises publiques (environ 25 % des entreprises cotées aux fins de négociation) et environ la moitié des parts de marché ».
Un grand pourcentage d’Israéliens se réveillent chaque matin, dit-il, « et se tournent vers des emplois où ils passent une grande partie de la journée à jouer de la politique pour se rapprocher des gens à côté de l’auge. Voilà pourquoi la productivité israélienne vaut seulement 2/3 de celle des travailleurs américains, et ces travailleurs n’ont pas le sentiment de faire quelque chose ayant une valeur ».
Ce que Doron décrit sont des « demandeurs de loyer », un terme économique qui désigne ceux qui sont proches de l’élite et qui utilisent leur influence politique ou économique pour se partager le gâteau existant dans leur propre intérêt plutôt que de produire de la valeur et de la croissance du camembert économique dans son ensemble.
Selon le Fonds monétaire international, « une des conséquences de la demande de loyer est que les ressources productives sont détournées vers des activités d’appropriation, résultant en une mauvaise allocation des ressources de l’économie. Les activités de recherche de rente, telles que la corruption et la culture de l’impôt, peuvent réduire la croissance en abaissant les incitations et des opportunités pour la production et l’investissement. Des études inter-étatiques constatent que les pays où la corruption et la recherche de loyer sont endémiques, souffrent d’une accumulation de capital, d’une productivité et d’une croissance plus faible ».
Israël se classe 37e dans le monde pour la corruption selon une étude, avec l’Espagne, la Pologne et Taiwan.
« Ce pays dispose d’un capital humain considérable », poursuit Doron, « mais le système établi ici pendant les jours socialistes détruit la politique et l’économie. Nous perdons nos jeunes. Qui restera-t-il pour défendre le pays ? ».
« Il n’y a pas de chiffres solides pour pouvoir savoir si les prix des logements sont la cause originelle qui poussent les gens à partir », a précisé Gruber, « mais il me semble que dans un monde mondialisé, les gens sont très conscients des opportunités en dehors d’Israël, qui incluent un appartement ou une maison ».
Quant à Erez, le gérant du café, il dit qu’environ 20 % de ses amis sont déjà partis.
« Toute personne qui a la possibilité d’obtenir des visas ou des passeports étrangers, n’a pas perdu de temps. Certains vivent en Chine, beaucoup aux Etats-Unis, certains en Europe ».
Selon un sondage, près de 40 % des Israéliens pensent à émigrer. Un million d’Israéliens vivraient à l’étranger.
« Je ne veux pas partir », dit Erez avec nostalgie. « Les gens sont chaleureux. Je me plais beaucoup ici. Israël est vraiment le meilleur endroit pour vivre. Mais seulement si vous avez assez d’argent », conclut-il.
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