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Un chef cuisinier « fou » de Buenos Aires revisite la cuisine juive

Le ‘Mishiguene’ de Tomas Kalika a une approche moderne des traditions ahkénazes et sépharades, avec une touche argentine

Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives

Tomas Kalika (à droite) dans la cuisine au Mishiguene à Buenos Aires (Crédit : Autorisation de Mishiguene)
Tomas Kalika (à droite) dans la cuisine au Mishiguene à Buenos Aires (Crédit : Autorisation de Mishiguene)

BUENOS AIRES – Un délicat tatouage d’une étoile de David sur l’avant-bras de Tomas Kalika symbolise l’approche culinaire du chef argentin d’un restaurant réputé de Buenos Aires, le Mishiguene – dont la cuisine est élaborée et indubitablement juive.

La nourriture, le décor, l’ambiance, tout rappelle le yiddishkeit, l’art de vivre juif, de la mezouza sur la porte aux latkes, au pastrami et au bortsch dans le menu sons caractéristiques de clarinette de klezmer. Le nom du restaurant signifie fou en yiddish et il fait partie d’une tendance plus large de restaurants juifs – mais pas strictement casher – de Buenos Aires, tout en se distinguant par son niveau de sophistication.

Kalika, 36 ans, originaire de Buenos Aires et descendant d’immigrants russes et polonais, n’est jamais allé dans une école d’art culinaire. Il a déménagé en Israël quand il n’était encore qu’adolescent et, après un passage dans un kibboutz, il a appris les rouages du métier dans les cuisines de Jérusalem, en commençant par le bas de l’échelle.

Bien qu’il n’ait aucune expérience en cuisine et qu’il maîtrisait juste un peu l’anglais ou l’hébreu, Kalika, qui avait à l’époque 17 ans, savait déjà qu’il voulait devenir un chef. Donc, un matin, il s’est rendu à l’Oceanos, le restaurant du célèbre chef Eyal Shani à Jérusalem. Kalika a raconté qu’il était attiré par l’Oceanos parce que Shani était l’un des premiers à commencer à forger une identité culinaire israélienne.

Tomas Kalika (Crédit : Facebook)
Tomas Kalika (Crédit : Facebook)

« Je suis allé au restaurant et j’ai demandé à voir Eyal Shani, on m’a dit qu’Eyal était en réunion à Tel Aviv. J’ai répondu que j’allais attendre », se souvient Kalika. « J’ai attendu pendant près de 10 ou 11 heures. C’était une longue journée ».

Shani est arrivé aux alentours de 21 heures et a expliqué qu’il avait une liste d’employés potentiels aussi longue que son bras. Mais la persistance de Kalika a payé.

« Il m’a donné un emploi en tant que plongeur », a-t-il précisé. Au fil du temps, il a appris les ficelles du métier dans la cuisine de l’Oceanos, escaladant les rangs pour devenir cuisinier dans le Hilton de Jérusalem (aujourd’hui le David Citadel) et la chaîne d’hôtel Eldan.

Pour Kalika, la cuisine est non seulement une passion mais « un mode de vie » qui a commencé, s’est-il remémoré dans un café dans le quartier chic de Belgrano de Buenos Aires, avec les recettes manuscrites de sa mère.

« Ma mère avait l’habitude d’avoir un livre avec les recettes que notre famille utilisait pour le déjeuner et le dîner », a-t-il expliqué. « Deux cents pages de recettes et d’instructions ».

Les livres de cuisine, y compris le Yotam Ottolenghi de Jéusalem, au restaurant Mishiguene à Buenos Aires (Crédit : Ilan Ben Zion / Times of Israël staff)
Les livres de cuisine, y compris le Yotam Ottolenghi de Jéusalem, au restaurant Mishiguene à Buenos Aires (Crédit : Ilan Ben Zion / Times of Israël staff)

Il faisait régulièrement l’école buissonnière quand il était adolescent ; sa mère, frustrée, a insisté pour qu’au moins, il fasse le dîner pour sa famille pendant que ses parents travaillaient.

« Les boulettes de viande, le schnitzel, le gefilte fish, le kreplach, le kugel, le hamin, le bortsch, le varenikes, tout ce que nous mangions en tant que famille juive et en tant que famille argentine ».

Il est finalement retourné à Buenos Aires en 2005, après avoir obtenu un emploi en tant que chef dans un nouvel hôtel près de la rivière Rio de la Plata. Quelques années plus tard, il a ouvert son propre restaurant, The Food Factory. C’était comme « mettre sur la table toute votre expérience, tous vos rêves, toute votre passion », a-t-il affirmé.

« C’était de la merde », a-t-il admis avec un petit rire. « J’ai perdu tout mon argent. Je n’ai pas le sens des finances ».

Avec son affaire qui s’écroulait, le moral au plus bas, un ami entrepreneur d’un ami – Javier Ickowicz – lui a racheté son fond de commerce. Un an plus tard, il lui a proposé un partenariat commercial, lui en tant que gestionnaire et Kalika qui dirigera la cuisine.

« Nous allons ouvrir un restaurant juif », a affirmé Ickowicz à Kalika.

« Allons. Qu’est-ce que vous voulez faire, du gefilte fish ? », lui a répondu Kalika. « Personne ne peut mieux le faire que sa mamie (bubbie), c’est impossible ». c’était une idée folle, a-t-il pensé.

Ils ont pris des recettes traditionnelles ashkénazes et séfarades et les ont réinventées avec de nouvelles techniques, dans la même veine que la cuisine de pointe espagnole ou française. L’ambiance serait « comme un mariage juif, juste sans la mariée et le marié », a déclaré Kalika.

La décoration juive du restaurant Mishiguene à Buenos Aires (Crédit : Ilan Ben Zion / Times of Israël Staff)
La décoration juive du restaurant Mishiguene à Buenos Aires (Crédit : Ilan Ben Zion / Times of Israël Staff)

Ainsi, en 2014, le Mishiguene a ouvert ses portes.

Le menu propose des plats traditionnels ashkénazes, des recettes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient et des éléments de la cuisine moderne israélienne, le tout exécuté avec des techniques modernes. Les murs sont ornés de photos de Jérusalem et de Tel-Aviv ou qui illustrent le passé dynamique des immigrants juifs de New York et de Buenos Aires, tout en rendant hommage aux traditions et aux personnes qui ont inspiré la nourriture.

Le gelite fish de Tomas Kalika au Mishiguene (Crédit : Autorisation de Mishiguene)
Le gelite fish de Tomas Kalika au Mishiguene (Crédit : Autorisation de Mishiguene)

Les plats d’Europe orientale contredisent l’idée que la nourriture ashkénaze doit être fade : le poisson Gefilte enveloppé dans des bandes de carottes blanchies avec un peu de raifort, surmonté d’une petite sardine croustillante et servi avec un filet de bouillon de poulet qui aromatise délicatemant le plat ; du Bortsch avec du kreplach ; du hareng dans une salade de pommes de terre à la crème. Le Pastrami est fait d’une manière unique en Argentine, sur un parrilla grill à bois. Les Varenikes, les grandes pâtes farcies aux pommes de terre, viennent s’entasser sur des oignons caramélisés cuits dans du schmaltz (de la graisse de poulet) et garni gde ribenes – de la peau de poulet.

« Ceux de Bubbie sont meilleurs. Là, c’est notre version. Avec amour, respect et tradition », peut-on lire sur le menu.

Mais Kalika brille vraiment avec sa cuisine séfarade. Depuis que j’ai essayé sa caille rôtie à Istanbul il y a des années, mes envies pour ses petits oiseaux n’ont cessé de me hanter. Mais ces succulentes cailles rôties du Mishiguene arrosé avec du labaneh, confortablement installées au sommet d’un couscous sent aussi bon qu’un magasin d’épices à Mahane Yehuda de Jérusalem et accompagné de carottes et d’oignons braisés, ont évincé de ma mémoire ce restaurant sur la Corne d’Or.

« Mangez les avec vos mains », m’a conseillé Kalika.

L’assortiment de grillades de Jérusalem – meorav Yerushalmi – a-t-il expliqué, était son plat favori. Un serveur a dit la même chose. Les coeurs de poulet et les foies sont accompagnés par des ris de veau grillés, l’un des plats favoris des Argentins, et est servi au sommet d’un houmous crémeux et une purée de piment bien épicée – une chose rare à Buenos Aires.

Le menu comprend même un hommage au mentor d’un temps de Kalika, Eyal Shani : la tête de chou-fleur du chef israélien blanchie dans du lait et grillé. La légère carbonisation à l’extérieur complète parfaitement le côté crémeux du chou-fleur rôti. Il est servi avec du tahini, du matbucha et du labaneh.

Le chou-fleur d'Eyal Shani au Mishiguene (Crédit : autorisation de Mishiguene)
Le chou-fleur d’Eyal Shani au Mishiguene (Crédit : autorisation de Mishiguene)

« Ce n »est pas seulement de la nourriture, c’est aussi le nom, la décoration, l’atmosphère, c’est aussi la musique – c’est toute une expérience », a-t-il affirmé.

Mishiguene est un mot qui évoque non seulement les souvenirs de la cuisine des grand-mères ashkénazes mais aussi ce qui est au cœur de ce qui définit être Juif. Un plat peut-il être appelé un plat juif s’il ne respecte pas les règles cacheroutes ? Est-ce qu’il a encore une âme juive s’il abandonne la pratique religieuse ?

La réponse pour le Mishiguene, tout du moins, est un oui sans équivoque. Il y a peut-être de la crème glacée à saveur pastrami servie comme dessert ignorant allègrement le tabou sur le mélange de la viande et du lait, mais l’âme de la nourriture est incontestablement juive.

« La chose la plus difficile a été le nom », a déclaré Kalika. Juste avant l’ouverture, quand tout était prêt, il a proposé Mangal – le mot hébreu pour un grill. SOn ami l’a dissuadé, lui demandant de nommer le lieu Mishiguene.

« Je suis connu parmi mes amis comme le mishiguene », a-t-il expliqué. Le nom est resté.

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