Israël en guerre - Jour 433

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Interview

Pourquoi l’une des plus célèbres militantes aborigènes d’Australie soutient Israël

Médaillée d'or olympique, ex-parlementaire et défenseure de l'égalité de son peuple, Nova Peris s'oppose à de nombreux membres de la gauche pour soutenir l'État juif

Nova Peris au kibboutz Beeri devant la maison de la militante pacifiste assassinée Vivian Silver, mars 2024. (Autorisation)
Nova Peris au kibboutz Beeri devant la maison de la militante pacifiste assassinée Vivian Silver, mars 2024. (Autorisation)

MELBOURNE – Nova Peris a l’habitude qu’on la reconnaisse et qu’on l’arrête où qu’elle aille en Australie. Médaillée d’or olympique, ancienne membre du Parlement australien et autochtone australienne parmi les plus célèbres de son pays, elle a beaucoup fait en 53 ans.

Pourtant, ces tout derniers mois, Peris, qui préside aux destinées de la Fondation Nova Peris, impliquée dans l’émancipation des Nations Premières d’Australie, a surtout consacré du temps au soutien à Israël.

Depuis longtemps avocate des Australiens aborigènes, elle a fait sien un nouveau combat depuis le début de la guerre en Israël. Le 14 octobre 2023, exactement une semaine après que les terroristes du Hamas ont massacré 1 200 personnes dans le sud d’Israël et fait 251 otages dans la bande de Gaza, l’Australie a organisé un référendum pour modifier la constitution du pays.

Le référendum a proposé la création d’une voix autochtone au Parlement, chargée de donner son avis sur les politiques affectant les peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres. Malgré un vaste débat public, le référendum a été rejeté avec fracas : 60 % des Australiens ont voté contre.

Peris, l’une des personnalités les plus en vue de cette campagne, était effondrée.

« J’ai pleuré pendant des semaines après le référendum, et encore aujourd’hui, j’essaie de comprendre comment 60 % du pays pourrait tourner le dos aux Aborigènes », confie Peris au Times of Israel.

En pleine digestion de la défaite du référendum historique, Peris s’est tournée vers l’État juif.

« J’ai vu des images enregistrées par le Hamas [le 7 octobre] et j’ai été extrêmement choquée. C’est le mal absolu. Horriblement choquant », poursuit-elle.

« Je me suis demandée : comment puis-je rester tranquillement chez moi, en Australie, là où tant de gens ont voté au référendum pour faire taire la voix des Aborigènes et passer sous silence notre combat, pourtant bien tangible, alors que les seuls à nous avoir vraiment soutenus sont les Australiens juifs », dit-elle, en donnant le nom d’éminents avocats juifs qui ont gagné des affaires marquantes en faveur des droits fonciers des Aborigènes, comme Jeffrey Sher ou Ron Castan.

Des centaines de manifestants pro-palestiniens et anti-israéliens se sont rassemblés à l’Opéra de Sydney, qui devait être illuminé aux couleurs du drapeau israélien à la suite des atrocités du Hamas le 7 octobre en Israël, tandis que la police conseillait à la communauté juive de rester à l’écart, à Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud, le 9 octobre 2023. (Crédit : AP/Rick Rycroft)

« Je me suis dit, tous ces gens ont été là pour nous et nous ont soutenus lors de ces procès. Et maintenant on les voue aux gémonies. J’ai voulu comprendre ce qui était arrivé à nos amis juifs », explique Peris.

Peris a été horrifiée par la manifestation de triste mémoire, deux jours seulement après le 7 octobre, devant l’Opéra de Sydney, durant laquelle une foule a scandé « Fuck the Jews » et brûlé un drapeau israélien.

Personne n’a été arrêté lors de cette manifestation et personne n’a été inculpé, mais un homme juif qui brandissait un drapeau israélien a été arrêté « pour le protéger », selon la police.

Le sentiment anti-israélien en Australie n’a pas changé. L’ex-ministre de la Justice Ayelet Shaked s’est vue récemment interdite de séjourner en Australie, où elle devait prendre la parole lors d’une conférence organisée par le Conseil Australie/Israël et les affaires juives.

Shaked, qui s’était vue délivrer un visa à l’occasion d’une précédente visite, il y a de cela deux ans, s’est vue refuser son visa en raison du risque d’ « incitation à la discorde », a rapporté The Australian en ajoutant que la loi avancée pour justifier ce refus stipule que les personnes peuvent être interdites de séjour si l’on pense qu’elles peuvent « diffamer une partie de la communauté australienne ou inciter à la discorde au sein de la communauté australienne ou de l’une de ses parties ».

La justice pour certains

Le 9 octobre 2023, Peris a été frappée par l’inertie des forces de l’ordre lors de ce rassemblement violemment anti-Israël, en totale contradiction avec sa propre expérience avec la police lorsqu’elle a été, en 2016, victime d’un crime de haine en ligne et attaquée sur Facebook parce qu’elle était autochtone.

Elle avait répondu avec compassion aux propos racistes sur les réseaux sociaux et son message avait fait le tour de la Toile, tant et si bien que plus de 30 000 Australiens avaient signé une pétition demandant aux forces de l’ordre d’interpeler l’auteur de l’infraction. Peris n’avait pas porté plainte mais c’est la police qui l’a contactée pour lui proposer de le faire.

« Je leur ai répondu : ‘Faites-vous plaisir.’ Ils l’ont arrêté et il a été convoqué au tribunal – je n’ai rien eu à faire. J’ai juste donné l’autorisation au policier de l’arrêter », explique Peris.

Un homme brandit un drapeau palestinien alors que des émeutiers affrontent la police devant le salon de l’armement Land Forces 2024 à Melbourne, le 11 septembre 2024. (Crédit : William West/AFP)

L’homme a finalement été condamné à huit mois de prison avec sursis et une amende et a dû écrire une lettre d’excuses à Peris, sans compter qu’il a été banni de tous les réseaux sociaux.

« Je me suis posée la question : comment se fait-il que personne n’ait été arrêté lors de cette manifestation ? », interroge-t-elle.

Depuis le 7 octobre, les Juifs d’Australie ont connu une forte hausse des actes antisémites, et notamment des agressions, graffitis, menaces, doxxing et boycotts d’entreprises appartenant à des Juifs. Peris pense que la police pourrait en faire davantage.

« Je suis dégoûtée et consternée par l’inaction des forces de l’ordre », souligne-t-elle.

Nova Peris, à droite, avec la chanteuse juive australienne Deborah Conway, qui a été doxée et mise sur liste noire suite au 7 octobre. (Autorisation)

Après des mois de plaidoyer pour Israël et de lutte contre l’antisémitisme, Peris s’est rendue pour la première fois en Israël en mars 2024. Ce fut un voyage très important au cours duquel elle s’est rendue dans des kibboutzim attaqués le 7 octobre, a parlé avec des proches d’otages et tourné une vidéo qui a d’ores et déjà fait des milliers de vues pour exprimer son soutien indéfectible à Israël à Nate Buzz, un autre Australien non juif, à Massada.

« Comment les gens peuvent-ils dire que les Juifs sont des colonisateurs
? », questionne-t-elle en repensant à son voyage. « J’ai vu des inscriptions en hébreu datant d’il y a 3 000 ans dans la Cité de David. La vérité est fondamentale pour l’existence [juive] ; je ne pouvais pas continuer à me taire, moi qui ai une voix qui porte en Australie, moi qui suis autochtone.

Nova Peris pose avec l’influenceur australien Nate Buzz à Masada, en Israël, en mars 2024. (Autorisation)

La rencontre avec les familles des otages, dont certains se trouvent toujours à Gaza, a fortement impressionné Peris. Elle montre d’ailleurs au Times of Israel le bracelet qu’elle porte tous les jours depuis son voyage, un peu plus de sept mois plus tard.

« C’est un bracelet qui m’a été offert par Yarden Gonen, dont la sœur Romi est retenue en otage [à Gaza]. Je lui ai dit que je ne l’enlèverais pas tant que Romi ne serait pas libérée », confie-t-elle.

Profondément spirituelle, Peris a trouvé ce voyage à la fois émouvant et éclairant à bien des égards.

« Chaque jour, nous pleurions, pas seulement à cause de la beauté de cet Israël, tellement résilient malgré tous ces morts, mais aussi parce qu’il est incroyable de penser que les Juifs survivent à toutes ces atrocités et continuent de vivre », explique-t-elle.

Une femme de gauche ouvertement favorable à Israël

En sa qualité d’ex-députée travailliste, Peris est, avec son attitude franchement favorable à Israël, bien peu représentative des membres de son parti de gauche, dont certains Juifs australiens ont démissionné à l’issue du 7 octobre.

Lors d’un récent événement commémoratif du 7 octobre à Melbourne, le Premier ministre australien Anthony Albanese, lui aussi membre du parti travailliste, a été chahuté par des Juifs australiens.

Bien que Peris ait hésité à critiquer directement Albanese, elle avance quelques remarques : « Un dirigeant [en temps de crise], c’est un peu un chauffeur de bus. Le chauffeur de bus doit prendre le contrôle, sinon le bus s’écrase », explique-t-elle.

Nova Peris, à gauche, avec Michal Ohana, rescapée du massacre du festival Nova, à Sydney, en Australie, lors de la commémoration du premier anniversaire des atrocités du Hamas le 7 octobre. (Autorisation)

Elle demeure convaincue que le parti travailliste en Australie, contrairement à d’autres pays, reste dans l’ensemble favorable à Israël.

« Au sein du parti travailliste [australien], beaucoup de gens soutiennent Israël, mais seuls 30 à 40 % le font ouvertement. Les autres se taisent, ce qui est triste », poursuit Peris, qui ne cache pas son soutien à Israël et est récemment devenue l’une des marraines des Amis travaillistes australiens d’Israël, organisation de création récente.

Nova Peris, au centre, pose avec la police des frontières sur la place du mur Occidental à Jérusalem, en mars 2024. (Autorisation)

Bien que le soutien de Peris à Israël soit on ne peut plus solide, cela n’a pas été sans polémique. Elle a récemment démissionné de son poste de coprésidente du Mouvement pour la République d’Australie en raison de la position de sa coprésidente sur Israël – décision largement relayée par la presse australienne.

Interrogée sur cette question et d’autres, ayant trait à des réactions négatives à son engagement, elle hausse les épaules.

« Mes proches me connaissent assez pour savoir que je ne prendrais pas position à ce sujet si cela ne reflétait pas la vérité. Je ne peux tout pas rester les bras croisés et voir de jeunes enfants juifs se faire attaquer de la sorte. Chaque enfant de ce pays devrait pouvoir vivre librement », poursuit-elle.

Nova Peris, au centre, avec un t-shirt « Tikkun Olam », entre des élèves de l’école juive de Sydney Masada College sur une photo non datée. (Autorisation)

Le soutien de Peris à Israël a été chaleureusement accueilli par la communauté juive d’Australie. Elle a récemment été invitée à prendre la parole à Sydney devant un public de 12 000 personnes pour une veillée solennelle et la commémoration du premier anniversaire du massacre du 7 octobre.

Un ministre, le chef de l’opposition australienne et de nombreux membres du Parlement et hauts-dignitaires étaient présents lors de cet événement, mais c’est à elle que la foule a réservé ses applaudissements les plus nourris.

« Quand je suis montée sur scène, il y avait deux grands écrans. De part et d’autre se sont affichées deux photos, dont l’une de moi sur les lieux du festival Nova [près du kibboutz Reim en Israël]. Les gens m’ont applaudie, debout, pendant cinq ou six minutes. Ils ne s’arrêtaient pas. Les gens m’encourageaient. Cela m’a submergée. Une vraie leçon d’humilité », conclut-elle.

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