Résurgence du Hamas dans le nord de Gaza : Un « travail de Sisyphe » pour Tsahal
Quelles sont les batailles en cours ? Quelles pertes pour le Hamas ? Pourquoi les combats persistent ? Enfin, "anéantir" le Hamas est-il possible ? Des experts donnent leur avis

En pleine bataille « décisive » à Rafah dans le sud de la bande de Gaza, pour éliminer les « derniers bataillons » du Hamas, l’armée israélienne fait face à une résurgence du groupe terroriste palestinien dans le nord faisant planer le spectre d’une interminable confrontation.
Elle avait pourtant annoncé début janvier se concentrer désormais sur « le centre et le sud » de l’enclave, après avoir « achevé le démantèlement de la structure armée » du Hamas dans le nord .
Quelles sont les batailles en cours ?
Tsahal a lancé le 7 mai au soir « l’operation Rafah ». Objectif annoncé : éliminer les « quatre derniers bataillons du Hamas », retranchés selon l’armée dans cette localité, adossée à la frontière fermée avec l’Égypte.

Depuis, ses soldats y mènent des « opérations ciblées » progressant quartiers par quartiers depuis l’est de la ville, appuyés par l’aviation, l’artillerie et des blindés. Le 18 mai, Tsahal a annoncé la découverte de « grandes quantités » d’armes et munitions et de nombreux tunnels.
Cette bataille, qualifiée de « décisive » par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et qui a poussé des centaines de milliers de personnes à fuir la zone, a été lancée un mois après que l’armée a annoncé avoir « terminé sa mission » à Khan Younès, grande ville du sud de la bande de Gaza.
Tsahal opère aussi dans le centre, notamment Deir al-Balah et Nousseirat. Ses soldats sont à nouveau au combat au sol dans le nord, surtout à Jabalia où les affrontements sont, selon l’armée, « peut-être les plus intenses » dans cette zone depuis le début de l’incursion terrestre israélienne le 27 octobre.
Quelles pertes pour le Hamas ?
Le groupe terroriste palestinien, au pouvoir à Gaza depuis qu’il en a chassé l’Autorité palestinienne (AP) en 2007, et classé groupe terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne (UE), comptait selon Israël quelque 30 000 éléments dans la bande de Gaza, répartis en 24 bataillons, avant l’assaut barbare et sadique du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, déclenchant la guerre en cours.
Selon Netanyahu, 14 000 d’entre eux ont été tués. Mais d’après H.A. Hellyer, analyste à l’Institut Royal United Services (RUSI) de Londres, « pour chaque terroriste tué », le Hamas en « recrute probablement quatre » nouveaux.
« Le Hamas n’est pas une organisation hiérarchisée, c’est un réseau de différentes brigades opérant de manière assez décentralisée », explique Andreas Krieg, spécialiste du Proche-Orient au King’s College de Londres. « C’est tout le problème de l’approche israélienne : ils essaient toujours de cibler les chefs et pensent ensuite que le réseau va s’effondrer. »
Pourquoi les combats persistent ?

Israël dispose d’une armée puissante à la pointe de la technologie. En face, le Hamas dispose d’armes anti-chars et missiles en partie fabriqués localement et de tunnels très sophistiqués.
Au huitième mois de guerre, ses terroristes continuent d’infliger des pertes à Tsahal, – 283 soldats sont morts depuis le début de l’opération terrestre le 27 octobre – mais aussi de tirer des roquettes sur les localités du sud d’Israël, signe de stocks constitués de longue date.
La bande de Gaza est une étroite langue de terre de 365 km2, qu’Israël connaît pour l’avoir gérée militairement pendant 38 ans jusqu’en 2005. Mais le groupe terroriste palestinien tire avantage de sa fine connaissance des entrelacs de ruelles et surtout de son réseau de 500 km de souterrains qui, selon les experts, ont subi peu de dégâts.
En outre, les troupes israéliennes n’occupent pas durablement les zones « nettes » parce qu’elles « suivent les ordres du gouvernement israélien qui leur demande de ne pas assumer de contrôle militaire à long-terme », explique Bilal Y. Saab, professeur associé à Chatham House.
Le Hamas lui « se bat sur son propre territoire », ce qui favorise « une véritable résilience », note Michael Wahid Hanna, analyste à l’International Crisis Group (ICG).
« Anéantir » le Hamas est-il possible ?
« Anéantir » le Hamas, comme l’a fixé pour objectif Netanyahu, semble difficile à réaliser, estiment les experts.
Il est « irréaliste d’imaginer qu’Israël puisse […] le défaire totalement, l’éradiquer », estime Hanna.

« Tant que les tunnels, les combattants [terroristes] et la contrebande existeront, il y a aura toujours une certaine capacité de combat » et le groupe terroriste sera « pratiquement impossible à éliminer totalement », abonde Saab.
Mais le réseau souterrain, sorte de second front, « n’est qu’une partie du problème », souligne-t-il. « Vous ne pouvez atteindre d’objectifs militaires durables en l’absence de stratégie politique pour le jour d’après. »
Cette question de l’après-guerre suscite des tensions de plus en plus visibles au sein du gouvernement israélien.
Le 11 mai, le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, aurait critiqué Netanyahu lors des consultations sur la sécurité , parce qu’il n’avait pas élaboré un tel plan. Démanteler le Hamas « sans mouvement diplomatique pour développer une structure de gouvernement autre que le Hamas », équivaudra à « un travail de Sisyphe », aurait-il mis en garde.