Victoire ou défaite : Trump a-t-il été un handicap pour les Républicains ?
Les statistiques de sortie des urnes et autres montrent que les républicains candidats au sénat ont mieux fait que Trump, qui a précipité l'électorat démocrate aux urnes

La course à la Maison Blanche n’est pas terminée aux Etats-Unis. Elle semble être fortement favorable à l’ancien vice-président Joe Biden. Mais même si Donald Trump devait défier les statistiques et qu’il parvenait à arracher la victoire, un nombre croissant d’éléments tirés des résultats de mardi suggèrent qu’il pourrait bien avoir nui aux chances des républicains dans les urnes.
Il est rare qu’un président en exercice perde une candidature à un second mandat. Si Trump devait s’incliner, ce serait le premier président américain en titre, depuis 1932, à être vaincu sans la présence d’une partie tierce venue bouleverser l’élection (George H.W. Bush avait dû affronter Ross Perot, qui avait glané 18,9% des votes en 1992 ; Jimmy Carter avait, pour sa part, trébuché sur les 6,6 % des voix qui avaient été accordées à John B. Anderson en 1980.)
Une défaite face à Biden n’est pas, en soi, la démonstration d’une faiblesse politique, bien sûr. Et c’est particulièrement vrai dans la mesure où le scrutin présidentiel de 2020 a été marqué par une augmentation spectaculaire de la participation électorale des deux côtés de l’échiquier politique.
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Mais Trump a fait pire que les candidats républicains à la chambre et au sénat dans les états dits « pivots », ce qui entraîne un malaise certain parmi les électeurs qui sont venus voter pour lui. Son nom a par ailleurs été cité par presque la moitié des Américains qui ont voté pour Biden lorsqu’il leur a été demandé ce qui avait motivé leur présence aux urnes.
Et ce n’est pas seulement parce qu’au mois de juillet, une étude menée par Pew avait révélé qu’un quart des électeurs de Trump étaient embarrassés par son « tempérament ». Mardi, les candidats républicains à la chambre ont généralement fait mieux que le leader de leur formation, tandis qu’un examen réalisé par le Washington Post concernant les élections au sénat a révélé que dans neuf états particulièrement déterminants dans la course électorale, Trump avait fait moins bien que le candidat au sénat républicain.
Dans le Maine, par exemple, Biden a gagné l’état, tandis que la sénatrice républicaine Susan Collins, qui se représentait au sénat pour un autre mandat, l’a emporté après des mois de sondages défavorables. Et la situation a été similaire en Georgie, dans le Michigan et en Caroline du nord.
Tandis que les deux parties ont fait la course dans les sondages, les républicains n’avaient remporté le vote populaire qu’une fois au cours des 28 dernières années (avec la victoire de George Bush pour son second mandat en 2004). Cela n’a pas été différent aujourd’hui et, en effet, sous l’autorité de Trump, l’écart, dans le vote populaire, s’est accru. Selon le décompte final de la Commission fédérale électorale en 2016, Clinton avait devancé Trump dans cette catégorie de la population de 2,87 millions de voix. Et mardi après-midi – alors que des centaines de milliers de bulletins n’avaient pas encore été rendus publics – Biden devançait Trump de 3,7 millions de voix, une domination qui devrait encore s’élargir lors du décompte des votes par correspondance.
Le vote populaire ne décide pas d’une élection américaine, bien entendu, mais il est un baromètre que les républicains ne pourront pas se permettre d’ignorer à long-terme.
Trump a également trébuché dans de nombreuses circonscriptions déterminantes. Selon une analyse des sondages de sortie des urnes collectés par les médias nationaux et réalisée par ABC News, Biden a rassemblé en sa faveur les électeurs suburbains avec une avance de trois points : Trump avait devancé Clinton de quatre en 2016. Trump a, de son côté, plongé dans des circonscriptions habituellement favorables aux républicains dans l’histoire, et notamment chez les électeurs blancs, les évangéliques, les militaires (où une avance de 24 points a baissé à sept).
Biden a remporté les indépendants avec une avance de 14 points, là où Trump avait dominé de six points en 2016. Les jeunes Américains qui se sont rendus pour la toute première fois aux urnes ont eu tendance à faire confiance à Biden – qui a une avance de 34 points sur Trump dans cette catégorie de la population. Clinton, elle aussi, avait bénéficié du soutien des « primo-votants » en 2016, mais seulement avec 20 points d’avance.
Une fois encore, aucun de ces détails ne suffit, en soi, à définir la course à la présidentielle. Mais si on les rassemble, on peut se permettre de suggérer que même à un moment de participation électorale grimpant en flèche – le taux de la participation électorale est le plus élevé depuis 1990 – les républicains, cette année, sont à la traîne, et même parmi leurs fidèles électeurs.
Nombreux sont ceux qui suggèrent que la personnalité de Trump et les inquiétudes qu’elle suscite peuvent expliquer partiellement cette baisse. Les républicains insistent sur le fait que les « enjeux » doivent prendre le pas sur les « qualités personnelles » dans le choix d’un président, selon les sondages de sortie des urnes. Parmi les électeurs de Biden à qui il a été demandé d’expliquer la raison de leur préférence pour le candidat démocrate, un électeur sur deux a cité les « qualités personnelles » et deux électeurs sur deux ont cité les « enjeux ». Parmi les électeurs de Trump, cela a été un électeur sur cinq.
Il est déjà clair que les sondages qui ont montré que la victoire de Biden serait élevée se sont trompés. Mais on ne sait pas encore clairement pourquoi. Certains républicains ont laissé entendre que les médias qui penchent à gauche et le shaming social avaient entraîné la réticence à se prononcer des partisans de Trump, interrogés par les instituts de sondage.
Cela pourrait être vrai. Il est également possible que certains partisans de Trump aient hésité à prendre une décision avant le jour J. Les sondages de sortie des urnes montrent que Trump est en tête, entre 40 % et 54 %, chez les électeurs qui ont confié avoir fait leur choix la dernière semaine de la campagne.

Evoquons ce qui est peut-être le signe le plus frappant de la faiblesse de Trump : Il semble avoir été à l’origine de la participation électorale sans précédent chez les démocrates, avec presque la moitié d’entre eux qui ont indiqué aux enquêteurs, lors des sondages de sortie des urnes, que se débarrasser de Trump avait été une priorité majeure pour eux.
Les républicains ont obtenu un bon score, mardi – ils s’empareront probablement du sénat et réduiront l’écart avec la majorité démocrate à la chambre. Mais leur candidat à la présidence, lui, a fait moins bien, que ce soit dans les résultats du vote populaire ou dans ceux du collège électoral.
Durcissement des positions
Mais quelles sont les raisons qui expliquent la participation électorale massive des républicains – avec actuellement environ cinq millions de votes de plus qu’en 2016 – si Trump s’avère être un candidat si problématique aux yeux d’un grand nombre de ses propres soutiens ?
Il serait prématuré d’apporter une réponse définitive. Mais il est en revanche possible, dès aujourd’hui, de parvenir à distinguer un modèle de base. A savoir que les électeurs ont semblé moins voter pour appuyer leur propre camp que pour s’opposer au camp adverse.

Un grand nombre d’éléments laissent entrevoir un durcissement des positions. Tout d’abord, le nombre faible des indécis. En 2016, 13 % des électeurs avaient déclaré s’être décidés la dernière semaine, contre seulement à peine 5 % aujourd’hui. A noter également, la baisse du nombre d’électeurs disant que le candidat adverse pourrait néanmoins faire un bon président – ils étaient 24 % en 2012 et ils sont seulement 8 % cette année.
Les collectes de fonds, cette année, se sont élevées à environ 14 milliards de dollars, soit deux fois plus que ce qui avait été la course présidentielle la plus coûteuse de l’histoire jusqu’à aujourd’hui, ce qui est un autre signe de l’anxiété des Américains au sujet de l’issue du scrutin.
Et un autre signal encore : Il a été demandé aux électeurs, lors des sondages de sortie des urnes, de classer les enjeux qui motivaient leurs votes. Il s’est avéré que les victoires sous forme de raz-de-marée ont été étroitement liées aux priorités des votants.

Les électeurs qui ont accordé la priorité à la pandémie de coronavirus ont très largement favorisé Biden (82 % contre 14 % pour Trump), comme cela a été le cas également de ceux qui ont accordé la priorité aux inégalités raciales (91 %-8 %) et aux soins de santé (63 %-36 %). Trump l’a emporté chez ceux qui ont donné la priorité à l’économie (82 %-17 %) et aux crimes et à la sécurité (71 %-28 %).
Les deux parties sont démographiquement proportionnelles. Ceux qui ont accordé la priorité aux sujets au centre du programme de Trump constituent ainsi 46 % des électeurs et ceux qui ont eu à cœur de défendre les causes plus chères au démocrates constituent 48 % des votants.
Woke, non-woke
Ces priorités différentes sont une fenêtre ouverte sur la guerre culturelle qui a aidé à entraîner cette participation massive, avec le mouvement progressiste « woke » qui a trouvé son foyer naturel chez les démocrates et, de l’autre côté, le rejet de ce courant par les conservateurs, avec à sa tête Trump.
Le fait que Biden ait remporté les voix de ces 20 % des électeurs qui ont accordé la priorité à la lutte contre les inégalités raciales avec une victoire sous forme de raz-de-marée – 91 % contre 8 % – suggère qu’il a bénéficié du mouvement politique « woke », qui a placé les questions d’identité à la tête de l’ordre du jour national.

Que Trump ait gagné les voix des 11 % d’électeurs qui ont fait savoir que « le crime et la sécurité » étaient leur priorité avec 43 points d’avance laisse penser que lui aussi a profité de cet affrontement – ou tout du moins des agitations nées des manifestations et des violences qui ont accompagné le mouvement.
Les deux candidats ont obtenu des pourcentages de votes à deux chiffres parmi ceux qui ont donné la priorité à la guerre culturelle progressistes-conservateurs – et c’est probablement là qu’ils ont récolté une importante partie de leurs nouveaux soutiens.
Avec pour conséquence que les positionnements se durcissent, que la participation électorale s’élève et que la perspective de compromis qui est si déterminante dans une victoire se réduise comme peau de chagrin.
Et il est donc plus important que jamais de constater que ce compromis potentiel paraît bien moins confortable pour le président républicain en titre que pour son adversaire démocrate – au moins au cours de ces premiers jours d’analyse des résultats.
Si Trump perd, les républicains devront encore composer avec un élément déplaisant : celui qu’un autre candidat pourrait avoir remporté la victoire.
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