Commémoration de Rabin: Rivlin met en garde contre un climat politique « violent »
Le président a mis en garde contre la "pente glissante entre incitation à la haine et effusion de sang" ; la fille de Rabin dénonce les théories du complot entourant l'assassinat
Des événements commémoratifs d’État ont eu lieu dimanche pour commémorer l’anniversaire en date hébraïque de l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin il y a 24 ans, avec le président Reuven Rivlin qui a fait remarquer que le discours politique actuel rappelle la haine qui avait présidé à ce crime.
« Les jours qui ont précédé l’assassinat de Rabin ont été des jours de débats publics intenses et légitimes, qui ont débouché dans certains cas sur une incitation au crime et une diffamation qui ont motivé le meurtrier à tenter d’assassiner la démocratie israélienne », a déclaré Rivlin lors d’une manifestation à la résidence du Président à Jérusalem.
« Un meurtre politique pourrait-il se produire aujourd’hui aussi ? Je ne sais pas », a poursuivi le président. « La culture politique de gauche à droite est marquée par l’aliénation, les clivages remplaçant la discussion et le débat. Le discours politique ne peut pas se faire avec de la violence ».
« Nous ne devons pas oublier la pente glissante qui va de l’incitation à la haine à l’effusion de sang. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter qu’un couteau assassin ne soit levé à nouveau. Je me tourne vers tous les camps politiques, de droite comme de gauche – n’alimentez pas la haine, ce n’est pas la voie de la nation israélienne », a imploré le président.
Dalia Rabin, la fille de l’ancien dirigeant, a dénoncé dans son discours les propos tenus récemment par un professeur colportant la théorie du complot selon laquelle le tueur condamné Yigal Amir n’était pas le véritable assassin.
Amir, qui a été filmé en train de tirer sur Rabin, a avoué l’acte et n’est jamais revenu sur son témoignage.
« Nous, qui avons dû mener la bataille pour préserver l’héritage [de Rabin], nous nous trouvons devant une réalité complexe qui rend les choses très difficiles », a déclaré Dalia Rabin. « Un tiers du pays croit à un complot, un cinquième dit à haute voix que la condamnation du meurtrier est erronée ».
« Quelque chose ne va vraiment pas », dit-elle. « À bien des égards, non seulement nous n’avons pas tiré les leçons du meurtre du Premier ministre, mais notre situation actuelle est pire. Les réseaux sociaux permettent d’éliminer toute retenue. »
La fille de Rabin a averti : « L’heure est grave : La société israélienne souffre de tendances anti-démocratiques et violentes. Ce n’est pas marginal. »
« Depuis des années, nous disons que toute la nation est en deuil, mais dans de nombreux endroits, il y a eu des débordements de joie. Il était autrefois inapproprié de dire cela ; aujourd’hui, c’est bon, c’est accepté. Au Centre Rabin, nous rencontrons des étudiants qui disent que c’est une bonne chose que Rabin ait été assassiné », a-t-elle déploré.
Une cérémonie commémorative d’État devait avoir lieu plus tard dans la journée, suivie d’une cérémonie spéciale de la Knesset. Des milliers de personnes sont attendues au cours de la soirée sur la place Rabin à Tel Aviv – où le meurtre de 1995 a eu lieu – et participeront aux discussions.
Des hommes politiques, des journalistes qui travaillaient le jour du meurtre, des membres de familles de victimes du terrorisme et de crimes haineux, des personnalités culturelles, des éducateurs religieux, laïques et arabes, un agent du Shin Bet qui a interrogé l’assassin Yigal Amir la nuit du meurtre et Haïm Asa, conseiller en sécurité nationale pour Rabin devaient assister à ces évènements.
Des écoles de tout le pays organisaient des manifestations pour marquer l’anniversaire de l’assassinat, de même que des unités de l’armée israélienne. Le chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kohavi, a écrit une lettre aux soldats dimanche pour exhorter les troupes à « se respecter mutuellement, étant entendu que nous avons tous un objectif commun : défendre l’État d’Israël et préserver sa sécurité. Nous devrions laisser les débats sociaux en dehors de l’armée ».
Le rassemblement annuel de commémoration sur la place Rabin a eu lieu il y a une semaine. S’adressant samedi soir à des dizaines de milliers d’Israéliens, Benny Gantz a juré qu’Israël « vaincra ceux qui le haïssent » et ne capitulera jamais à la haine. Mais il a déclaré que certains des politiciens actuels du pays se livraient à nouveau au commerce de la haine et de l’incitation à la haine.
Gantz, le président du parti Kakhol lavan qui tente actuellement de former un gouvernement après les élections de septembre, était l’invité d’honneur de l’événement commémoratif. La place a été rebaptisée en l’honneur du Premier ministre après qu’il y eut été abattu le 4 novembre 1995 par l’extrémiste religieux Yigal Amir, après avoir pris la parole lors d’une manifestation en faveur des efforts de paix de son gouvernement.
Comme il y a 24 ans, le slogan de la rencontre de samedi était « Oui à la paix, non à la violence ».
« L’État d’Israël ne se livrera jamais à la haine », jura Gantz. « Les enfants d’Israël ne grandiront plus dans un État dont certains dirigeants sanctifient la haine », a-t-il poursuivi, sans citer de noms.
Bien qu’il semble que Gantz puisse faire référence à son rival, le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu, qui était chef de l’opposition au moment de l’assassinat de Rabin, l’ancien chef de l’armée a néanmoins ajouté que l’incitation et la haine ne se limitaient « pas » à un segment démographique ou à un camp politique.
Jacob Magid et Raoul Wootliff ont contribué à cet article.