Pour toucher le monde hispanophone, une série donne la parole aux Latino-Israéliens sur le 7/10
Diffusée depuis le mois dernier, la série « Testigos del Terror » - Témoins du terrorisme - veut montrer aux téléspectateurs hispaniques non juifs que cette tragédie n'est pas politique mais humaine
- Natalia Casarotti parle de son fils Keshet assassiné au festival de musique Supernova le 7 octobre pour la série en langue espagnole « Testigos del Terror ». (Avec l'aimable autorisation de Fuente Latina)
- Arie Glazberg parle de sa fille Noa, assassinée le 7 octobre, dans la série en espagnol « Testigos del Terror ». (Avec l'aimable autorisation de Fuente Latina)
- Une photo de la série documentaire en espagnol « Testigos del Terror » montre un mémorial aux victimes des atrocités du Hamas du 7 octobre 2023. (Avec l'aimable autorisation de Fuente Latina/ Daniel Godoy)
- Une photo de la série documentaire en espagnol « Testigos del Terror » montre les conséquences du carnage du 7 octobre 2023. (Avec l'aimable autorisation de Fuente Latina/ Daniel Godoy)
Devant la caméra, Natalia Casarotti raconte la tragique recherche de son fils de 21 ans, Keshet Casarotti-Kalfa, après l’attentat terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
Keshet se trouvait au festival de musique Supernova, là où 364 festivaliers ont été massacrés par des terroristes ce jour-là. Avec ses longs cheveux blonds, il était aisément reconnaissable. Ce n’est que quatre jours plus tard que sa mère a appris la nouvelle de sa mort.
« Comment le dire à mes parents ? » se souvient d’avoir pensé Casarotti. « Pendant 24 heures, je leur ai dit la vérité : je ne savais pas où était mon fils. »
Casarotti témoigne en espagnol, en sa qualité d’olè latino-américaine en Israël. On peut entendre sa voix, comme celles d’autres immigrants latino-américains en Israël directement touchés par le 7 octobre, dans une toute nouvelle série documentaire en espagnol intitulée « Testigos del Terror » – « Témoins du terrorisme », produite par Fuente Latina, ONG basée aux États-Unis dont le but est de sensibiliser à Israël les communautés hispanophones non juives du monde entier.
« Testigos del Terror » a été projeté en avant-première à Los Angeles en février dernier et Fuente Latina fait son possible pour faire connaître la série documentaire, que ce soit par des festivals, une plateforme de streaming et/ou un distributeur.
« Nous souhaitons que ‘Testigos del Terror’ fasse passer le message auprès des hispanophones qui le verront que ce n’est pas là une question politique mais humaine, une véritable tragédie humaine », explique Leah Soibel, Israélienne hispano-américaine fondatrice et PDG de Fuente Latina.
Il n’a pas fallu longtemps à Soibel, après le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre, pour se rendre compte que se trouvaient parmi les victimes des olim latino-américains, soit au titre des 1 200 personnes assassinées, soit à celui des 251 otages emmenés à Gaza, soit encore à celui des proches et amis en souffrance. A commencer par la famille Bibas, en partie argentine, dont les jeunes enfants aux cheveux roux, Ariel et Kfir, et la mère Shiri sont devenus les symboles de cette prise d’otages, partout dans le monde.

C’est avec une approche différente de ses précédents projets, plutôt sonores, que Fuente Latina a envisagé son action, avec un arc narratif plus conséquent pour intéresser le public latino non juif au massacre, et des entretiens avec des personnes touchées par le 7 octobre, au besoin avec des images tournées par les terroristes du Hamas eux-mêmes. Le tout en espagnol – parlé par les personnes interviewées ou par le biais de sous-titres. Le tournage a commencé en décembre 2023, avec des dizaines d’interviews à la clef.
« Il nous a été impossible d’en écarter ne serait-ce qu’un », rappelle Soibel. « Chacune de ces voix a son rôle à tenir dans cette histoire. »
Une ardoise vierge
Lors d’une interview via Zoom, Soibel explique les raisons qui l’ont amenée à se lancer dans un pareil projet.
« La plupart des Hispaniques n’ont pas de réelle opinion au sujet d’Israël », explique-t-elle. « Ils ne savent pas vraiment ce qui s’est passé le 7 octobre. La principale raison pour laquelle j’ai voulu créer et produire cette série documentaire est de raconter l’histoire d’une manière qui leur parle, sur le plan culturel et linguistique.
Soibel estime que « les Hispaniques ont moins de sentiments antisémites… que n’importe quel autre groupe ethnique. Ils sont de potentiels alliés dans la lutte contre l’antisémitisme et le négationnisme du 7 octobre. En pleine polémique sur les relations américano-israéliennes, il faut parvenir à les toucher, à nouer une relation avec eux. Nous espérons que ce projet, cette série documentaire, y contribuera. »

La série compte pour l’heure quatre épisodes et un cinquième est en préparation. Les épisodes un et deux ont pu être visionnés par le Times of Israel. Le premier évoque les kibboutzim situés au plus près de la frontière de Gaza et le second, le festival Supernova.
Certaines des personnes interrogées ont perdu des proches ce jour-là, notamment au kibboutz Ein Hashlosha. Dans le premier épisode, l’Israélienne d’origine argentine Esther Mikanowski revient sur la mort de sa sœur Silvia Mirensky, âgée de 80 ans, et son compatriote israélo-argentin, Arie Glazberg, sur celle de sa fille Noa Glazberg, âgée de 43 ans.
« À chaque seconde, elle me manque », confie Arie Glazberg. « Comme à mon épouse. »
C’est dans le deuxième épisode que Casarotti est interviewée. Née en Argentine et venue en Israël à l’âge de 3 ans avec ses parents, elle explique être allée au commissariat pour signaler la disparition de son fils et le faire rechercher. Elle a fourni à cette occasion un échantillon de son ADN.

Un grand nombre de personnes interviewées pour les besoins de cette série documentaire sont originaires d’Argentine, dont des habitants du kibboutz Ein Hashlosha – qui, tout comme le festival Supernova, a été attaqué le 7 octobre.
L’un des habitants, Luis Roitman, évoque devant les caméras de quelle façon sa vie a basculé quand il a immigré en Israël, ravi d’être passé du métier de marchand, en Argentine, à celui de laveur de légumes dans la cuisine d’un kibboutz.
« C’était l’endroit rêvé pour moi et les miens », dit-il.
Le 7 octobre, ce rêve se transforme en cauchemar.
Roitman est réveillé par une « très forte odeur de brûlé » et voit beaucoup de monde « trainer », comme cette personne munie d’un lance-grenades.
« J’ai vu un terroriste devant moi, qui m’a tiré dessus », dit-il, ajoutant qu’il avait riposté et touché l’assaillant « à la fesse ».

D’autres témoins de ce documentaire viennent d’ailleurs en Amérique latine, comme l’Israélienne d’origine vénézuélienne Sharon Truzman, survivante du massacre de Supernova.
À 6 heures du matin, le 7 octobre, ses amis et elle reviennent au festival après avoir passé du temps dans leur voiture. Une demi-heure plus tard, devant la scène principale, ils voient des missiles zébrer ce ciel matinal.
« Je n’avais pas réalisé que nous étions aussi proches de Gaza jusqu’à ce qu’ils commencent à tirer », confie Truzman à la caméra.
« Tout le monde s’est mis à courir », dit-elle plus tard. « En tout, nous avons bien couru au moins deux heures. » Alors que l’espoir « faiblit », elle se rappelle avoir pensé : « Il faut se battre jusqu’au bout, hors de question d’abandonner. »

Combler un vide
Soibel explique qu’Israël ne dispose pas d’un réseau d’information en espagnol et que la désinformation s’est largement répandue dans les contenus en ligne en espagnol au sujet du 7 octobre et de la guerre qui a suivi entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, qui a détruit une grande partie des infrastructures de l’enclave et, selon le ministère de la Santé de Gaza dirigé par le Hamas, coûté la vie à plus de 50 000 Palestiniens – un bilan invérifiable.
« Il y a beaucoup d’informations factuelles, mais dans l’ensemble, nombre de contenus ne sont ni plus ni moins que de la désinformation », ajoute Soibel.
C’est pourquoi, dans le premier épisode, les témoignages de survivants se mêlent à des images anciennes d’immigrants latino-américains arrivant en Israël en plusieurs vagues, dès la seconde moitié du XXe siècle. (Aujourd’hui, selon la série documentaire, plus de 10 Israéliens sur 1 000 sont latinos.)
Soibel espère qu’en en sachant plus sur cette histoire, les Latinos non juifs du monde entier se sentiront liés aux Latinos juifs d’Israël et compatiront à ce qu’ils ont subi le 7 octobre.

« Pour tous les immigrants hispaniques – qu’ils soient migrants en Amérique latine ou aux États-Unis ou encore ailleurs dans le monde – c’est une histoire à laquelle ils peuvent aisément s’identifier », assure Soibel.
« Laisser derrière soi les difficultés, politiques ou économiques, pour venir s’installer dans un endroit que l’on pense meilleur pour les siens, et voir quelque chose d’aussi tragique se produire. Comment trouver la force pour continuer et tout recommencer ? »
« Telle est l’histoire que nous racontons à propos d’une communauté moins connue, la communauté latino-américaine en Israël. »
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