Querelle des élus sur la définition du haredi lors des débats sur la conscription des ultra-orthodoxes
Gilad Malach, chercheur à l'Institut israélien de la démocratie, a dit à la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset que 32 % seulement des recrues dites 'haredi étaient ultra-orthodoxes

A contrario des chiffres dont dispose l’armée, seul un faible pourcentage des militaires que l’armée israélienne considère comme ultra-orthodoxes s’identifie véritablement à ce courant, a expliqué jeudi aux députés un éminent chercheur, en plein débat sur la définition de cette communauté religieuse insulaire et sa conscription.
« Chaque année, nous publions le nombre de haredim enrôlés, sur la base des informations officielles. Ces dernières années, on tourne autour de 1 200 », a expliqué à la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset Gilad Malach, chercheur à l’Institut israélien de la démocratie.
« J’ai l’impression d’avoir menti au grand public : lorsque nous avons vérifié ces chiffres, il s’est avéré que seulement 32 % des enrôlés en tant que haredim se définissaient comme tels. »
L’enjeu de la journée de jeudi était une disposition du projet de loi controversé sur la conscription exigé du Premier ministre Benjamin Netanyahu par ses partenaires de coalition ultra-orthodoxes, qui confirme la définition du haredi comme étant celui qui passe au moins deux ans, entre l’âge de 14 et 18 ans, à étudier au sein d’un établissement d’enseignement ultra-orthodoxe.
« D’après les informations dont nous disposons, et selon cette définition très large, le chiffre officiel de 1 200 haredim faisant, chaque année, leur service est une illusion », a déclaré Malach au Times of Israel à l’issue de la discussion de la commission.
« En fait, le chiffre réel, précis est de plus ou moins 400. Il est donc impossible d’utiliser cette définition large parce que si le but est de recruter des haredim, cette définition ne le permet pas. Nous recrutons en fait des personnes en rupture avec la communauté », a-t-il précisé.

Yossi Levi, réserviste de Tsahal à la tête d’une ONG qui travaille avec le bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda, n’est pas d’accord et dit qu’il « ne fait aucun doute que des données aussi complexes peuvent donner lieu à une analyse incorrecte ».
« D’après les études que nous menons auprès des haredi qui ont effectué leur service militaire, plus de 80 % s’identifient clairement au public haredi », affirme-t-il en ajoutant que si nombre d’entre eux ne sont plus considérés comme des haredim par leurs pairs et se présentent eux-mêmes selon des termes différents, ils demeurent pour l’essentiel des ultra-orthodoxes.
Une définition désastreuse
Dans un courrier adressé au président de la commission, Yuli Edelstein (Likud), avant l’audience de jeudi, le ministre de la Défense Israel Katz a plaidé en faveur du maintien de la définition actuelle pour procéder à l’appel à la conscription dans le cadre des objectifs annuels d’enrôlement de ce projet de loi.
Le secrétaire du cabinet, Yossi Fuchs, a lui aussi plaidé la cause de la définition actuelle en disant en substance : « Il faut définir qui est haredi, sinon nous ne saurons pas à qui s’appliquent les objectifs ».
« Toutes les lois passées sur l’enrôlement sont immanquablement revenues à cette définition, afin d’avoir une définition authentique, pour ne pas se retrouver avec des gens qui, un beau matin, se mettent une kippa noire et se disent haredim », a expliqué Fuchs devant les membres de la commission.
Un peu avant, Fuchs avait dit sa préférence pour des objectifs d’enrôlement annuels et non un système de quotas permettant à un certain nombre de haredim de continuer à étudier à plein temps, tout en laissant les autres faire leur service.
Lors de l’audience, ce jeudi, le gouvernement s’est prononcé en faveur du maintien du statu quo, a contrario des députés de l’opposition qui ont manifesté leur désaccord en expliquant que la définition actuelle des haredim vidait de leur sens les mesures prises pour la conscription.
Au Times of Israel, le député de Yesh Atid, Moshe Tur-Paz, a dit que la définition actuelle permettait « aux haredim de passer entre les mailles du filet » et proposé que la loi exige d’avoir passé quatre ans dans un établissement haredi pour être considérée comme tel, voire d’abandonner cette définition.

Selon lui, la loi pourrait stipuler que l’obligation de s’enrôler s’applique à tous, avec un « quota d’exemptions » réservé à un nombre limité d’érudits exceptionnels autorisés à ne pas quitter leur yeshiva.
Le conseiller juridique de la Commission de la Knesset a évoqué l’existence de problèmes avec la définition actuelle, en rappelant que les tribunaux la trouvaient trop large et susceptible de conduire à l’enrôlement des hommes éloignés de la vie ultra-orthodoxe.
Interrogé par le député Yaakov Asher, membre du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, sur le statut d’un homme devenu ultra-orthodoxe deux jours avant son 17e anniversaire, le procureur général adjoint Gil Limon a répondu qu’aux yeux de la loi, il n’y aurait vraisemblablement « aucune différence » entre lui et un haredi né et élevé dans cet environnement.
La veille de ce débat sur l’enrôlement, le parti ultra-orthodoxe Shas était revenu sur sa menace de faire tomber le gouvernement s’il ne parvenait pas à faire adopter le projet de loi sur l’enrôlement lors des deux prochains mois.
Il y a peu, l’armée a fait savoir à la commission qu’à supposer qu’elle dispose des ressources nécessaires, elle pourrait accueillir tous les haredim « sans aucune restriction » dès 2026.
Le ministre de la Défense Katz a toutefois fait valoir que ce ne serait pas pratique et qu’il serait préférable de relever progressivement le nombre de haredim enrôlés dans l’armée jusqu’à atteindre 50 % des cohortes éligibles, chaque année, en 2032.