Des Israéliens évacués trouvent du réconfort dans des ateliers culinaires à Tel Aviv
Tout en épluchant et cuisinant, les résidents déplacés des communautés de la frontière de Gaza racontent ce qui leur est arrivé, avant de partager un repas
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
C’est avec enthousiasme que les évacués des kibboutzim qui participaient à un atelier organisé et animé par Asif, ont coupé et mélangé, tranché et coupé en dés, mélangé et rabattu les différents mets. Depuis le 7 octobre dernier, cet institut culinaire de Tel Aviv fonctionne un peu comme un centre communautaire gastronomique.
Ils ont applaudi à tout rompre lorsque la chanteuse et ancienne participante de « Master Chef » Adi Weinberg a pris la moitié d’une tomate et en a pressé les entrailles dans une assiette d’huile d’olive. Ils ont encore applaudi lorsque l’auteure de livres de cuisine Adeena Sussman, qui dirigeait l’atelier, leur a montré comment presser facilement des citrons à l’aide d’une pince.
Au bout de deux heures, le groupe a dégusté des beygeles frais – des pains en forme d’anneau parsemés de graines de sésame – trempés dans de l’huile d’olive avec des graines de tomate et des piments hachés, ainsi qu’une énorme frittata ronde au fromage pleine de légumes et de pois chiches, une salade de betteraves rôties, de patates douces et de graines, et un dessert à base de yaourt garni de confiture de fraises maison et de fleurs comestibles.
Le directeur général d’Asif, Chico Menashe, a expliqué que l’institut organisait ce type d’ateliers une ou deux fois par semaine depuis plusieurs mois.
« Nous nous sommes découvert des muscles que nous ne soupçonnions pas », a expliqué Menashe. « Nous avons réalisé que nous avions la capacité d’identifier les besoins très rapidement et que cela ne nous prenait qu’une semaine ou deux pour développer un projet pilote et le mettre en œuvre. »
Dans les mois qui ont suivi le 7 octobre, le centre culinaire a préparé des milliers de repas dans la cuisine de son restaurant pour les personnes évacuées et s’est associé aux efforts pour préparer des repas aux soldats de Tsahal.
Asif a ouvert la cuisine de son café du rez-de-chaussée aux familles évacuées désireuses à qui leur cuisine leur manquait. Lorsque le café a rouvert ses portes, le centre a entrepris de proposer des visites culinaires aux épouses des réservistes à Tel Aviv, Jérusalem et dans d’autres villes.
Le dimanche, alors que les participants à l’atelier déjeunaient, quelques-uns d’entre eux ont raconté leur expérience de l’attaque dévastatrice du Hamas du 7 octobre.
Shunit Dekel participait à l’atelier d’Asif avec l’une de ses meilleures amies, profitant de quelques heures pour se détendre. Ambulancière et secouriste au moshav Talmei Yosef, elle était à l’étranger le 7 octobre lorsqu’elle a appris la nouvelle de l’attaque.
Ses enfants, âgés de 12 et 15 ans, étaient avec leur père, son ex-mari, dans sa maison du kibboutz Ein Habesor, l’une des communautés de la frontière de Gaza qui a été attaquée. Lorsque les tirs de roquettes ont commencé, ils se sont d’abord abrités dans un abri antiatomique à l’extérieur, puis ils sont rentrés se cacher à l’intérieur de la maison, où le père a monté la garde avec une arme lorsque les terroristes ont commencé à s’infiltrer dans la communauté.
À peine débarquée à 14 heures, Dekel s’est immédiatement rendue dans une station du Magen David Adom dans la ville d’Ofakim, dans le sud du pays. Elle a conduit une ambulance aux intersections voisines pour ramener les blessés et constater les décès, faisant parfois des embardées pour éviter les terroristes, sans toujours savoir s’il s’agissait de terroristes, de soldats ou de membres des forces de sécurité sur la route.
Les enfants et l’ex-mari de Dekel ont finalement quitté le kibboutz dans la nuit du 8 octobre.
Elle et ses enfants ont passé les deux mois suivants dans un hôtel d’Eilat, puis un mois et demi dans un hôtel de Tel Aviv, d’où elle se rendait dans le nord pour effectuer son service de réserve, en alternance avec le père de ses enfants.
Par la suite, on leur a prêté un appartement dans le quartier de Neve Tzedek, à Tel Aviv. Ses enfants s’y sont inscrits dans une école locale et, pour le moment, elle est démobilisée.
« Nous sommes en train de faire notre nid », dit-elle. « Et nous avons de la chance. »
L’un des couples, Paz Sela et Shai Sela-Asraf, ont dit qu’ils étaient membres du « kibboutz Tel Aviv », la communauté de personnes évacuées du sud installées à titre temporaire dans la grande ville.
Le couple s’est rencontré à l’armée et s’est installé à Nir Am, où Shai Sela-Asraf est né et a grandi. Ils ont aujourd’hui un enfant de 14 mois et un fils de 4 ans.
Lorsque les roquettes ont commencé à tomber le 7 octobre, ils se sont cachés dans leur pièce sécurisée, prêts à mettre ce dont ils avaient besoin dans leurs valises et à partir.
« Nous avions déjà vécu cela auparavant », a indiqué Sela-Asraf. « J’ai noté dans mon téléphone ce qu’il fallait apporter. Nous nous sommes dit que nous irions à l’hôtel pour une semaine ou deux ; je savais qu’il fallait prendre des maillots de bain. »
Mais cette fois-ci, c’était différent, et lorsqu’ils ont réussi à s’échapper de leur kibboutz, il faisait déjà nuit. Ils ont dit à leur fils de quatre ans de garder la tête baissée pour qu’il ne voie pas les cadavres sur le bord de la route.
Après s’être réfugiés chez la mère de Sela pendant une nuit, ils se sont rendus à Ein Yahav, un moshav dans l’Arava, avec dix autres familles de Nir Am. Ils ont ensuite déménagé à Tel Aviv avec le reste de la communauté de Nir Am, et ont fini par trouver un appartement temporaire.
« Nous ne voulons plus être des évacués », a-t-elle déclaré. « Il nous faut ramener les otages et après, nous pourrons réfléchir à la situation. Nous ne pouvons pas rentrer tant qu’ils ne sont pas revenus. »