Israël va se doter d’une indispensable banque du sang de pointe et sécurisée
Située à Ramle, ce sera la 1ère banque du sang souterraine protégée au monde ; elle sera équipée des technologies les plus récentes et disposera d'une plus grande réserve de sang
En octobre 2012, le capitaine Ziv Shilon a ouvert la frontière entre Israël et Gaza afin que les soldats de Tsahal puissent regagner Israël, suite au plan de désengagement du pays de la bande de Gaza. Au même moment, une bombe placée à une barrière par un terroriste s’est déclenchée, provoquant une explosion massive. Shilon a perdu sa main gauche, mais il était encore capable de diriger ses soldats en lieu sûr.
Il a été évacué des lieux et a été transfusé avec 56 unités de sang, ce qui lui a sauvé la vie. Aujourd’hui, malgré la perte de sa main, il continue à courir des marathons et pratique d’autres sports intenses.
Les guerres d’Israël et les menaces constantes qui pèsent sur sa sécurité exigent que le pays dispose d’une réserve de sang à portée de main. Cependant, celle-ci ne répond pas aux exigences de l’Organisation mondiale de la santé [OMS], qui stipule que les pays doivent s’efforcer d’atteindre l’autosuffisance avec un approvisionnement minimum en sang pour couvrir 4 % de leur population, à tout moment. Israël dispose de réserves de sang suffisantes pour seulement 3 % de sa population, soit un stock d’environ 260 000 unités au lieu des 350 000 ou 400 000 qu’il devrait avoir, selon les normes de l’OMS.
De plus, le sang est traité et stocké dans une installation du centre médical Sheba de Ramat Gan qui n’est pas à l’abri des missiles, des attaques biologiques et chimiques et des tremblements de terre. Les laboratoires, les réserves de sang et les salles des donneurs sont entourés de fenêtres donnant sur le campus de l’hôpital. Pratique, mais certainement peu sûr en cas d’attaque.
Mais ce n’est pas tout. L’établissement, qui est la seule banque de sang et le seul centre de traitement du pays, est de plus en plus débordé. Le complexe a été construit en 1985 pour desservir une population de 5 millions d’habitants. Aujourd’hui, la population d’Israël avoisine les 9 millions d’habitants et devrait atteindre près de 12 millions d’ici 2039.
Le centre de transfusion sanguine actuel n’a donc pas la capacité de traiter tout le sang dont le pays a besoin pour les chirurgies et les traitements médicaux, encore moins en cas d’urgence. Ses laboratoires sont encombrés d’instruments et ne sont pas conçus pour prendre en charge toute la technologie dont il aurait besoin, y compris pour se protéger contre une cyber-attaque.
« Je ne dors pas bien la nuit », a déclaré la professeure Eilat Shinar, responsable du service du sang du MDA, en parlant de la vulnérabilité du laboratoire et de l’insuffisance de la réserve de sang. Vêtue d’une chemise blanche impeccable et d’un pantalon foncé, Shinar, 70 ans, hématologue de profession, ressemble à un général de l’armée en mission. Sa chemise est ornée d’épaulettes bleues et d’étoiles rouges dans les cercles rouges du Magen David Adom [MDA], le service médical d’urgence du pays.
Bientôt, espérons-le, Shinar pourra mieux dormir. Le MDA a commencé à travailler sur une nouvelle banque de sang – un projet de 130 millions de dollars qui fera d’Israël le seul pays au monde à posséder une banque de sang souterraine, à l’abri des missiles, des attaques chimiques et biologiques et des tremblements de terre.
Il s’agira d’un complexe à la pointe de la technologie, a déclaré Moshe Noyovich, un haut représentant israélien de l’Association des amis américains du Magen David Adom, qui supervise également le projet. « Aucun centre de transfusion au monde ne sera aussi protégé que le nôtre. »
La conception du nouveau centre a commencé il y a cinq ans, et les grues et les ouvriers ont commencé à construire la structure, qui devrait être prête d’ici la fin 2020.
L’installation de 20 000 m2 dans la ville de Ramle, à environ 30 km au sud-est de Tel Aviv, comprendra six étages, un centre logistique du MDA adjacent et des places de stationnement pour les véhicules de collecte de sang, les ambulances et les donateurs. Les trois étages supérieurs abriteront des salles pour les dons de sang, un centre de formation et le centre administratif de l’établissement. Les trois étages inférieurs, souterrains, seront protégés par un blindage spécial selon les spécifications du Commandement du Front intérieur et du Service de sécurité intérieure ; c’est là que le sang sera stocké et traité.
L’installation sera en mesure de produire 500 000 unités par an, ce qui permettra d’atteindre l’objectif fixé par l’OMS compte tenu de la croissance démographique. Elle sera en mesure de produire et de traiter 2 200 unités de sang par jour (jusqu’à 3 500 unités en situation d’urgence), comparativement aux 1 100 unités actuellement produites quotidiennement. Les effectifs vont plus que doubler, passant de 184 à 374 employés.
Le nouveau centre sera protégé contre les attaques de missiles, les attaques biologiques et chimiques et les tremblements de terre, et disposera de suffisamment d’espace pour accueillir les dernières technologies, tant pour le traitement du sang que pour protéger le site des cyber attaques. Il y aura un espace de stockage blindé spécial pour un approvisionnement stratégique en sang, le minimum nécessaire en cas d’urgence, comme les catastrophes naturelles, les guerres ou autres événements catastrophiques, a indiqué M. Noyovich.
Le MDA a déjà recueilli 100 millions de dollars pour le projet et cherche à recueillir les 30 millions de dollars restants. La plupart des dons proviennent de l’Association des amis américains du Magen David Adom. Bernard Marcus, milliardaire américain de Home Depot, est le plus important donateur.
Plus tôt cette année, le MDA a inauguré un nouveau centre national de distribution du sang à l’épreuve des bombes, situé dans une installation blindée et partiellement souterraine à Kiryat Ono, près de Tel Aviv, conçue pour être protégée contre les attaques chimiques, biologiques et de missiles, selon le MDA.
L’impératif du don de sang unifie l’ensemble de la population, a déclaré Mme Shinar, directrice des services du sang du MDA. Juifs, musulmans, bédouins et druzes, laïcs et religieux, tous font la queue pour donner leur sang, dit-elle. Pendant les mois de fêtes juives, par exemple, les musulmans viennent donner du sang pour compenser toute pénurie de sang. « Nous avons des accords avec eux pendant nos fêtes et ils donnent très gentiment », dit-elle. Et comme tout le monde donne, tout le monde reçoit du sang quand il en a besoin.
Mme Shinar considère que son rôle est d’une importance stratégique nationale. Comme le MDA est une organisation non gouvernementale à but non lucratif – semblable à toutes les autres organisations de la Croix-Rouge dans le monde – elle est en mesure d’entreprendre ce que l’on pourrait appeler la « diplomatie du sang », c’est-à-dire l’échange de sang entre Israël et les pays avec lesquels le pays n’entretient aucune relation diplomatique. Israël est membre de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), qui compte 192 sociétés membres dans le monde.
Ceci est particulièrement utile lorsque des groupes sanguins rares sont nécessaires. « Nous nous envoyons du sang l’un à l’autre », a-t-elle dit, indiquant qu’Israël a fait venir du sang de Malaisie une fois, par exemple. Israël et la Malaisie, un pays majoritairement musulman, n’entretiennent pas de relations diplomatiques officielles.
Lorsqu’il y a eu des attaques terroristes contre des Israéliens en Turquie et en Bulgarie, les représentants locaux de la Croix-Rouge ont attendu que les responsables du MDA atterrissent et les ont emmenés directement dans les hôpitaux, pour évaluer la condition médicale des patients et décider de leur transfert en Israël, a expliqué Shinar.
En outre, compte tenu de la visite annuelle de milliers d’Israéliens à Ouman, en Ukraine, le MDA a reçu la permission de la Croix-Rouge d’Ukraine d’y exploiter une clinique du MDA parlant hébreu, a-t-elle ajouté.
Par une journée ensoleillée de septembre, les laborantins du centre de Ramat Gan, vêtus de leur blouse blanche, traitent le sang qui sera ensuite stocké et envoyé aux hôpitaux et aux centres médicaux en cas de besoin. La section des donneurs était calme ce jour-là et, dans tout l’établissement, de grandes baies vitrées laissaient entrer le soleil. Charmant, mais, rappelons-le, certainement peu sûr en cas d’attaque.
La nouvelle installation « nous fera avancer de 20 ans, avec la technologie dont nous avons besoin », a déclaré Mme Shinar.