Eau et énergie : Des études montrent l’intérêt d’une alliance Israël-Jordanie-AP
Un projet pionnier de l’Université d’Oxford souligne l'intérêt de faire de la Jordanie un centre d’énergie solaire pour réduire les émissions de carbone et économiser 47 MDS de $
Selon un modèle scientifique révolutionnaire conçu par l’Université d’Oxford, en mettant en commun leurs ressources et en reliant leurs infrastructures, Israël, la Jordanie et l’Autorité palestinienne (AP) pourraient économiser des milliards en eau et en énergie tout en réduisant leur empreinte carbone et en évitant les pénuries.
Les simulations montrent que si la Jordanie était placée au centre d’un système régional de fourniture d’énergie solaire et éolienne, cela lui apporterait 2,4 fois plus d’investissements dans les infrastructures d’énergie renouvelable que dans un scénario de statu quo, en vertu duquel chaque pays continue à faire cavalier seul, a expliqué le Dr Aman Majid de l’Oxford Martin School à un petit groupe d’universitaires, à Tel Aviv, ce mois-ci.
Toujours selon le modèle, Israël devrait dégager des surplus d’eau susceptibles de répondre aux besoins des Jordaniens et de l’AP, toujours plus en demande. Voilà qui illustre les opportunités et vertus de la coopération, alors que tous les pays cherchent le moyen de contenir le réchauffement climatique tout en faisant face à ses effets déjà désastreux.
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« Nous avons beaucoup de traités de paix et nous savons comment produire de l’eau », déclare Tareq Abu Hamad, directeur de l’Institut Arava pour les études environnementales dans le sud d’Israël, qui collabore à une partie du projet. Nous avions l’habitude de faire fuir nos partenaires régionaux. Aujourd’hui, ils viennent à nous. »
Concentrer la production d’énergie renouvelable en Jordanie lui permettrait, ainsi qu’à Israël et à l’Autorité palestinienne, d’économiser 18,3 milliards de dollars d’ici 2030, ce qui représente 9,4 % de ce que les trois pays devraient dépenser séparément pour atteindre les objectifs de réduction des émissions d’ici 2030, précise Majid.
Un réseau interconnecté serait également mieux équilibré et donc plus efficace, permettant aux trois entités d’atteindre leur objectif pour 2030 avec 24 % de panneaux solaires en moins. Le réseau serait également une aubaine en ce qui concerne l’objectif de neutralité carbone pour 2050.
Atteindre cette neutralité d’ici 2050 pourrait permettre au trio d’économiser environ 47 milliards de dollars, soit 22 %, par rapport à un scénario dans lequel chaque entité opèrerait isolément, ajoute Majid.
Majid fait partie d’une équipe d’universitaires de l’Oxford Martin School qui travaillent sur la coopération transfrontalière en matière de ressources naturelles, comme moyen de faire face aux pénuries d’eau et d’énergie. Ces difficultés devraient être particulièrement aiguës au Moyen-Orient dans les prochaines décennies.
Le Moyen-Orient, aride, est un sujet d’intense préoccupation climatique : les températures y augmentent beaucoup plus rapidement que la moyenne mondiale et la baisse des précipitations va exacerber des pénuries d’eau préexistantes. La population de la région augmente et la demande, tant en climatisation qu’en eau potable, devrait suivre la même tendance. Les pénuries d’eau et d’énergie auront nécessairement des répercussions sur la production alimentaire et la santé publique.
La Jordanie, avec ses vastes étendues de désert inhabité et ses niveaux élevés de rayonnement solaire, est considérée comme l’un des meilleurs endroits au monde pour exploiter l’énergie solaire. Les mêmes déserts présentent également un grand intérêt en matière d’énergie éolienne.
Le royaume jordanien produit déjà 20 % de son énergie à partir de sources renouvelables et vise 50 % d’ici 2030, précise Majid.
Israël, en revanche, dont l’objectif est de 20 % d’ici 2025 et 30 % d’ici la fin de la décennie, n’a atteint que 8,5 % à ce jour, en partie en raison de la difficulté d’obtention des permis fonciers pour les champs solaires, explique-t-il.
L’Autorité palestinienne tire actuellement 5 % de son énergie de sources renouvelables et vise 20 % d’ici 2030. Son alimentation électrique provient en grande partie d’Israël.
Le projet Oxford Martin School achève actuellement sa première étape, à savoir la collecte et le tri des données d’Israël, de la Jordanie et de l’AP, préalables au calcul des quantités d’eau et d’énergie disponibles et possibles, et de leur utilisation à l’avenir.
Les données impliquent la conception de scénarios de collaboration et seront suivies de projets de terrain. Il s’agit d’une étude sans précédent, selon Deborah Sandler, qui a enseigné pendant de nombreuses années à l’Université d’Oxford et vit maintenant en Israël.
« Ce que vous avez vu ce soir est une modélisation très approfondie et sophistiquée, une grande première pour notre région », a-t-elle souligné devant l’assemblée.
Le programme a réuni des scientifiques des milieux de l’environnement et de la politique, des ingénieurs, des experts de l’industrie, de hauts fonctionnaires, des diplomates et des dirigeants communautaires.
Les universitaires d’Oxford dirigent le programme avec des chercheurs d’Oxford issus de la région, relève Sandler.
« Tout, dans ce projet, associe les différents niveaux de pouvoirs, de haut en bas et de bas en haut, et est basé sur la science », assure-t-elle.
Une partie de l’étude se concentre sur le bassin du Jourdain et est menée en collaboration avec l’Institut Arava. L’institut dispose déjà d’un programme Track II établi pour la coopération transfrontalière, co-présidé par Sandler, et souhaite collaborer avec l’Université Harvard.
Track II, présenté comme un instrument de « diplomatie officieuse », consiste en des discussions informelles sur les questions étatiques, entre citoyens et organisations non gouvernementales, pour renforcer la confiance et tenter de trouver des solutions aux problèmes.
Dans le cadre de la diplomatie environnementale Track II, les scientifiques de l’Institut Arava travaillent avec les Jordaniens et les Palestiniens pour promouvoir des solutions durables à petite échelle, pour la production alimentaire, le traitement des eaux usées, l’eau potable et les énergies renouvelables dans les communautés rurales du Neguev, de Cisjordanie, de Gaza et du sud de la Jordanie.
Ils espèrent que la connexion au projet de l’Oxford Martin School permettra de developper des projets plus ambitieux, à une échelle bien plus grande et porteuse de changement.
Ces derniers jours, l’équipe d’Oxford a présenté ses conclusions à de hauts responsables de l’énergie et de l’eau en Israël, en Jordanie et à l’Autorité palestinienne. Elle s’est notamment entretenue avec la Start-Up Nation Central d’Israël, l’équipe officielle de négociation palestinienne, la Société scientifique royale de Jordanie et plusieurs diplomates, dont l’ambassadeur d’Israël en Jordanie.
Lundi, elle a clôturé cette série de réunions au Forum sur le climat placé sous le haut patronage du président israélien.
Les universitaires ont déclaré que leur présentation avait été accueillie avec enthousiasme. Le ministère israélien de l’Énergie leur a même demandé de revenir pour s’entretenir avec l’Autorité de l’électricité.
« Chaque pays ou entité se focalise sur ses (propres) ressources à des fins de planification nationale », explique Suleiman Halasah, postdoctorant à l’Université d’Oxford, qui dirige également une société de conseil jordanienne spécialisée dans les questions d’énergie, eau et environnement. « À titre personnel, c’est la première fois que je vois des Israéliens et des Palestiniens d’accord. »
Majid et Michael Gilmont, chercheur à Oxford spécialisé dans les questions liées à l’eau, soulignent que les chiffres présentés lors de la réunion seront ajustés pour tenir compte des données échangées au cours de la visite.
Gilmont, qui coordonne l’ensemble du programme de gestion des ressources transfrontalières d’Oxford Martin, précise qu’il est difficile de comparer les données des trois autorités aux fins d’analyse. Des définitions et des agrégats de chiffres différents sont en effet une source de confusion et de malentendus, explique-t-il au Times of Israel.
Mais avec l’aide d’experts de terrain, lui et ses collègues sont parvenus à produire un « ensemble de données presque cohérent, adossé à des définitions comptables similaires ».
D’autres défis les attendent, telles que des questions géopolitiques profondément enracinées qui pourraient entraver la volonté des parties de coopérer. Mais Gilmont rappelle que la science, par sa neutralité, est un véhicule idéal pour la coopération transfrontalière.
« Une approche régionale offre davantage de solutions », ajoute-t-il, précisant que l’équipe étudierait des scénarios pour dynamiser le dessalement et le traitement des eaux usées afin de répondre aux besoins régionaux. Le traitement des eaux usées mobilise un tiers de l’énergie nécessaire au dessalement.
Les données, toujours en cours d’actualisation à Ramallah et Amman, indiquent que, même considérées ensemble, elles ne permettraient pas à la région de répondre aux besoins en eau de ses citoyens d’ici 2030.
La Jordanie devrait perdre 116 millions de mètres cubes par an d’ici là, indique Gilmont, même s’il est vrai que ce chiffre sera sans doute revu à la baisse à mesure qu’Amman traitera davantage d’eaux usées, ouvrira une usine de dessalement à Aqaba et recevra de l’eau d’Israël.
L’Autorité palestinienne devrait manquer de 431 millions de mètres cubes d’ici la fin de cette décennie, selon les données.
Cependant, Israël estime pouvoir dégager un excédent de 300 millions de mètres cubes d’eau d’ici 2030, grâce au dessalement et à l’utilisation d’eaux usées traitées pour l’irrigation.
Gilmont explique que les prochaines mesures à prendre concernent l’élaboration de scénarios ou d’alternatives via des consultations avec les parties prenantes régionales.
« Nous voulons… examiner comment ces chiffres d’ensemble peuvent être mis en œuvre sur le terrain, avec des options évolutives. Nous voulons aussi créer un forum pour le partage des connaissances régionales », ajoute-t-il. « Les échanges que nous avons eus à Tel Aviv, Jérusalem et Ramallah en ont souligné le besoin. »
Signe d’une prise de conscience environnementale croissante en Cisjordanie, deux industriels de la taille de pierre à Jénine se sont présentés à la réunion pour demander conseil en matière de lutte contre la pollution des cours d’eau par le lisier de marbre, sous-produit de la taille de la pierre.
Shaddad Attili, ancien ministre palestinien de l’eau et ancien chef de l’Autorité de l’eau palestinienne, aujourd’hui membre de l’équipe d’Oxford, rappelle qu’Israël et l’Autorité palestinienne ont ratifié les mêmes accords environnementaux internationaux.
« Si nous sommes tous d’accord, pourquoi ne pas signer un protocole environnemental régional », suggère-t-il.
Sandler ajoute que le travail mené avec les professionnels de la région débouchera sans doute sur des décisions politiques.
Elle précise au Times of Israel que l’initiative n’est pas destinée à se substituer aux accords gouvernementaux, tels que ceux visant à fournir de l’eau israélienne à la Jordanie ou de l’électricité à l’Autorité palestinienne, mais à fournir une base scientifique admise par tous pour que tous les acteurs de la région puissent prendre la mesure des effets du changement climatique à venir.
« L’idée est de prendre des décisions ensemble », a-t-elle conclu.
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