« Loi Feldstein » : l’immunité en cas de transmission d’informations classifiées au Premier ministre ?
Le texte sera examiné mercredi à la Knesset ; Selon la procureure générale, c'est une "ingérence politique inappropriée" dans l'affaire de fuites de documents contre l'ex-assistant de Netanyahu
Dimanche, les ministres ont présenté leur projet de loi dit Feldstein, qui permettrait de placer à l’abri de toutes poursuites les membres des services de Défense ayant fourni sans autorisation des renseignements classifiés au Premier ministre ou au ministre de la Défense.
Approuvé par la Commission ministérielle de la législation, ce projet fera l’objet d’une lecture préliminaire à la Knesset ce mercredi. Il fait suite aux accusations portées contre l’ex-porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu, Eli Feldstein, et un réserviste anonyme de Tsahal pour communication d’informations classifiées issues des services de renseignement à la presse étrangère.
Les auteurs de ce projet de loi – les députés du Likud Hanoch Milwidsky et Amit Halevi – assurent qu’il est nécessaire car « même en temps de guerre, des documents déterminants concernant les intentions de l’ennemi ne parviennent pas aux responsables politiques ».
L’armée et la haute-hiérarchie de la Défense, qui nient que des politiciens de haut rang aient été tenus à l’écart, s’opposent au projet de loi.
On reproche à Eli Feldstein, assistant de Netanyahu, d’avoir divulgué au journal allemand Bild un document volé dans une base de données de Tsahal par le second accusé, un sous-officier israélien, dans le but d’influencer l’opinion publique en le mettant en garde contre la conclusion d’un accord instaurant une trêve et permettant la libération des otages de Gaza.
Le sous-officier non identifié a été inculpé de transfert d’informations classifiées, délit passible de sept ans de prison, ainsi que de vol par personne habilitée et d’entrave à la justice.
Si la loi porte le nom de « loi Feldstein », il est à noter qu’Eli Feldstein n’est pas militaire et qu’il n’existe aucune preuve qu’il ait remis les documents volés à un député, ni même à Netanyahu.
Un membre des autorités a déclaré au site d’information Ynet que le cabinet du Premier ministre avait déjà accès aux documents impliqués dans l’affaire Feldstein et que ce projet de loi n’était donc pas nécessaire.
La procureure générale Gali Baharav-Miara s’est prononcée dimanche contre l’adoption de ce projet de loi, estimant qu’il constitue une « ingérence politique inappropriée » dans une affaire pénale concernant des proches de Netanyahu.
« Il y a de forts risques que ce projet de loi revête un caractère strictement personnel et constitue une ingérence politique totalement inappropriée dans une procédure pénale concernant des proches du Premier ministre », a déclaré Baharav-Miara par voie de communiqué.
Le député Gadi Eizenkot, du parti d’opposition Kakhol lavan, a demandé aux ministres de ne pas appuyer ce projet de loi.
Selon Eizenkot, « le but évident de ce projet de loi est de doter d’une protection rétroactive ceux qui font actuellement face à de graves accusations pour avoir gravement nui à la sécurité du pays ».
Eizenkot a dit que cette loi « nuirait à la sécurité israélienne et mettrait fin aux échanges entre les autorités politiques et l’armée israélienne, le Shin Bet et le Mossad ».
En sa qualité d’ex-chef d’État-major de Tsahal, Eizenkot a ajouté que « le cabinet du Premier ministre, à travers le secrétaire militaire et l’assistant chargé des questions de renseignement, avait un accès direct et immédiat à l’ensemble des documents classifiés au sein de tous les services de renseignement et de recherche, sans aucune exception. Les rumeurs selon lesquelles le Premier ministre est exclu de ce circuit sont totalement mensongères et de surcroît dangereuses, faites à des fins politiques. »
Feldstein, l’homme qui a inspiré ce projet de loi, ainsi que le réserviste de Tsahal dont le nom est gardé secret ont été inculpés de crimes le 21 novembre. Feldstein est accusé de transfert d’informations classifiées dans l’intention de nuire à l’État – ce qui est passible de prison à vie –, possession illicite d’informations classifiées et obstruction à la justice.
Il est accusé d’avoir divulgué au journal allemand Bild un document volé dans une base de données de Tsahal par l’autre accusé, sous-officier israélien, dans le but d’influencer l’opinion publique et de la mobiliser contre la conclusion d’un accord permettant à la fois une trêve et la libération des otages de Gaza.
Feldstein aurait récupéré le document en question en juin dernier et l’aurait divulgué suite à l’assassinat par leurs ravisseurs du Hamas de six otage, fin août, au moment où les critiques envers Netanyahu et sa manière de mener les négociations en vue de la libération des otages se faisaient plus vives.
L’article de Bild sur le document divulgué a présenté la stratégie manifeste du Hamas concernant les otages et Netanyahu l’a cité, suite à sa publication, pour justifier son refus de conclure un accord mettant fin à la guerre en échange de la libération des otages.
Feldstein et le sous-officier non identifié se trouvent en détention depuis maintenant quatre semaines avec un accès limité à leur avocat.
La semaine dernière, un juge a prolongé leur détention jusqu’à la tenue de leur procès et Netanyahu a publié une vidéo longue de neuf minutes pour soutenir Feldstein et dire que les accusations portées contre lui étaient injustifiées et malhonnêtes.
Netanyahu n’est pas suspect dans cette affaire.