Eisenkot met en garde contre une répétition de l’affaire Elor Azaria
L'ancien chef d'état-major condamne le fait que l'armée ait été mêlée au discours politique
Gadi Eisenkot, ancien chef d’état-major de l’armée israélienne et numéro 3 du parti HaMahane HaMamlahti, a appelé à ce qu’un million d’Israéliens descendent dans la rue si le nouveau gouvernement du leader du Likud Benjamin Netanyahu parvenait à mettre en œuvre son agenda politique controversé.
« Si Netanyahu porte atteinte aux intérêts nationaux de l’État d’Israël, s’il porte atteinte à la démocratie israélienne, à l’éducation publique et au statut de Tsahal en tant qu’armée nationale – la façon d’y faire face est de faire descendre un million de personnes dans la rue », a déclaré Eisenkot au journal Yedioth Ahronoth dans des extraits publiés jeudi, ajoutant qu’il ferait partie des manifestants.
Les commentaires de l’ancien chef militaire interviennent dans un contexte de demandes de la part des partis d’extrême droite et religieux, qui devraient rejoindre le Likud pour former le prochain gouvernement, visant notamment à affaiblir considérablement l’indépendance du système judiciaire et pour transférer l’autorité de certains pans des programmes des écoles israéliennes au législateur anti-LGBT Avi Maoz.
Cette semaine a aussi été marquée par les attaques de la part de législateurs d’extrême droite, notamment du chef d’Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, contre un commandant de Tsahal qui a puni un de ses soldats après qu’il a été filmé en train de railler des militants d’extrême-gauche à Hébron la semaine dernière.
« Je condamne l’exploitation cynique de Ben Gvir et de ses semblables. Nous ne pouvons pas tolérer que des soldats ne veuillent pas aller au combat à cause de la façon dont ils sont traités par des parties ayant un objectif précis », a-t-il déclaré. « Toute personne qui introduit l’armée au sein du discours politique l’affaiblit sur le long-terme au nom d’un gain politique sur le court terme », a-t-il ajouté.
Le soldat, qui a été filmé se vantant de la façon dont Ben Gvir allait faire régner l’ordre dans la ville sous tension une fois qu’il aura pris ses fonctions, a bousculé un journaliste et crié « Je n’aime pas les gauchistes et je vais leur briser les os », a été condamné cette semaine à 10 jours dans une prison militaire pour comportement inapproprié.
Le chef d’Otzma Yehudit a protesté contre la sanction, affirmant que le commandant avait « franchi une ligne rouge ». Peu après, l’identité du commandant a été divulguée sur les réseaux sociaux, à la suite de quoi des dizaines de comptes d’extrême droite ont réclamé son renvoi.
Dans le cadre des négociations de coalition, Netanyahu a accepté de confier à Ben Gvir le nouveau poste de ministre de la Sécurité nationale, avec autorité sur la police israélienne et la division de la police des frontières en Cisjordanie.
Cet épisode a rappelé à Eisenkot un autre conflit avec les politiciens lorsqu’il était chef d’état-major en 2016. Le soldat Elor Azaria avait abattu un terroriste palestinien qui ne représentait plus une menace, Abdel-Fattah al-Sharif, qui venait lui-même de poignarder un soldat israélien à Hébron.
Azaria a été condamné à 18 mois de prison pour cette fusillade, qui avait été filmée, bien qu’il n’ait purgé que la moitié de sa peine. En soutenant la sanction d’Azaria, Eisenkot s’était attiré les foudres des élus de droite.
« La lâcheté dont on fait preuve la plupart des dirigeants du pays lors de l’affaire Azaria ne doit pas se répéter. Soutenez Tsahal », a-t-il déclaré dans l’interview.
Eisenkot, qui a rejoint le parti HaMahane HaMamlahti avant les dernières élections à la Knesset, exprime ouvertement son opposition à Netanyahu ces derniers jours.
Mardi, il a averti que les politiques du nouveau gouvernement d’extrême droite pourraient conduire à l’éclatement de Tsahal.
Dans son interview accordée à Yedioth, il a qualifié les actuelles négociations de coalition de « folie absolue ». Il a décrit Netanyahu comme quelqu’un qui « chevauche un tigre » mais qui n’est pas conscient que sa queue est tenue par Ben Gvir et le chef du parti HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich.