Israël en guerre - Jour 464

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Analyse

Malgré le geste de Trump pour la solution à 2 États, pas de Palestine en vue

30 ans après James Baker et son célèbre "appelez-nous quand vous serez sérieux", le plan Trump est un changement à 180 degrés de la politique US - mais la paix reste insaisissable

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (à droite) et le Président Donald Trump dans la salle Est de la Maison Blanche à Washington, le mardi 28 janvier 2020, lors de l'annonce du plan très attendu de l'administration Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien. (AP Photo/Alex Brandon)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (à droite) et le Président Donald Trump dans la salle Est de la Maison Blanche à Washington, le mardi 28 janvier 2020, lors de l'annonce du plan très attendu de l'administration Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien. (AP Photo/Alex Brandon)

WASHINGTON – En juin 1990, Benjamin Netanyahu, qui était alors un membre de la Knesset nouvellement élu, a accompagné le Premier ministre de l’époque, Yizhak Shamir, à Washington. Au cours de ce voyage, le secrétaire d’État américain James Baker a fait des reproches notoires au leader israélien pour ses positions intransigeantes sur le conflit israélo-palestinien.

Il n’y aura pas de paix si Jérusalem ne change pas son approche, avait déclaré M. Baker, avertissant que l’administration américaine était prête à laisser tomber toute la question et à laisser Israël régler le conflit par lui-même.

« Je dois vous dire que tout le monde là-bas doit savoir que le numéro de téléphone est le 1-202-456-1414 », avait déclaré Baker. « Quand vous serez sérieux à propos de la paix, appelez-nous ».

Trente ans plus tard, alors que le président Donald Trump a dévoilé son plan tant attendu pour une solution au conflit israélo-palestinien, Netanyahu estime que la situation a changé à 180 degrés.

« Aujourd’hui, Trump dit aux Palestiniens : si vous êtes sérieux à propos de la paix, appelez-nous », a déclaré le Premier ministre aux journalistes lors du point de presse qui s’est tenu peu après la présentation de l’“accord du siècle” dans la salle Est de la Maison Blanche, mardi.

« Je suis heureux. C’est un grand moment. C’est vraiment un moment historique », a-t-il déclaré. « Personne ne sait comment ça va se passer. Mais c’est un changement. Nous nous sommes habitués à être des victimes. Nous gagnons des guerres, nous sommes devenus une puissance mondiale et nous agissons toujours comme si nous n’avions aucun droit. Il s’agit d’un modèle archaïque. Ce n’est plus le cas. »

En effet, le plan de l’administration favorise fortement la partie israélienne, lui permettant de conserver la quasi-totalité de Jérusalem et d’annexer immédiatement la vallée du Jourdain et toutes les autres implantations situées en Judée-Samarie [Cisjordanie]. Les Palestiniens, en revanche, ne se voient promettre un État que s’ils satisfont à une longue liste de demandes qui, bien que raisonnables du point de vue israélien, sont franchement irréalistes.

Même si le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas devait accepter les aspects territoriaux de l’accord, il s’est depuis longtemps engagé à refuser de reconnaître Israël en tant qu’État juif ou à renoncer totalement au soi-disant droit au retour.

Et même s’il changeait d’avis sur ces questions, il ne pourrait pas remplir certaines des autres exigences de l’accord – comme le désarmement du Hamas à Gaza – même s’il le voulait. Et ce ne sont là que quelques exemples des nombreuses demandes faites aux Palestiniens.

Mais même dans le scénario impossible où les Palestiniens rempliraient toutes les exigences stipulées par l’accord, l’État de Palestine ne serait toujours pas un « État » au sens habituel du terme. Il serait complètement démilitarisé ; l’armée israélienne garderait le contrôle de la sécurité sur son territoire ; et il n’aurait aucun contrôle sur les passages frontaliers. (Aucun aéroport n’est prévu pour l’Etat palestinien, a déclaré mardi un haut responsable israélien).

Lors d’une des premières rencontres du Premier ministre avec le président, Trump aurait interrogé Netanyahu sur sa vision de la paix. Netanyahu aurait expliqué que tout accord devrait prévoir le contrôle total de la sécurité israélienne en Cisjordanie et la démilitarisation de l’État palestinien.

Le premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le président américain Donald Trump lors d’une conférence de presse commune à la Maison Blanche à Washington, D.C. où ils ont discuté de la réduction de la menace nucléaire iranienne, le 15 février 2017. (Avi Ohayon/Flash90)

« Bibi, ceci n’est pas un État », aurait rétorqué Trump.

« Appelez ça comme vous voulez », répondit Netanyahu.

L’accord révélé mardi fait référence à une « solution réaliste à deux États », et M. Trump a parlé d’une « opportunité historique pour les Palestiniens de parvenir enfin à un État indépendant qui leur soit propre ». (Il y a presque exactement trois ans, dans la même salle de l’Est, il avait déclaré à un Premier ministre israélien stupéfait qu’il « envisageait une solution à deux États et à un seul, et j’aime la solution que les deux parties aiment », et que « les deux parties devront faire des compromis »).

Netanyahu n’avait pas l’intention de contredire publiquement le président, mais il a dit aux journalistes qu’il préférait parler de ce que les Palestiniens pourraient obtenir comme « une souveraineté limitée ».

En fin de compte, le contenu du plan n’a pas vraiment d’importance – car il ne sera pas mis en œuvre. Les Palestiniens l’ont rejeté avant même qu’il ne soit publié et ont réitéré mardi leur opposition farouche à ce plan. Par conséquent, les Palestiniens n’obtiendront ni un « État indépendant » ni un « État à souveraineté limitée » dans un avenir proche.

Cela ne veut pas dire que la publication du plan n’aura pas de répercussions majeures. Comme Netanyahu l’a souligné dans son point de presse, il a l’intention de commencer à appliquer la souveraineté israélienne sur les parties que l’accord considère comme faisant partie d’Israël dès dimanche prochain. Il n’est pas certain que le gouvernement intérimaire qu’il dirige ait dans les faits le droit de le faire. Netanyahu n’a pas demandé l’avis du procureur général Avichay Mandelblit sur la question, mais ne s’attend pas à ce qu’il fasse obstacle à une annexion, a-t-il dit.

Une annexion israélienne unilatérale de grandes parties de la Cisjordanie, sans perspective réaliste d’un État palestinien, pourrait conduire, à terme, à une solution à un seul État.

Mais Jérusalem ne se laisse pas abattre par de tels scénarios, a déclaré mardi un haut responsable israélien de la délégation de Netanyahu. « Les Palestiniens menacent cela depuis des années. Je ne suis pas impressionné », a déclaré le fonctionnaire, sous couvert d’anonymat.

Le Président Donald Trump et le Premier ministre Benjamin Netanyahu participent à une déclaration commune dans la salle Est de la Maison Blanche le 28 janvier 2020 à Washington. La conférence de presse a été organisée pour annoncer le plan de l’administration Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien. (Sarah Silbiger/Getty Images/AFP)

Les invités à la cérémonie de mardi – un mélange de membres républicains du Congrès, de chefs de communauté juifs et d’éminents évangéliques – comprenaient étonnamment aussi des ambassadeurs de trois États du Golfe : Oman, Bahreïn et les Émirats arabes unis.

« Nous n’avons pas encore vu le plan », a déclaré l’envoyé d’Oman, Hunaina al-Mughairy, au Times of Israel immédiatement après la fin de l’événement, alors que « What a Wonderful World » de Louis Armstrong passait sur les haut-parleurs.

Quelques heures plus tard, les gouvernements des EAU et de l’Arabie Saoudite, remarquablement, ont publié des communiqués soutenant le plan, que certains Israéliens ici présents, en particulier les partisans des implantations, ont comparé à la venue du Messie.

Il est certainement intéressant de noter que ces pays ont choisi de ne pas se faire l’écho de la fureur des Palestiniens contre une proposition qui approuve le fait qu’Israël garde tout Jérusalem et découpe la Cisjordanie en enclaves. Mais cela ne signifie certainement pas que la normalisation complète avec Israël soit à portée de main.

La non-condamnation du plan par les États du Golfe doit plutôt être considérée comme un geste de bonne volonté envers Trump. Conscients de son tempérament impulsif et de sa dépendance vis-à-vis des États-Unis pour tenir l’Iran en échec, ils ont choisi de ne pas condamner publiquement son « Deal of the Century », ou affaire du siècle.

Mais si Netanyahu va de l’avant avec son plan visant à faire d’Israël la nation de l’annexion, on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’ensemble du monde arabe, y compris les États du Golfe, fasse pleuvoir des condamnations sur Israël.

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