Un psychanalyste israélien et un prêtre argentin unis pour aider les enfants à risque
Ils se sont rencontrés à Madagascar dans un "kibboutz" pour les désavantagés, et ont réalisé qu’ils partageaient une croyance en l’amour inconditionnel des personnes les plus marginalisées de la société
Une famille aimante et saine donne à un enfant des avantages incalculables dans la vie, mais tous les enfants n’ont pas cette chance.
En Israël, environ 400 000 enfants (17 % des enfants) de moins de 18 ans sont répertoriés par les services sociaux comme « jeune à risque », ce qui signifie qu’ils réussissent très mal à l’école, abusent de drogues ou d’alcool, souffrent de problèmes de santé mentale, ou viennent de familles abusives ou négligentes. Dans ceux-là, environ 150 000 adolescents sont à haut risque, ce qui signifie qu’ils sont exposés à la violence, à des activités criminelles, des abus de drogues sérieux ou des abus sexuels dans leur propre foyer.
Mais selon l’ONG Friends of Bait Ham, environ 39 % de ces enfants n’obtiennent pas les services dont ils ont besoin auprès du gouvernement.
Henri Cohen Solal a fondé batim hamim ou « maisons chaleureuses » en Israël dans les années 1980 avec un groupe d’immigrants français partageant son opinion.
Psychanalyste de professions, Solal et son organisation, Beit Esther, ont fondé 50 maisons chaleureuses dans tout Israël, dans des endroits comme Jérusalem, Beer Sheva, Yeruham, Sachnin, Kseife, Hatzor, Tel Aviv et Daburriya, qu’il a plus tard cédé aux municipalités ou à d’autres ONG. Beaucoup de maisons chaleureuses sont situées dans des municipalités arabes ou bédouines car les jeunes arabes constituent 43 % des jeunes à haut risque en Israël.
Chaque maison chaleureuse est constituée d’un appartement avec du café, du thé, de quoi grignoter, deux à quatre conseillers, et organise des activités comme de la musique, du sport, du théâtre, des percussions ou de la photographie. Les maisons chaleureuses sont ouvertes de 17h00 à 23h00. Les jeunes en entendent parler par le bouche à oreille.
Une jeune fille de 16 ans a expliqué : « Vous vous sentez à la maison. Vous avez un salon, une cuisine et une salle de jeu… Vous pouvez passez le temps sans avoir de problème, et il y a une très bonne ambiance. Il y a des gens à qui parler, des gens qui s’intéressent, vous n’êtes pas à trainer dans la rue ».
La vidéo suivante a été faite par des enfants qui participaient à une maison chaleureuse à Petah Tikva.
Solal a déclaré au Times of Israel que la philosophie derrière les batim hamim est l’acceptation totale.
« Nous n’excluons aucun enfant, a-t-il expliqué, même s’ils sont violents ou difficiles ».
Ceci peut expliquer une visite inhabituelle qui a eu lieu plus tôt dans le mois. Le père Pedro Opeka, un prêtre catholique d’Argentine qui travaille comme missionnaire à Madagascar pour aider les pauvres, qui a reçu la légion d’honneur et a été nommé pour un prix Nobel, est venu en Israël début décembre pour voir Solal et visiter les maisons chaleureuses.
En fait, même si le dévot catholique et le juif traditionaliste se sont rencontrés il y a plusieurs années, tous deux ont été convaincus que la même force spirituelle animait leur travail : l’idée que l’amour inconditionnel et l’acceptation des personnes les plus rejetées et marginalisées de la société pouvait les aider à atteindre l’autonomie et à se sortir eux-mêmes de la misère. Leur croyance était si forte qu’ils ont créé une œuvre de charité commune « Les Maisons Chaleureuses », et récoltent à présent des fonds ensemble en France et en Israël.
Un problème des pays développés ?
Un des moments forts de la rencontre a été la visite par le père Pedro du centre de médiation interculturelle d’Abu Gosh, à l’ouest de Jérusalem, que l’organisation de Solal a ouvert plus tôt cette année dans le but de promouvoir le dialogue entre les jeunes à risque juifs et arabes.
« Vous seriez surpris de voir comme ils s’entendent bien, a déclaré Solal. Les jeunes à risque juifs et arabes ont les mêmes problèmes, ils trainent dans les rues sans avoir un endroit où aller, ils ont des problèmes dans toutes sortes de milieux. »
Une des différences culturelles importantes entre les jeunes juifs et arabes, dit-il, est de savoir si les filles et les garçons peuvent se rendre dans la même maison.
« A Kseife, les garçons et les filles sont séparés, à Abu Gosh il y a des heures différentes pour les filles et les garçons, à Daburriya, c’est la même maison mais des espaces séparés, alors qu’à Sachnin, ils sont mélangés », a remarqué Solal, faisait référence à différentes villes arabes. Dans les quartiers juifs, toutes les maisons sont mixtes.
Interrogé sur comment le père Pedro a réagi aux maisons chaleureuses, Solal a répondu : “Il pense que c’était important et salutaire de réduire le danger de la rue pour chaque enfant, mais il a dit : « Il y a une différence, Henri, entre ça et la pauvreté que je vois chaque jour. Même si tu dis qu’il y a quelque chose de commun entre nous, à Madagascar, le problème principal pour les enfants est d’avoir assez à manger. » »
Les damnés de la terre
Il y a plusieurs années, Solal visitait un donateur qui vit à Maurice, près de Madagascar. Solal avait un emploi partiel à l’université catholique de Paris pour enseigner la médiation et ses collègues lui avaient dit de rendre visite au père Pedro tant qu’il était dans la région.
« Je pensais que j’ouvrirai des maisons chaleureuses à Madagascar. Mais quand je suis arrivé, j’ai vu que nos outils n’étaient pas assez forts. J’ai vu que le père Pedro réussissait, donc j’ai rejoint son projet ».
Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde, dont 91 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Près de la moitié des enfants est malnutrie et le pays a le quatrième plus mauvais accès à l’eau potable.
Quand Pedro Opeka est arrivé dans la capitale du pays, Antananarivo, en 1968, il a vu de petits enfants qui ressemblaient à des squelettes prendre leur nourriture sur des montagnes d’ordures. Il a rencontré des familles qui vivaient dans des cartons et des mères qui avaient perdu cinq, six, ou sept enfants de malnutrition ou de maladie.
« Que pouvez-vous dire à une mère qui a perdu sept enfants ? » a demandé Opeka à un interviewer. « Rien. Vous pouvez prendre sa main et dire : ‘si vous avez un autre enfant, nous vous aiderons à l’élever pour qu’il puisse vivre.’ »
Il a fondé une ONG, Akamasoa, qu’il a obligeamment décrit au Times of Israel comme une sorte de « kibboutz », mais qui s’est maintenant répandu dans plus de 18 villages et héberge 30 000 personnes.
Pour vivre à Akamasoa, les parents doivent travailler et envoyer leurs enfants à l’école. Ils doivent aussi respecter une charte, dont les règles excluent la violence et le vol. 900 000 personnes, qui ne sont pas des résidents des villages ont reçu de la nourriture, des soins médicaux, des vêtements ou un refuge pour de courtes périodes de temps dans les centres d’accueil d’Akamasoa.
Les villages sont actuellement auto-suffisants à 75 % et reçoivent le reste de leur financement de donations. Les villageois ont construit des écoles, des cliniques et une carrière, et vendent des broderies et de l’artisanat. Beaucoup sont formés à construire des maisons et à paver des routes pour qu’ils puissent utiliser leurs connaissances dans d’autres régions de Madagascar.
Qu’est-ce qu’une maison ?
« En Israël, nous n’avons pas affaire à des enfants qui vivent dans cette sorte de pauvreté absolue que vous voyez à Madagascar, a déclaré Solal. Ici nous avons des enfants dans les rues qui se sentent abandonnés, rejetés, coincés. Nous ne devons pas les laisser dans la rue parce que les dealers de drogue et d’autres tireront un avantage d’eux. »
Solal a dit que des 30 000 malgaches qui vivent à Akamasoa, 13 000 ont moins de 18 ans.
Dans les deux cas, d’après lui, un enfant « reçoit l’amour qui va l’aider à changer sa position dans la société. C’est incroyable que le même processus arrive à Madagascar. Le père Pedro prend des enfants dans la rue, où ils vivent dans une pauvreté absolue, et beaucoup finissent le lycée et même l’université ».
Dans les deux cas, les enfants trouvent leur place. « Cela leur rend leur dignité et ils ont besoin de sentir qu’ils appartiennent à un endroit. Appartenir est très important. Ne pas avoir la culture de la rue, mais la culture de la maison ».
Solal a déclaré qu’il aimerait ouvrir une maison chaleureuse à Jérusalem est où il ciblerait les enfants qui pourraient être attirés par le terrorisme.
« Ils reçoivent une propagande qui dit qu’il y a un ennemi diabolique, l’Israélien, et je veux travailler avec eux pour qu’ils comprennent que peut-être l’ennemi n’est pas que l’ennemi mais est aussi une personne à qui vous pouvez parler en toute confiance – et peut-être que même pour eux c’est mieux de ne pas être dans une guerre sans fin, ou une terreur sans fin. »
« Nous avons des projets avec la mairie de Jérusalem, mais pas beaucoup de succès pour l’instant ».
Solal et le père Pedro ont prévu de tenir une récolte de fonds conjointe pour leurs deux programmes en Israël l’année prochaine. La moitié de l’argent ira à Madagascar et l’autre moitié aux maisons chaleureuses en Israël.
Quand on lui demande pourquoi des personnes soutiendraient des causes qui semblent si différentes, il suggère qu’elles ne sont pas si éloignées qu’on peut le penser.
« Quand j’ai visité Madagascar, j’ai été sidéré par leur culture et leur hospitalité. Il y a des mots en malgache qui semblent provenir de l’hébreu. Personne ne sait pourquoi. Les gens pratiquent la circoncision. »
En fait, une légende malgache dit qu’ils sont les descendants de l’une des tribus perdues.
« Le père Pedro et moi avons le même Dieu. Nous n’avons pas beaucoup de discussions théologiques, mais nous croyons tous les deux que les enfants sont tout ».
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