Washington exhorte Israël à repenser les lois anti-UNRWA, avertissant d’une « catastrophe »
Un fonctionnaire américain dénonce le manque de sincérité du Premier ministre qui affirme qu'Israël est prêt à travailler avec la communauté internationale sur l'aide à Gaza après avoir approuvé des lois qui affaibliront l'agence de l'ONU sans qu'une alternative soit mise en place
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Les États-Unis ont dénoncé la législation adoptée lundi par la Knesset qui vise l’agence controversée de secours des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, estimant qu’elle risque d’entraîner une « catastrophe » pour des millions de Palestiniens et demandant instamment à Jérusalem de surseoir à l’application de ces lois.
Les deux projets de loi adoptés à une écrasante majorité lors des votes finaux interdisent à l’UNRWA d’opérer sur le territoire israélien et aux autorités israéliennes d’avoir le moindre contact avec l’agence. La législation mettra fin aux opérations de l’UNRWA à Jérusalem-Est, où l’agence fournit des services d’éducation, sanitaires et civils à des centaines de milliers de Palestiniens. Elle réduira également considérablement les activités de l’UNRWA dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, où l’agence s’appuie sur la coordination avec Israël pour fournir une aide humanitaire et d’autres services.
Israël entretient depuis longtemps des relations conflictuelles avec l’UNRWA, qui, selon lui, a perpétué la crise des réfugiés palestiniens en permettant que le statut soit transmis d’une génération à l’autre. La frustration à l’égard de l’UNRWA à Jérusalem s’est accrue au cours de la dernière décennie, car Israël a découvert que le groupe terroriste du Hamas, qui contrôle Gaza, était intégré dans l’infrastructure de l’agence. Cette colère a atteint son paroxysme depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, à laquelle un certain nombre d’employés de l’UNRWA ont participé. Israël a affirmé que 10 % du personnel de l’agence des Nations unies étaient liés au Hamas, ce que l’agence a démenti.
C’est dans ce contexte que les deux projets de loi ont été rapidement adoptés par la Knesset, avec le soutien des législateurs de la coalition et de l’opposition.
L’adoption de la législation a immédiatement alarmé la communauté internationale, qui a appelé à des réformes majeures au sein de l’UNRWA tout en exprimant ses inquiétudes quant au fait que sa fermeture forcée en pleine guerre à Gaza, sans alternative viable, menace la situation humanitaire déjà désastreuse dans la bande de Gaza, où l’UNRWA joue un rôle essentiel dans la fourniture de l’aide.
Dans une lettre adressée à Israël le 13 octobre, avertissant que la poursuite de l’aide américaine à la sécurité était menacée si Jérusalem ne prenait pas des mesures importantes pour atténuer la crise humanitaire à Gaza, les hauts responsables de l’administration Biden avaient évoqué la législation anti-UNRWA, alors toujours en suspens, et avaient exhorté le Premier ministre Benjamin Netanyahu à user de ses pouvoirs pour s’assurer qu’elle ne soit pas mise en œuvre.

La lettre ne contenait pas d’appel à l’abandon de la législation dans les mesures spécifiques que l’administration demandait à Israël de prendre pour garantir la poursuite de l’aide américaine en matière de sécurité. Toutefois, le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a déclaré plus tôt lundi que l’adoption du projet de loi par la Knesset « pourrait avoir des implications au regard de la législation américaine ».
La loi interdit aux États-Unis de transférer des armes offensives aux pays qui bloquent l’acheminement de l’aide humanitaire, et Miller a laissé entendre, lors d’une conférence de presse, que le fait d’empêcher la principale agence responsable de l’acheminement de l’aide de faire son travail pourrait conduire à une réduction du soutien militaire américain à Israël.

Miller a déclaré que l’UNRWA jouait « un rôle irremplaçable en ce moment à Gaza, où il est en première ligne pour apporter une aide humanitaire aux personnes qui en ont besoin. Personne ne peut les remplacer en plein milieu de la crise ».
« Si l’UNRWA disparaît, les civils – y compris les enfants, y compris les bébés – ne pourront pas avoir accès à la nourriture, à l’eau et aux médicaments dont ils ont besoin pour vivre. Nous trouvons cela inacceptable », a-t-il ajouté.
« Nous continuons d’exhorter le gouvernement israélien à suspendre la mise en œuvre de cette loi. Nous lui demandons de ne pas l’adopter du tout, et nous envisagerons les prochaines étapes en fonction de ce qui se passera dans les jours à venir », a déclaré Miller quelques heures avant que la Knesset n’approuve le projet de loi.
Un journaliste a souligné que l’administration Biden avait elle-même suspendu son financement à l’UNRWA à la suite des révélations faites à son encontre et que le Congrès avait adopté une loi interdisant la reprise de ce financement au moins jusqu’au mois de mars de l’année prochaine.
Miller a déclaré que l’administration pensait que cette interdiction devrait être levée, arguant que l’UNRWA était engagée dans d’importantes réformes.
Il a ajouté que l’UNRWA a lancé des enquêtes de son propre chef sur les allégations israéliennes, mais qu’Israël n’a pas encore fourni à l’agence les preuves nécessaires pour enquêter correctement sur la question, et le porte-parole du département d’État a exhorté Israël à le faire.
« À plusieurs égards, les relations entre Israël et les Nations unies ne sont pas productives », a déclaré Miller, ajoutant que les États-Unis ont exhorté Israël à coopérer davantage avec les Nations unies.
Pour sa part, Jérusalem accuse depuis longtemps les Nations unies de flagrante partialité institutionnelle à l’égard d’Israël et souligne que l’attention et les critiques dont l’État juif fait l’objet au sein de l’organisation internationale sont ô combien disproportionnées.
Après l’adoption de la loi lundi, le département d’État a publié une déclaration indiquant que les États-Unis étaient profondément troublés par cette décision, car elle pourrait obliger l’agence de secours des Nations unies pour les réfugiés palestiniens à interrompre toutes ses opérations à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
« La mise en œuvre de cette législation risque d’entraîner une catastrophe pour les plus de 3 millions de Palestiniens qui dépendent de l’UNRWA pour les services essentiels, notamment les soins de santé et l’enseignement primaire et secondaire », a déclaré le département d’État. « Nous demandons instamment au gouvernement israélien de faire une pause et d’examiner plus avant la mise en œuvre de cette législation afin de permettre à l’UNRWA de remplir efficacement sa mission et de faciliter l’aide humanitaire.

« L’UNRWA a depuis longtemps besoin d’être réformée. Nous soutenons les mesures visant à renforcer l’impartialité et la neutralité de l’UNRWA, notamment pour répondre aux allégations de liens avec le terrorisme », a ajouté le département d’État américain.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a soulevé la question avec Netanyahu lors d’une réunion en tête-à-tête que les deux hommes ont tenue à Jérusalem la semaine dernière, selon un rapport d’Axios.
Netanyahu a déclaré, à tort, à Blinken que les législateurs de l’opposition étaient responsables de l’avancement de la législation et que le secrétaire d’État devrait soulever la question avec son chef Yair Lapid, a déclaré un fonctionnaire américain à Axios.
Bien que le parti de Lapid ait voté en faveur de la législation, les projets de loi ont été soumis à un vote final plus tôt dans la journée par la coalition de Netanyahu, et non par l’opposition.
Un fonctionnaire israélien a déclaré au Times of Israel lundi que les services de sécurité et les professionnels israéliens avaient mis en garde l’échelon politique contre l’adoption de la législation qui entrave massivement la capacité de l’UNRWA à opérer à Gaza en pleine guerre sans qu’une solution de remplacement viable ne soit en place.

Bien que certains dirigeants politiques israéliens aient reconnu le risque humanitaire et la réaction internationale qui en résulterait, « le coût politique de l’opposition à la législation est devenu trop important pour être supporté », a déclaré le fonctionnaire, expliquant que les forces israéliennes elles-mêmes ont passé des mois à élaborer une campagne qui lie l’UNRWA au Hamas
Réagissant à l’indignation générale, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a toutefois affirmé qu’Israël était « prêt » à « travailler avec (ses) partenaires internationaux » pour continuer à « faciliter l’aide humanitaire à Gaza d’une façon qui ne menace pas (sa) sécurité ».
« Les employés de l’UNRWA impliqués dans des activités terroristes contre Israël doivent répondre de leurs actes. Comme il est également essentiel d’éviter une crise humanitaire, une aide humanitaire soutenue doit rester disponible à Gaza aujourd’hui et à l’avenir », a déclaré le cabinet du Premier ministre dans un communiqué publié en anglais.
« Dans les 90 jours précédant l’entrée en vigueur de cette législation – et après – nous sommes prêts à travailler avec nos partenaires internationaux pour veiller à ce qu’Israël continue à faciliter l’aide humanitaire aux civils de Gaza d’une manière qui ne menace pas la sécurité d’Israël », a déclaré le bureau de Netanyahu.
Mais un fonctionnaire américain s’est moqué de cette déclaration, déclarant au Times of Israel que l’adoption d’une législation contre l’UNRWA sans qu’une alternative soit en place pour remplacer l’agence « et ensuite se retourner et dire que l’on veut s’assurer que l’aide puisse continuer à atteindre les civils… C’est malhonnête et imprudent ».