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Des responsables de la Défense : « Netanyahu tente de nous faire porter le chapeau »

Le Premier ministre, qui se dit inquiet, ignore la demande d'Halevi de condamner les attaques de la coalition contre les gradés militaires pour leur impact sur la compétence de l'armée

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, deuxième à partir de la droite, à gauche, le chef d'état-major de Tsahal Herzi Halevi, à côté de lui le ministre de la Défense Yoav Gallant et Ronen Bar, chef du Shin Bet, au centre assistant à un briefing sur la sécurité lors d'une opération de Tsahal à Jénine le 3 juillet 2023. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, deuxième à partir de la droite, à gauche, le chef d'état-major de Tsahal Herzi Halevi, à côté de lui le ministre de la Défense Yoav Gallant et Ronen Bar, chef du Shin Bet, au centre assistant à un briefing sur la sécurité lors d'une opération de Tsahal à Jénine le 3 juillet 2023. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

L’establishment de la Défense pense qu’en autorisant des attaques répétées contre les hauts gradés de l’armée, le Premier ministre Benjamin Netanyahu tente de leur faire porter la responsabilité des dégâts causés à l’état de préparation de l’armée par le refus des réservistes de remplir leurs fonctions en signe de protestation contre la législation controversée de la coalition sur la refonte du système judiciaire, ont rapporté les médias israéliens lundi.

Selon la Douzième chaîne, le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, a demandé à Netanyahu, lors d’un briefing sur le niveau de préparation de l’armée dimanche, de publier une déclaration condamnant les récentes attaques des membres de la coalition et d’autres personnes contre les chefs militaires en raison des dommages causés à la sécurité nationale par le projet de refonte, et il a été surpris que le Premier ministre ne le fasse pas, a rapporté la chaîne, citant des responsables de la sécurité sous couvert d’anonymat.

« Les attaques de Netanyahu contre les chefs de l’armée et la retraite de ceux qui l’entourent sont une tentative de mettre la responsabilité de ce qui se passe sur les épaules de Tsahal », a déclaré un responsable cité par la Douzième chaîne.

Plus tôt dans la journée de lundi, le fils du Premier ministre, Yaïr Netanyahu, a partagé une publication Facebook dans laquelle il était écrit que Halevi « restera dans les mémoires comme le chef d’état-major le plus raté et le plus destructeur de l’histoire de l’armée israélienne » pour ne pas avoir pris de mesures contre les réservistes. Le message a été supprimé de la page de Netanyahu environ une demi-heure après avoir été partagé.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant a rapidement publié sur X – anciennement Twitter – une déclaration de soutien à Halevi. « Vous êtes l’un des officiers les plus remarquables que j’ai rencontrés au cours de toutes mes années passées au sein de Tsahal et des forces de sécurité – un commandant courageux, honnête, sérieux, pondéré et minutieux. »

Sans condamner explicitement le message partagé par son fils, Netanyahu a tweeté que le pays était confronté à de « grands défis » et qu’il « travaillait jour et nuit avec le ministre de la Défense, le chef d’état-major de Tsahal, les officiers supérieurs de l’armée et les forces de sécurité pour garantir conjointement la sécurité d’Israël en toutes circonstances ».

Des membres du groupe de protestation des réservistes « Frères d’armes » tenant une conférence de presse, à Herzliya, le 22 juillet 2023. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Dimanche, les chefs militaires auraient averti Netanyahu que l’armée commencera réellement à ressentir l’impact négatif de la protestation des réservistes d’ici deux semaines, selon la chaîne publique israélienne Kan. La réunion de dimanche avec les généraux de l’armée comprenait également Gallant et le conseiller à la Sécurité nationale Tzahi Hanegbi.

Les généraux ont dit à Netanyahu que l’état de préparation de Tsahal se détériorerait en cas de crise constitutionnelle, d’atteinte à sa réputation internationale ou d’adoption d’une Loi fondamentale qui étendrait les exemptions de recrutement pour les étudiants en yeshiva, a rapporté Kan.

La Douzième chaîne a rapporté lundi qu’une personne anonyme ayant participé au briefing a entendu Netanyahu exprimer son inquiétude quant au fait que, bien qu’aucune opération planifiée n’ait été annulée en raison des refus, ce scénario pourrait se produire à l’avenir. Un fonctionnaire anonyme aurait dit à Halevi de documenter ces réunions, car les informations pourraient être nécessaires un jour ou l’autre.

Le reportage télévisé a déclaré que l’establishment de la Défense a été « stupéfait » par les récentes attaques contre l’armée de la part des députés de la coalition qui ont été irrités le mois dernier après que plus de 1 000 membres de l’armée de l’air israélienne ont annoncé qu’ils arrêteraient leur service de réserve volontaire en signe de protestation contre les efforts du gouvernement pour réformer radicalement le système judiciaire.

En outre, le mois dernier, alors que la coalition faisait avancer la première grande mesure en la matière, plus de 10 000 réservistes qui se présentaient régulièrement au travail sur une base volontaire ont déclaré qu’ils ne le feraient plus. Les réservistes, dont beaucoup ont mis leurs menaces à exécution, ont prévenu qu’ils seraient dans l’incapacité de servir dans un Israël non-démocratique, ce que certains craignent que le pays devienne si la refonte judiciaire promue par le gouvernement se concrétise.

La plupart des Israéliens qui effectuent leur service militaire national obligatoire sont tenus de participer au service annuel de réserve, mais ceux qui ont servi dans des unités spéciales – dont les pilotes – doivent se porter volontaires pour continuer à exercer les mêmes fonctions lorsqu’ils sont dans la réserve, un engagement qu’ils prennent généralement de leur propre chef. En raison de la nature de leurs fonctions, les troupes des forces spéciales et les pilotes de réserve se présentent plus fréquemment aux entraînements et aux missions.

Des pilotes de l’armée de l’Air israélienne lançant leurs casquettes en l’air lors d’une cérémonie de remise de diplômes sur la base aérienne de Hatzerim, le 28 décembre 2022. (Crédit : Haïm Zach/Bureau du Premier ministre)

Alors que la révolte des réservistes s’est étendue à certaines des unités et divisions d’élite des forces armées, les chefs militaires ont eu du mal à rester optimistes sur la question en public, le porte-parole de Tsahal admettant la semaine dernière « qu’il y a un préjudice limité dans certains domaines ».

La coalition de droite du Premier ministre, soutenue par les religieux, a rejeté les protestations des réservistes, y voyant une forme dangereuse et sans précédent de chantage politique de la part de l’armée. Certains législateurs de la coalition ont suggéré que la manifestation équivalait à une tentative de coup d’État militaire.

L’armée aurait averti Netanyahu au moins quatre fois des possibles conséquences sur la sécurité des projets de refonte judiciaire de sa coalition – la dernière fois quelques jours avant que la Knesset n’approuve le premier texte législatif controversé, la loi du « caractère raisonnable », à la fin du mois de juillet.

À LIRE : L’armée est confrontée à une menace sans précédent, mais la coalition regarde ailleurs

Lundi, la Treizième chaîne a également rapporté que Netanyahu avait averti les hauts gradés de l’armée, lors du briefing de dimanche, que les informations qu’ils partageraient lors d’une prochaine réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, cette semaine, feraient l’objet de fuites – des remarques que certains membres de l’establishment de la Défense ont ressenties comme une tentative de les empêcher de fournir à la commission une image complète de l’état de préparation et de la capacité de dissuasion.

De hauts fonctionnaires ont déclaré lundi à la Treizième chaîne que le tableau complet était également caché aux ministres du cabinet de sécurité et que deux ministres présents à la réunion du cabinet ont déclaré que les membres qui ont demandé des détails sur l’état de préparation de Tsahal ont été « stoppés » par le Premier ministre.

Matan Kahana, ancien ministre des Affaires religieuses dans le précédent gouvernement, a récemment accusé Gallant de mentir sur la réalité des dégâts causés à la préparation de l’armée.

Kan a rapporté que parmi les généraux présents à la réunion de dimanche figurait le chef de l’armée de l’air, le général de division Tomer Bar, qui avait averti vendredi les pilotes de réserve qui ont déclaré qu’ils ne se présenteraient plus pour le service volontaire que l’état de préparation de l’armée « s’aggravait ».

Le chef de l’armée de l’air, le major général Tomer Bar, à droite, prenant la parole, à côté du chef sortant de la base, Brig. Général Gilad Keinan, lors d’une cérémonie à la base aérienne de Nevatim, dans le sud d’Israël, le 23 juillet 2023. (Crédit : Armée israélienne)

Lors de sa rencontre avec les réservistes vendredi, Bar a déclaré que l’école de pilotage de l’armée de l’air, l’appareil de formation et les capacités opérationnelles avaient été amoindris par la protestation, selon un article du site Web d’information Ynet, et que l’impact se ferait sentir le mois prochain, lors de grands exercices déjà prévus.

Ces commentaires, dont certains ont été confirmés par Tsahal, ont conduit Netanyahu à convoquer Gallant, Halevi et Bar par vidéoconférence vendredi soir pour leur passer un savon.

« On dirait que c’est l’armée qui dirige le pays », aurait lancé Netanyahu à Halevi et à Bar, selon des informations non sourcées diffusées par les Douzième et Treizième chaînes.

« Vous portez atteinte à la crédibilité de notre capacité de dissuasion », aurait-il crié. Halevi et Bar ont tous deux refusé de revenir sur leurs commentaires concernant l’état de préparation de l’armée, selon les informations non sourcées.

Cette mise à l’écart vient s’ajouter à ce que certains analystes considèrent comme une crise de confiance croissante entre l’armée et les dirigeants politiques.

Ni Gallant ni Tsahal n’ont publié de compte-rendu de la réunion de dimanche, qui a eu lieu après que l’armée, l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet et l’agence de renseignement du Mossad ont tous unanimement démenti un reportage de la Douzième chaîne ce jour-là, selon lequel leurs chefs envisageaient de détailler publiquement la détérioration de l’état des capacités de ces organes le mois prochain.

Le reportage indiquait qu’ils envisageaient une telle mesure après que Netanyahu eut refusé, la semaine dernière, une demande d’information de la part de certains ministres, craignant que cette information ne soit divulguée au public.

À la suite de la réunion de dimanche, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a accusé Netanyahu de tenter de rejeter sur l’armée la responsabilité des dommages causés à la sécurité de la nation.

« Les dommages causés à [la compétence de] Tsahal sont le résultat direct d’une seule chose : le coup d’État destructeur mené par le gouvernement de Netanyahu », a-t-il écrit sur X, appelant à l’arrêt du processus législatif du projet de refonte judiciaire.

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