Le réalisateur polonais du film sur la Shoah ‘Ida’, « sur liste noire » en Pologne
Pawel Pawlikowski a fait savoir que son film oscarisé est dorénavant interdit en vertu de la loi interdisant d'incriminer les Polonais dans les crimes nazis
CANNES, France (AFP) — Le réalisateur polonais Pawel Pawlikowski a déclaré vendredi que son film « Ida », couronné par un Oscar en 2015, figure dorénavant sur « une liste noire » établie par le gouvernement populiste de droite de son pays et il a comparé la censure exercée actuellement aux journées les plus noires du communisme.
L’homme de soixante ans, couronné par l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2015 pour « Ida », a déclaré à l’AFP que son oeuvre était interdite de diffusion à la télévision ou dans « les instituts culturels » polonais à l’étranger.
« Le film est sur une liste noire… Il y a une liste noire de quels livres, quels metteurs en scène, quels auteurs il ne faut pas soutenir », a-t-il expliqué.
« J’ai l’honneur d’être sur cette liste », a indiqué le cinéaste, dont le nouveau film « Cold War » a été présenté jeudi soir en compétition au festival de Cannes.
« Avec le nouveau gouvernement, qui a totalement pris le contrôle de la chaîne principale publique, c’est devenu comme pendant la période communiste maintenant. La propagande est incroyable à la télévision, » a-t-il ajouté.
Son dernier film, « Ida », était devenu la cible d’attaques et d’une plainte du ministre de la Culture Piotr Glinski, qui était alors dans l’opposition, lorsqu’il avait été nominé aux Oscars.
Il avait accusé Pawlikowski de ternir la réputation du pays.
Le film qui raconte l’histoire d’une religieuse catholique qui découvre qu’elle est une orpheline de l’Holocauste se penche sur les assassinats des Juifs, durant l’occupation nazie, par les Polonais chez lesquels ils avaient trouvé refuge – un fait resté tabou durant des décennies.
La loi sur l’Holocauste
Il s’intéressait également au rôle des communistes juifs dans les services de sécurité polonais de l’après-guerre et à celui tenu par le système judiciaire dans l’élimination des opposants du régime.
Au mois de mars, le gouvernement de Glinski a adopté une « loi sur l’Holocauste » controversée qui rend illégale l’attribution des crimes nazis à la Pologne.
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Pawlikowski, 60 ans, qui a passé la majorité de son existence en exil au Royaume-Uni, a indiqué ne pas avoir voulu donner une leçon d’histoire.
« Je ne fais pas de films politiques et je n’aime pas les regarder. Je préfère raconter des histoires sur des personnages qui ont des relations compliquées mais dans un monde où l’histoire a un poids sur eux, qui devient politique », a-t-il confié à l’AFP.
Il a précisé craindre que les conservateurs au pouvoir en Pologne – qui ont été accusés par l’UE de tenter de faire reculer les droits comme l’Etat de droit – ne transforment « Cold War » – histoire d’un amour tourmenté en pleine Guerre froide – en un autre scandale politique « pour ne pas avoir suffisamment insisté sur les horreurs du communisme ».
« Cold War » est l’histoire de deux amants maudits – inspirés vaguement des propres parents de Pawlikowski – qui passent dangereusement d’un côté et de l’autre du Rideau de fer jusqu’à ce que l’un d’eux soit jeté dans un camp de travail communiste.
Qualifiée « d’insupportablement adorable » par le Hollywood Reporter, Joanna Kulig est déjà favorite pour le prix de la meilleure actrice au festival et a été comparée à feu la légende du cinéma français Jeanne Moreau par certains critiques.
« Un film qui ne simplifie pas la réalité a des problèmes aujourd’hui [en Pologne], a affirmé Pawlikowski.
« Actuellement, il y a un moment très idéologique en Pologne, avec le nouveau gouvernement de droite qui réinterprète tout en fonction de critères très simples: avant, c’était le mal pur, maintenant c’est génial, on est un peuple noble, il y avait des terribles communistes qui n’étaient pas nous… », a-t-il souligné.
« Ce n’est pas un moment pour les nuances », a-t-il conclu.
https://youtu.be/nj-8eHb5NTQ