Semestres écourtés et sentiments mitigés: les Israéliens de retour sur les bancs de la fac
La rentrée universitaire, maintes fois décalée, a eu lieu ce dimanche et les campus ont rendu hommages aux réservistes, aux personnes tombées au combat et aux otages
Le dernier jour de décembre, un dimanche d’hiver frais et ensoleillé, le campus de l’Université de Tel Aviv a enfin entamé son année universitaire, retardée depuis le 15 octobre en raison de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Les étudiants de retour sur le campus ont couru d’une classe à l’autre, fait la queue pour obtenir leur carte d’étudiant et déjeuné sur la pelouse. Cette première journée de cours a annoncé un petit retour à la normale après plus de deux mois de report.
La rentrée universitaire pour les principales universités israéliennes avait été repoussée à plusieurs reprises en raison de la guerre en cours, qui a débuté le 7 octobre avec l’assaut transfrontalier du Hamas, lorsque quelque 3 000 terroristes ont fait irruption à la frontière, tuant 1 200 personnes et en enlevant plus de 240, pour la plupart des civils.
La mobilisation massive de réservistes de l’armée israélienne qui a suivi, le plus important de l’histoire du pays avec quelque 360 000 soldats appelés, a également perturbé le système universitaire. Environ 30 % des étudiants universitaires ont été appelés à servir dans les réserves – soit 100 000 soldats selon certaines estimations – ainsi que des milliers d’enseignants et de membres du personnel universitaire.
« La rentrée est très compliquée. Sur le plan social, c’est difficile parce que beaucoup de nos amis sont encore en service de réserve », a noté Danielle Zilber, présidente de l’association des étudiants de l’Université de Tel Aviv.
« Les étudiants qui [n’ont pas été appelés], d’un côté, sont enthousiastes, mais il est également difficile de ressentir de la joie – en raison de la situation », a-t-elle ajouté, faisant référence à l’opération terrestre en cours à Gaza et aux roquettes du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah qui atterrissent dans les communautés du nord du pays.
Zilber, elle-même étudiante de premier cycle, s’est entretenue avec le Times of Israel dans un couloir encombré de tables annonçant des clubs et des activités étudiantes. Dans une autre partie du campus, le syndicat étudiant avait érigé une tente « chill-out », équipée de canapés, d’un DJ jouant de la musique d’ambiance et organisant des conversations et des activités de groupe.
L’association étudiante s’est efforcée de faciliter la reprise, a expliqué Zilber, tout en prenant en considération les diverses difficultés que les étudiants peuvent rencontrer pour reprendre des études à temps plein en temps de guerre.
La date de rentrée du dimanche 31 décembre n’a été confirmée que la semaine dernière, Tsahal ayant demandé un délai supplémentaire pour que les étudiants servant encore dans les réserves pendant la guerre puissent commencer l’année en même temps que le reste de leurs camarades.
Toutefois, une solution de compromis entre l’Association des directeurs d’université et les responsables de l’armée israélienne a permis de maintenir la date du 31 décembre, étant entendu que les réservistes de retour au pays pourraient entamer leurs cursus avec plusieurs semaines de retard – la date exacte n’a pas encore été précisée. Ces étudiants devront suivre une semaine intensive de cours à leur retour afin de se remettre à niveau sur les cours manqués, après quoi ils seront incorporés dans les classes normales.
Bien que certains groupes de réservistes aient été libérés, Tsahal n’a pas divulgué de données et le nombre d’étudiants soldats que l’armée détachera dans les semaines à venir, ainsi que la date à laquelle ils seront envoyés dans les universités, ne sont pas encore connus.
C’est maintenant ou jamais
« Nous avons enfin des étudiants dans les classes. Nous sommes heureux de les voir », a déclaré le professeur Mark Shtaif, recteur de l’Université de Tel Aviv, qui s’est entretenu avec le Times of Israel alors qu’il saluait les étudiants et le personnel sur le campus.
Les universités devaient enfin ouvrir leurs portes, sinon l’année entière aurait été perdue, a-t-il expliqué, notant que l’Université de Tel Aviv, comme la plupart des universités, devra fonctionner selon un calendrier condensé de deux semestres de 11 semaines.
Les semestres raccourcis signifient que moins de choses seront couvertes, ce qui pourra être rattrapé l’année prochaine. En tenant compte des fêtes juives et des périodes d’examen, le calendrier écourté signifie en substance que « nous avons annulé nos vacances d’été » pour 2024, a-t-il expliqué.
« C’est la raison pour laquelle nous ne pouvions plus la raccourcir davantage », a-t-il ajouté.
« Nous n’avions pas beaucoup d’options et nous commençons une année difficile, mais nous réussirons. Les élèves recevront tout ce dont ils ont besoin et je pense que, d’un point de vue académique, tout se passera bien. Notre principale préoccupation concerne les soldats et les réservistes, les otages et le résultat final de notre guerre. »
L’ouverture du 31 décembre s’applique aux principales universités publiques de recherche d’Israël – l’Université hébraïque de Jérusalem, l’Université Bar Ilan, l’Université Ben Gurion du Néguev, l’Université de Tel Aviv, l’Université de Haïfa, l’Université d’Ariel et l’Institut Weizmann des Sciences.
Le Technion a décidé de commencer son année scolaire séparément, le 14 janvier.
Certains des plus petits collèges universitaires et écoles internationales d’Israël, qui comptent moins d’étudiants servant dans les réserves, ont déjà commencé leurs semestres.
Toutes les universités ont déjà annoncé des programmes d’aide destinés à aider les soldats de réserve à reprendre leurs études universitaires lorsqu’ils seront enfin démobilisés. Ces programmes diffèrent d’une université à l’autre, mais comprennent généralement des bourses, des options de tutorat individuel, des périodes d’examen plus souples, des cours enregistrés, des crédits académiques pour le temps passé à l’étranger et d’autres avantages.
Hommage à ceux qui sont tombés au combat et aux otages
À l’Université Ben Gurion du Néguev, le professeur Daniel Chamovitz a indiqué qu’ils commençaient une année « plus complexe que toutes celles que nous avons connues jusqu’à présent ».
« Nous commencerons la matinée par une cérémonie pour nous unir et nous souvenir – des personnes assassinées et tombées au combat, des otages, des blessés, des évacués et de ceux qui sont encore en service actif. »
« Nous commençons l’année universitaire avec les réservistes en tête de nos préoccupations. Ce n’est qu’en démarrant l’année maintenant que nous aurons la flexibilité nécessaire à l’avenir pour donner à chacun d’entre eux des solutions personnalisées qui les aideront à terminer l’année scolaire avec leurs camarades de classe. Notre objectif principal est que personne ne soit laissé pour compte et que chacun ait la possibilité d’obtenir son diplôme dans les délais », a ajouté Chamovitz.
Plus de 89 membres de la communauté de l’Université Ben Gurion du Néguev ont été tués depuis le 7 octobre, a-t-il fait remarquer, et plusieurs dizaines de personnes ont été évacuées de leur domicile de la région connue en hébreu sous le nom d’Otef Azza – « l’enveloppe de Gaza ». Il a pris la parole lors de la cérémonie d’ouverture du 31 décembre, au cours de laquelle une photo de l’otage Noa Argamani, étudiante à l’Université Ben Gurion du Néguev, a été affichée.
À l’Université hébraïque de Jérusalem, une photo de l’étudiante diplômée prise en otage, Carmel Gat, a été placée dans les salles de classe par sa cousine Shay Dikman, également étudiante à l’Université hébraïque.
« Dans un geste sincère, Shay et l’Université hébraïque affichent collectivement la photo de Carmel sur des chaises dans chaque salle de classe, lui réservant ainsi un siège symbolique dans chaque cours. Cet hommage touchant transcende la routine académique, servant de rappel déchirant de son absence et de testament à l’espoir inébranlable d’un retour sain et sauf de tous les otages.
« L’université, désormais ornée de ces témoignages visuels de solidarité, se tient unie, tissant ensemble les fils de l’éducation et de l’empathie face à l’adversité », a indiqué l’université dans un communiqué.
À l’université Bar Ilan, des panneaux ont été placés sur les sièges des amphithéâtres du campus, indiquant que les places étaient gardées pour les réservistes. « Réservé aux réservistes. Un gilet pare-balles académique vous attend sur le campus », pouvait-on lire, en référence au programme d’aide académique et financière dont bénéficieront les soldats de la réserve.
Bar Ilan a également annoncé plusieurs initiatives liées au conflit en cours, notamment un nouveau cours intitulé « Traumatisme, perte et résilience » du département de psychologie, qui vise à « former les étudiants à répondre et traiter les traumatismes, en mettant l’accent sur le travail avec les enfants et les familles, ainsi que sur les questions de perte et de deuil permanent », selon un communiqué de presse publié dimanche.
L’université a également créé un forum de 40 membres du corps enseignant qui s’efforcera de « veiller à ce que les diverses populations juives et arabes israéliennes qui étudient sur le campus se sentent en sécurité ».
« Les membres du forum aideront personnellement tout étudiant rencontrant une incitation de quelque nature que ce soit sur le campus et/ou sur les réseaux sociaux », a affirmé l’Université Bar Ilan.
De retour à l’université de Tel Aviv, David Dyshel et Adan Halabi, tous deux étudiants en première année de médecine dentaire, ont rencontré le Times of Israel après leur première journée de cours.
« J’essaie d’aller bien. Ce n’est pas facile à cause de la situation « , a déclaré Halabi, qui a ajouté qu’elle était épuisée après sa première journée entière de cours.
« Je me sens très bien. J’attendais cela depuis longtemps », a indiqué Dyshel, tout en soulignant que l’absence des étudiants mobilisés – « nos amis » – se fait déjà sentir en ce premier jour.
« Les choses iront mieux lorsque tout le monde sera de retour sur le campus. »
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