Netanyahu accorde 250 M de NIS à Yahadout HaTorah pour les étudiants haredim
Les partis ultra-orthodoxes renoncent à leur boycott, un soutien essentiel pour garantir l'adoption du budget courant sur deux ans qui a été proposé par le gouvernement
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre des Finances Bezalel Smotrich ont promis d’augmenter le financement des étudiants ultra-orthodoxes en yeshiva et de leurs familles de 250 millions de shekels lundi, en échange du soutien du parti Yahadout HaTorah au budget de l’État que le gouvernement a présenté à la Knesset dans la journée.
Plutôt que d’allouer de nouveaux fonds, une déclaration du parti de Netanyahu, le Likud, a confirmé que les fonds seront transférés à partir du cadre budgétaire courant sur deux ans qui a été proposé par le gouvernement, un cadre qui alloue 484 milliards de shekels pour 2023 et 514 milliards de shekels pour 2024.
L’augmentation de 250 millions de shekels devrait provenir d’une enveloppe de 3,7 milliards de shekels déjà prévue pour l’augmentation des allocations aux étudiants en yeshiva, qui recevront également une compensation rétroactive pour couvrir l’ensemble de l’année civile 2023. Le Likud a précisé que si des montants supplémentaires étaient nécessaires, ils pourraient être prélevés sur l’excédent de 1,2 milliard de shekels de fonds discrétionnaires déjà alloués aux écoles ultra-orthodoxes.
L’accord de lundi met également fin à une scission tactique au sein même de Yahadout HaTorah. Le parti ultra-orthodoxe ashkénaze est une alliance des factions Agudat Yisrael et Degel HaTorah, dont la première s’était publiquement prononcée contre le budget, à moins qu’il n’accorde 600 millions de shekels supplémentaires aux étudiants haredim et à leurs familles.
L’accord met un terme à l’une des principales difficultés rencontrées par Netanyahu et Smotrich dans leurs efforts visant à réunir les 61 voix nécessaires à l’adoption du budget avant la date limite du 29 mai, sous peine d’élections législatives anticipées. Les deux hommes devraient ensuite s’efforcer d’apaiser le parti d’extrême-droite Otzma Yehudit, qui détient 6 des 64 voix de la coalition et qui exige également un financement plus important de ses priorités en échange de son soutien.
En outre, le député d’extrême-droite Avi Maoz (Noam) a menacé, pas plus tard que vendredi, de voter contre le budget si son bureau de l’identité nationale juive ne recevait pas des centaines de millions de shekels, comme cela lui avait été promis dans les accords de coalition avec le Likud. Ne disposant que d’un seul siège, Maoz n’est pas nécessaire pour faire passer le budget, si Otzma Yehudit lui apporte son soutien.
En plus des 4,9 milliards de shekels de fonds discrétionnaires alloués aux yeshivot et aux étudiants haredim à la mi-mai, un autre milliard de shekels a été fourni pour un programme de bons alimentaires exigé par le parti ultra-orthodoxe mizrahi, le Shas, ainsi que des fonds supplémentaires pour l’éducation ultra-orthodoxe, la construction d’édifices religieux et le soutien de la culture et de l’identité juive haredi.
Toutes ces demandes ont mis en colère les secteurs laïcs de la société israélienne, qui critiquent un soutien de l’État qui permet, dans les faits, aux étudiants haredim d’éviter la vie active et le service militaire, et qui finance des écoles ultra-orthodoxes privées qui préparent mal les enfants au marché de l’emploi en n’étant pas tenues d’enseigner les matières fondamentales, telles que les mathématiques, les sciences et l’anglais.
La semaine dernière, las clivages politiques ont débouché sur des tensions sociales manifestes : une personnalité de la télévision a qualifié les Israéliens ultra-orthodoxes de « suceurs de sang » qui « traient » les contribuables israéliens, et des milliers de manifestants, pour la plupart laïcs, se sont rassemblés dans une ville haredi la semaine dernière, certains d’entre eux ayant eu quelques démêlés avec la population locale.
Le député Moshe Gafni (Yahadout HaTorah), qui préside la commission des Finances, a qualifié ces incidents « d’incitations » lors de la présentation du budget de l’État de mille milliards de shekels à la Knesset lundi matin.
« Je ne suis pas un pigeon, et je ne suis pas non plus un voleur. Je suis un citoyen d’Israël », a déclaré Gafni. « Et je fais ce que je veux. »
« En regardant ce que la gauche nous fait subir, on comprend pourquoi nous sommes si déterminés à aller dans le sens de la droite », a-t-il ajouté.
Gafni a également rejeté l’idée selon laquelle les écoles ultra-orthodoxes ne devraient pas être éligibles au financement si elles n’enseignent pas les matières du tronc commun, affirmant que les étudiants haredim apprennent le véritable « noyau » – les études juives.
Il a également provoqué un tollé en déclarant qu’il ferait un don de vêtements à la représentante israélienne à l’Eurovision, la pop star Noa Kirel, une référence apparente aux tenues qu’elle porte et qui ne répondent pas aux normes ultra-orthodoxes en matière de tsniout – ou règles vestimentaires de la loi juive orthodoxe.
En ouvrant le débat lundi matin, la coalition a espéré faire passer le budget et le projet de loi qui l’accompagne pour leurs deux dernières lectures mardi soir, bien qu’elle ait averti ses députés qu’ils devaient être prêts à prolonger le processus jusqu’à mercredi, voire jusqu’à la semaine prochaine.
Avec une croissance de 5 % entre 2022 et 2023, le budget creuse le déficit d’Israël à un moment où la situation économique est déjà précaire. Le ministère des Finances prévoit que les recettes de l’État seront inférieures aux prévisions initiales, en raison de la contraction du marché mondial et de l’incertitude du marché liée au plan du gouvernement visant à limiter le pouvoir judiciaire.
Les agences de notation mondiales ont fait part de leurs inquiétudes, Moody’s ayant dégradé en avril les perspectives de crédit d’Israël en raison de la « détérioration de la gouvernance« , liée à l’ébranlement du système judiciaire.
L’inflation et le coût de la vie continuent d’augmenter. Et bien que le coût de la vie soit une promesse de campagne centrale du Likud et des partis ultra-orthodoxes, le budget ne contient aucune mesure significative pour lutter contre les facteurs structurels des prix.
Smotrich a rejeté les critiques concernant l’absence de mesures visant à lutter contre le coût de la vie, soulignant au contraire les projets visant à aider au développement des régions économiquement moins prospères et éloignées du centre financier d’Israël – notamment avec le « Fonds Arnona« , un plan controversé visant à redistribuer une partie des taxes municipales des villes « riches » et situées dans le centre du pays vers des régions éloignées qui ne disposent pas d’entreprises locales solides.
Comme l’a déclaré Ofir Katz (Likud) à la Knesset lundi matin, « il y a beaucoup d’autorités locales qui bénéficieront de cette loi, beaucoup plus que de localités qui n’en bénéficieront pas – et elles se trouvent principalement dans le centre » du pays.
Révélant son malaise face à l’ampleur des dépenses prévues, Smotrich a reconnu que le budget avait été revu à la hausse pour tenir compte des « promesses faites aux partenaires de la coalition ».
Nombre de ces promesses sont financées par des fonds discrétionnaires, qui sont passés de 1,2 milliard de shekels en 2022 à 13,7 milliards de shekels pour le budget 2023-2024.