La nouvelle envoyée d’Israël en Turquie présente ses lettres de créance à Erdogan
La chargée d'affaires d'Israël en Turquie, Irit Lillian, occupera le poste vacant depuis 2018 ; l'ambassadeur de Turquie devrait officiellement prendre ses fonctions en janvier
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

L’envoyée d’Israël à Ankara a présenté mardi ses lettres de créance au président turc Recep Tayyip Erdogan, remplissant ainsi un poste laissé vacant depuis plus de quatre ans.
Irit Lillian, une diplomate de haut rang qui a joué un rôle central dans la réconciliation israélo-turque, était la chargée d’affaires d’Israël à Ankara depuis février 2021, période pendant laquelle les deux parties ont avancé lentement mais sûrement vers le rétablissement de relations diplomatiques complètes.
En mai 2018, la Turquie avait rappelé son ambassadeur et avait demandé à l’envoyé israélien de quitter Ankara pour protester contre la réponse apportée par l’État juif aux émeutes qui avaient alors lieu à la frontière avec Gaza et qui avaient fait des dizaines de morts du côté palestinien.
Au mois d’août, cette année, Israël et la Turquie avaient annoncé une reprise pleine et entière des relations diplomatiques, après deux ans de lente réconciliation, qui s’est sensiblement accélérée avec les visites mutuelles de hauts fonctionnaires.
« Il était clair, depuis le début, que nous allions construire une relation dans laquelle nous nous accorderions sur le fait d’être en désaccord », a déclaré Lillian, qui a précédemment été ambassadrice d’Israël en Bulgarie et en Australie, au Times of Israel lors d’une interview au mois d’août.
« Nous sommes en train de tisser des relations bilatérales positives et véritables qui présentent de nombreuses opportunités en termes d’activités – mais nous sommes conscients du fait qu’il reste des points sur lesquels nous sommes en désaccord », a-t-elle déclaré. « Nous savons que nous n’allons pas connaître une union parfaite. »
Le nouvel ambassadeur de Turquie en Israël, Sakir Ozkan Torunlar, a présenté une copie de sa lettre de créance au début du mois à Gil Haskel, chef du protocole du ministère des Affaires étrangères, ce qui lui a permis de commencer à travailler. Il devrait présenter l’original au président Isaac Herzog le 11 janvier, après quoi il pourra officiellement prendre ses fonctions.

Torunlar est un diplomate expérimenté qui a été consul général de Turquie à Jérusalem entre 2010 et 2014 – ou dans les faits, son ambassadeur auprès des Palestiniens – et, plus récemment, l’ambassadeur de Turquie en Inde.
Dans la lettre présentée par Torunlar, Erdogan a souligné son désir « de maintenir et de renforcer les relations d’amitié qui existent heureusement entre la République de Turquie et l’État d’Israël ».
Israël était un allié régional de longue date de la Turquie avant que les relations ne commencent à s’envenimer après l’élection d’Erdogan.
Les tensions ont atteint leur paroxysme en 2010 lors d’un raid israélien contre le Mavi Marmara, une flottille qui se rendait à Gaza pour tenter de briser le blocus. L’opération avait entraîné la mort de dix activistes turcs qui s’en étaient pris aux soldats israéliens qui étaient montés à bord.
Malgré les excuses officielles qui avaient été présentées par le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, Erdogan avait accusé l’État juif de « garder en vie l’esprit de Hitler » pendant l’opération Bordure protectrice qui avait eu lieu au mois de juillet 2014.

En dépit d’une légère amélioration des relations entre les deux pays, ces derniers avaient retiré leurs ambassadeurs respectifs quand Erdogan avait accusé Israël « de terrorisme d’État » et de « génocide » lors des émeutes à la frontière de Gaza, le 14 mai 2018 – au lendemain du transfert controversé par le président américain Donald Trump de l’ambassade des États-Unis, qui avait été transférée de Tel Aviv à Jérusalem.
Dans un contexte laissant penser que le président Erdogan cherchait à améliorer ses liens avec Israël, le président Isaac Herzog s’était rendu à Ankara dans le cadre d’une visite officielle au mois de mars et avait été accueilli dans la capitale en grande pompe par un cortège militaire.
Le Premier ministre sortant, Yair Lapid, s’était également rendu à Ankara lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères en juin, où il avait rencontré son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu. À l’issue des entretiens de haut niveau visant à cimenter le rapprochement entre les deux pays, Lapid avait salué la coopération en matière de sécurité avec la Turquie, qui avait permis de déjouer un complot iranien visant à enlever ou tuer des ressortissants israéliens à Istanbul, quelques jours auparavant.

Il est probable qu’Erdogan tente actuellement de renouer des relations avec l’État juif pour briser son isolement politique et économique croissant.
La devise turque s’est effondrée ces dernières années, entraînant des difficultés économiques dans un pays qui connaîtra des élections en 2023.