Israël en guerre - Jour 427

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'C’est vraiment impossible à savoir. Il a dit tant de choses, et presque tout ce qu’il a dit, il l’a contredit à un autre moment'

Que devrait faire Trump pour déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem ? Rien du tout

Pour mettre en place la loi américaine de 1995 sur le déplacement, il suffit au président de ne pas signer d’exemption. L’imprévisible président élu ne fera-t-il pas ce que ses prédécesseurs ont déjà fait 35 fois ?

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Donald Trump, alors candidat républicain à la présidentielle américaine, devant la conférence politique 2016 de l'AIPAC, à Washington, D.C., le 21 mars 2016. (Crédit : Saul Loeb/Getty Images/AFP via JTA)
Donald Trump, alors candidat républicain à la présidentielle américaine, devant la conférence politique 2016 de l'AIPAC, à Washington, D.C., le 21 mars 2016. (Crédit : Saul Loeb/Getty Images/AFP via JTA)

Dans une vingtaine de jours, Barack Obama fera quelque chose qu’il a déjà fait quinze fois pendant ses deux mandats de président des Etats-Unis, quelque chose que les Israéliens espèrent que son successeur, Donald J. Trump, ne fera pas même une fois : il signera une exemption présidentielle interrompant son obligation légale de déplacer l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem.

Citant les « pouvoirs qui me sont conférés en tant que président par la Constitution et les lois des Etats-Unis », Obama déterminera une fois encore « qu’il est nécessaire, afin de protéger les intérêts de la sécurité nationale des Etats-Unis », de suspendre la décision de 1995 du Congrès qui reconnaît Jérusalem comme la capitale d’Israël, et y transfère son ambassade et la résidence de l’ambassadeur.

Obama n’est pas le premier président à signer cette exemption. Bill Clinton et le chrétien born-again George W. Bush l’ont fait deux fois par an, trahissant ainsi continuellement leurs propres promesses électorales.

Mais Trump est un joker, et plus d’une semaine après avoir remporté l’élection, il n’a toujours pas été précisé quelle politique il adopterait pour le Moyen Orient, ni s’il adhèrera au dogme diplomatique largement accepté et rejoindra la liste des présidents qui repoussent le déplacement de l’ambassade tous les six mois, ou s’il tiendra réellement sa promesse de campagne et ordonnera le déménagement.

« Quand il s’agit de politique étrangère, il semble avoir certains instincts, mais ses positions exactes ne sont pas très claires », a déclaré Jonathan Rynhold, expert en politique américaine de l’université Bar-Ilan.

« C’est vraiment impossible à savoir. Il a dit tant de choses, et presque tout ce qu’il a dit, il l’a contredit à un autre moment », a-t-il ajouté.

Ambassade des Etats-Unis à Tel-Aviv (Crédit : CC BY Krokodyl/Wikipedia)
Ambassade des Etats-Unis à Tel-Aviv (Crédit : CC BY Krokodyl/Wikipedia)

L’argument le plus souvent cité contre la reconnaissance de Jérusalem comme la capitale d’Israël et le déplacement de l’ambassade dans la ville est que c’est une mesure qui ne devrait être prise qu’après la conclusion d’un accord de paix israélo-palestinien.

Le statut de Jérusalem est sujet à des négociations bilatérales, affirment généralement les diplomates, et déplacer l’ambassade, un geste envers Israël, avant la signature d’un accord sur le statut final irriterait fortement Ramallah, envoyant ainsi un processus de paix déjà moribond à une mort certaine, susciterait la colère du monde arabe, et déstabiliserait ainsi la région toute entière.

« Cela pourrait également sévèrement nuire à l’image de Washington en tant que négociateur honnête du conflit israélo-palestinien », a déclaré Rynhold.

L'ancien président américain Bill Clinton et le président Reuven Rivlin à Jérusalem, le 30 octobre 2015. (Crédit : GPO)
L’ancien président américain Bill Clinton et le président Reuven Rivlin à Jérusalem, le 30 octobre 2015. (Crédit : GPO)

« J’ai toujours voulu déplacer notre ambassade à Jérusalem Ouest », avait déclaré le président Bill Clinton en 2000, quelques mois avant la fin de son second mandat. « Je ne l’ai pas fait parce que je ne voulais rien faire qui puisse ébranler notre capacité à aider à négocier une paix durable, juste, et sure pour les Israéliens et pour les Palestiniens. »

Mais Trump, qui a fait campagne sur la promesse de faire les choses autrement, pourrait jeter ces traditionnels axiomes par la fenêtre.

Bien qu’il se présente comme un fervent partisan d’Israël, il a à un moment pendant la campagne (en février) suggéré qu’il laisserait Israéliens et Palestiniens conclure un accord de paix par eux-mêmes, sans prendre vraiment position sur le conflit, a rappelé Rynhold. « Comment le déplacement de l’ambassade s’intègre-t-il là-dedans ? Je ne pense pas qu’il le sache. »

Certes, le magnat de l’immobilier de Manhattan avait déclaré sans équivoque devant la conférence politique de l’AIPAC en mars qu’il comptait « déplacer l’ambassade américaine dans la capitale éternelle du peuple juif, Jérusalem. » Pendant un entretien télévisé ce même mois, il avait ajouté qu’il voulait le faire « assez rapidement ».

Cependant, peu après la victoire de Trump le 8 novembre, Walid Phares, l’un de ses conseillers en politique étrangère, avait semblé revenir sur cette promesse de relocaliser l’ambassade.

« Beaucoup de présidents des Etats-Unis se sont engagés à le faire, et il a lui aussi déclaré qu’il le ferait, mais il le fera dans le cadre d’un consensus », a déclaré Phares, entraînant une certaine confusion. Il avait ensuite précisé qu’il parlait d’un consensus aux Etats-Unis, mais ce qu’il entend par cela reste encore quelque peu obscur, puisqu’il existe un large soutien bipartisan au Congrès pour le déplacement de l’ambassade.

Comme les positions de Trump en politique étrangère sont au mieux floues, beaucoup dépendra de qui seront ses plus proches conseillers, selon Ilan Goldenberg, directeur du programme de sécurité du Moyen Orient au Centre pour une nouvelle sécurité américaine.

« Si Donald Trump nomme des gens comme Stephen Hadley [ancien conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis] ou Bob Corker [président de la commission des Relations extérieures du Sénat], nous verrons la continuité. Ce sont des personnes qui le font depuis des années et appartiennent au consensus de Washington. Ils comprennent qu’il y a une raison pour laquelle les Etats-Unis n’ont pas déplacé leur ambassade, et par conséquent je ne pense pas qu’il y aura de changement », a déclaré Goldenberg.

« Cependant, s’il nomme des personnages plus originaux, alors tout est possible », a-t-il ajouté.

Le Dôme du Rocher, à gauche, sur le complexe appelé al-Haram al-Sharif par les musulmans et mont du Temple par les juifs, et le mur Occidental, site le plus saint du judaïsme, dans la Vieille Ville de Jérusalem, en octobre 2007. (Crédit : AFP/Jack Guez)
Le Dôme du Rocher, à gauche, sur le complexe appelé al-Haram al-Sharif par les musulmans et mont du Temple par les juifs, et le mur Occidental, site le plus saint du judaïsme, dans la Vieille Ville de Jérusalem, en octobre 2007. (Crédit : AFP/Jack Guez)

Israël a déclaré la partie occidentale de Jérusalem sa capitale en 1950. En 1980, 13 ans après avoir pris la partie est de la ville pendant la guerre des Six Jours, la Knesset a voté une loi déclarant que sa capitale était « Jérusalem unifiée ». Mais puisque la communauté internationale refuse de reconnaitre l’annexion israélienne de Jérusalem Est, les nations du monde ont transféré leurs ambassades à Tel Aviv, Ramat Gan ou Herzliya.

Avant l’élection présidentielle américaine de 1992, Bill Clinton avait promis de transférer l’ambassade. Quand il n’a pas tenu sa promesse, les deux chambres du Congrès ont voté le Jerusalem Embassy Act de 1995 à une écrasante majorité. Depuis, trois présidents consécutifs ont appliqué leur exemption 35 fois.

« Sept nons et un oui, le oui l’emporte »

Si Trump décide de rompre avec cette tradition, peu de choses se dresseront sur son chemin. Pour tenir sa promesse électorale, il pourrait simplement décider de ne pas signer l’exemption présidentielle.

La Constitution américaine accorde au président la prérogative de reconnaitre les pays étrangers et leurs frontières, même contre l’avis de son cabinet et d’autres conseillers. Pendant la discussion sur la déclaration d’émancipation, Abraham Lincoln avait été mis en minorité par son cabinet. Il avait conclu le débat en déclarant « Sept nons et un oui, le oui l’emporte. »

Il existe de meilleurs exemples de l’époque moderne qui illustrent l’idée que le président a le dernier mot quand il s’agit de diplomatie. En mai 1948, le président Henry Truman a reconnu l’Etat d’Israël quelques minutes après la lecture par David Ben Gurion de la déclaration d’Indépendance à Tel Aviv, contre l’opposition catégorique de son département d’Etat.

Abba Eban et David Ben Gurion allument une ménora avec le président Truman dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 8 mai 1951. (Crédit : National Archives and Records Administration, Office of Presidential Libraries. Harry S. Truman Library)
Abba Eban et David Ben Gurion allument une ménora avec le président Truman dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 8 mai 1951. (Crédit : National Archives and Records Administration, Office of Presidential Libraries. Harry S. Truman Library)

Le statut de Jérusalem comme capitale est un consensus israélien, et le souhait d’y avoir l’ambassade l’est sans doute aussi, au moins en théorie. Cependant, certains universitaires affirment qu’un déplacement dans la Ville Sainte pourrait être contre-productif pour la revendication par Israël d’une Jérusalem unifiée.

Transférer l’ambassade américaine à Jérusalem Ouest pourrait être interprété comme une reconnaissance de l’administration américaine de la souveraineté israélienne dans cette partie de la ville uniquement, a déclaré au Times of Israël Shlomo Slonim, professeur émérite de l’université hébraïque et auteur d’un livre publié en 19998, Jerusalem in America’s Foreign Policy (Jérusalem dans la politique extérieure des Etats-Unis). « Cela pourrait impliquer que Jérusalem Est, notamment le mont du Temple, ait un statut différent. »

Que se passerait-il si Trump déplaçait l’ambassade ? La région doit-elle se préparer à plus de turbulences, peut-être même de violence ? Pas nécessairement, selon plusieurs experts.

« Cela ne changera fondamentalement rien sur le terrain », a déclaré cette semaine Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale israélien. « Mais cela serait très important symboliquement. »

Goldenberg, du Centre pour une nouvelle sécurité américaine, a prédit des retombées essentiellement négligeables si l’ambassade était déplacée à Jérusalem.

« Ce serait un énorme problème pour les Palestiniens, mais le reste du monde arabe ne s’intéresse pas vraiment à cela ; ils ont d’autres problèmes pour le moment », a-t-il déclaré. Les pays islamiques protesteraient probablement contre le déplacement de l’ambassade à Jérusalem, mais ne prendraient aucune mesure qui pourrait déclencher un bain de sang, a-t-il ajouté.

« Sur la liste des choses que Trump pourrait faire et dont je suis très inquiet, ce n’est probablement pas très haut. »

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