Polémique autour de l’ouverture d’un mémorial juif à Lviv sur le site d’une synagogue historique
Les communautés ukrainiennes craignent que ce projet ne soit une ruse pour créer des espaces publics au détriment d’un site patrimonial
MOSCOU (JTA) – La ville de Lviv (anciennement francisée Lvov) dans l’ouest de l’Ukraine a inauguré un monument commémoratif très controversé sur ce qui était auparavant une partie du complexe de la Grande Synagogue de la Rose d’or.
L’inauguration a eu lieu dimanche, journée européenne de la culture juive, à Lviv, de l’Espace Synagogue. La cérémonie était dirigée par le maire Andriy Sadovy, en dépit de l’action menée en justice de Meylakh Sheykhet, président ukrainien de l’Union des conseils des juifs dans l’ancienne union soviétique (URSS). L’inauguration s’est faite en présence de centaines de personnes.
Ce projet, qui reçoit l’aval de certains juifs à Lviv, notamment de l’association Chesed-Arieh, présente un mémorial avec des plaques commémoratives à l’endroit du complexe de la Grande Synagogue de la Rose d’or, qui date du 16e siècle, et largement détruite par les nazis dans les années 1940.
Ce projet, qui a démarré en juillet 2015, inclut également la cémentation conversationnelle de certaines fondations et reliques du complexe.
Sheykhet s’est opposé au projet. Pour lui, il s’agit d’une ruse pour créer des espaces publics sur un site patrimonial juif dans une zone centrale de la ville, de façon à ce que cela améliore l’industrie du tourisme, mais ne respecte pas les normes internationales en matière de commémoration.
« C’est un projet qui gagne de l’argent sur la mémoire des défunts. C’est un déshonneur », déclare Shekyet.
Mais Sofia Dyak directrice du Centre pour l’Histoire Urbaine en Europe de l’Est et en Europe Centrale, à Lviv, qui a dirigé le projet en association avec le conseil municipal de Lviv a défendu ce projet comme « quelque chose de digne, qui expose un grand nombre d’Ukrainiens à la destruction de la communauté juive de Lviv », précisément grâce à son emplacement.
Shekyet, qui fait partie d’une poignée de juifs orthodoxes vivant à Lviv, a réclamé la reconstruction de la synagogue dans une ville où la population est estimée à quelque 1 200 personnes. Ses détracteurs perçoivent son projet comme étant irréaliste. Dyak ajoute que le projet commémoratif pourrait être étendu dans le futur, mais pour l’instant « c’est mieux que rien ».
En 1939, Lviv accueillait 110 000 juifs, soit un tiers de sa population.
En 2014, un tribunal ukrainien a prononcé une injonction contre l’avancement du projet de conception dans trois sites juifs à Lviv, y compris celui de la Synagogue de la Rose d’or. Les plans ont été choisis en 2010 à l’occasion d’un concours international. Le Conseil suprême ukrainien a tranché que les plans ne respectaient pas les normes et procédures locales et internationales.
Mais la ville a obtenu du ministre de la Culture la permission de poursuive le projet de la Synagogue de la Rose d’or avec des plans similaires à ceux qui avaient été sélectionnés lors de la compétition, toujours par le même architecte allemand, Franz Reschke. Les travaux préparatoires de l’Espace des Synagogues ont débuté en juillet 2015.
Sheyket a porté plainte à nouveau, argumentant que le projet violait la décision de justice de 2014. Un verdict est attendu d’ici la fin du mois. Il prétend que les tribunaux font délibérément durer ce procès, alors que le projet est déjà terminé.
Dyak a rejeté cet argument, en disant que « le projet est tout à fait conforme. Autrement, il n’aurait pas pu être mené à terme. »
La ville projette de crée un parc commémoratif sur une partie du vieux cimetière juif de Lviv. Sheyket a promis de lutter contre ce projet. En effet, certains rabbins estiment que la loi juive stricte interdit de profaner des tombes juives.
Les questions de sites commémoratifs et des personnes relatives à l’Holocauste divisent en Ukraine. En effet, le sentiment anti-russe est répandu, et les rues sont depuis peu nommées d’après des collaborateurs pro-nazis dont les troupes ont tué des juifs.
Les dirigeants juifs voient d’un oeil critique ce développement et se sont exprimés contre ce qu’ils perçoivent comme une profanation des sites de l’Holocauste, y compris dans la ville de Kovel, à proximité de Lviv. Cet été, un zoo mobile a été installé au-dessus d’une fosse commune qui recueille les dépouilles des victimes de l’Holocauste.