Après la crise du COVID-19, allons-nous recommencer à maltraiter la planète ?
La 50e édition de la Journée de la Terre qui a eu lieu mercredi est le bon moment pour repenser le lien qui unit la pandémie au dérèglement climatique
Le coronavirus aura été à la fois et une bonne et une mauvaise chose pour le climat et l’environnement – ces deux autres grandes crises de notre ère qui se trouvent, en ce mercredi, au centre de notre attention avec la célébration de la 50e Journée de la terre.
Le côté positif tout d’abord : Tous les gouvernements – même ceux qui nient le changement climatique – ont basé leur politique de santé sur les dires des scientifiques.
Le confinement des êtres humains a permis à la nature de refleurir – au sens propre comme au sens figuré. Les baisses spectaculaires des activités industrielles et des transports ont entraîné un air d’une pureté sans équivalent depuis des décennies.
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Les citoyens, dans le monde entier, ont appris à consommer moins et à manger plus sain. La Chine et le Viet-Nam ont fermé leurs marchés d’animaux sauvages, ces marchés similaires à celui qui nous a amené le COVID-19 – dans lesquels rats, chauves-souris, écureuils, porc-épics, pangolins, primates et autres espèces sont enfermés dans des cages empilées les unes sur les autres, terrorisés et se transmettant des virus avant d’être tués.
La majorité des autres pays asiatiques devraient suivre le mouvement.
Puis viennent les côtés négatifs : la pandémie a entraîné le report de plusieurs conférences globales sur le climat – parmi lesquelles la COP26 ; la Convention annuelle des Nations unies sur le climat qui devait avoir lieu en Ecosse ; le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature ; la COP15, la réunion biannuelle de la Convention de l’ONU sur la biodiversité ainsi que des négociations consacrées à un nouveau traité qui viendrait encadrer la gestion de la haute mer.
Pour les négociateurs de haut-rang ainsi que pour les activistes ordinaires qui se battent pour le climat, en allant de Greta Thunberg jusqu’au bas de la chaîne, il est évident que la communication numérique n’a pas le même impact que le spectacle de millions de personnes prenant les rues d’assaut.
Mercredi, des activités diffusées en direct s’efforceront de remplacer la question du climat sur un agenda aujourd’hui dominé par le coronavirus. Mais force est de constater que les mouvements de protestation physiques et bruyants sont bien plus difficiles à ignorer pour les décisionnaires.
Alors que sommes-nous en droit d’attendre dorénavant ? Avec l’allègement graduel des restrictions qui nous ont été imposées par la pandémie de coronavirus, allons-nous reprendre nos mauvaises habitudes ou nos comportements vont-ils – enfin – évoluer ?
Le dérèglement climatique tue
Le changement climatique est entraîné par les économies en croissance. Ces dernières encouragent la demande pour de plus en plus de produits, dont la fabrication et les transports exigent de plus en plus d’énergie et dont la mise à disposition génère de plus en plus de déchets, avec la pollution qui marque respectivement chacune de ces phases.
Alors que 75 % des nouvelles maladies infectieuses résultent d’une transmission initiale de l’animal à l’homme, nous savons que les origines des pandémies et les problèmes climatiques sont interconnectés.
Nous savons également que les problèmes climatiques créés par l’homme sont bien plus dangereux que de nombreuses pandémies.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que trois millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à la pollution de l’air (le chiffre pour Israël, ce pays minuscule, s’élève à 2 500 personnes) – ce qui, au moins au point où nous en sommes aujourd’hui, surpasse très largement le nombre de décès attendus des suites du coronavirus.
Mais, dépassés par la pandémie, les gouvernements ont été incapables ou réticents – voire les deux – d’enquêter sur ce lien. Et ils ne sont pas prêts, au moins à court-terme, à intégrer des changements qui ont été provoqués par le confinement – comme l’augmentation du recours au télétravail, ce qui réduit la pollution entraînée par les transports – dans une stratégie post-coronavirus qui pourrait profiter à la planète.
Beaucoup de militants estiment que si la planète avait été une banque, elle aurait déjà été sauvée.
Des interventions dans le bon sens
Mais certaines voix s’élèvent au sein des grandes institutions internationales.
Le 16 avril, par exemple, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré aux députés de l’Union européenne, à Bruxelles, que la réalité des problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement globales au cours de la pandémie réclamait une avancée vers une économie circulaire – où les déchets d’une industrie deviennent la matière première d’une autre – dans le but de renforcer l’indépendance et la résilience du bloc.
Mardi, délivrant un message en amont de la Journée de la terre, Antonio Guterres, secrétaire-général de l’ONU, a rappelé que si tous les regards étaient tournés vers la pandémie, « il y a une autre profonde urgence – la crise environnementale qui frappe la planète ».
Il a ajouté que « la crise actuelle est une sonnette d’alarme sans précédent. Nous devons transformer notre rétablissement en une opportunité réelle de bien faire les choses pour préserver l’avenir ».
Il a proposé six actions liées au climat pour dessiner les contours de l’après-coronavirus et du travail à réaliser. Parmi ces actions, attribuer les fonds importants qui devraient être mis à disposition pour favoriser la relance de l’économie mondiale aux emplois et aux entreprises « propres » et écologiques ; utiliser les fonds publics « pour investir dans l’avenir, pas dans le passé » ainsi que dans « les secteurs et les projets durables qui viennent en aide à l’environnement et au climat. Les subventions attribuées aux énergies fossiles doivent cesser et il faut instituer la règle du pollueur-payeur ».
Les risques et les opportunités climatiques doivent être incorporés dans le système financier, a-t-il dit, ainsi que dans tous les aspects de la prise de décision politique et des infrastructures publiques.
« Les gaz à effet de serre, tout comme les virus, ne respectent pas les frontières nationales », a conclu Guterres. « Et, en cette Journée de la terre, je vous demande de vous unir à moi pour réclamer un avenir sain et résilient pour les populations comme pour la planète ».
Sur le terrain, malgré tout, le président américain Donald Trump a continué sa bataille visant à défaire les progrès qui avaient été réalisés par l’administration Obama pour la préservation de l’environnement – assouplissant les lois et le système d’amendes adoptés dans ce secteur pendant la pandémie et se contentant d’avaliser, via l’EPA (Environmental Protection Agency), la liberté donnée aux entreprises de polluer à leur guise et proposant d’alléger les contrôles sur les émissions de mercure des centrales électriques.
Distribuer des fonds sans critères
En Israël, dans la journée de dimanche, la commission Économique de la Knesset s’est préparée, dit-on, à attribuer la somme de six milliards de shekels, sortis de la poche du contribuable, à des grandes entreprises avec un chiffre d’affaires de plus de 200 millions de shekels par an sans spécifier aucun critère – sans même parler d’exigence écologique préalable.
Linor Deutsch, à la tête de Lobby99, une association fondée grâce au financement participatif et qui vise à exercer des pressions sur le gouvernement pour le compte de l’opinion publique, déclare au Times of Israel que son organisation n’a entendu parler de ce débat de la commission organisé dimanche sur ces subventions massives que le vendredi matin et que « si les choses sont programmées avec une telle urgence, c’est qu’il y a habituellement quelque chose d’intéressant qui se trame ».
Assistant à la réunion via Zoom, elle explique avoir été choquée de découvrir qu’aucun critère d’attribution de ces fonds n’avait été défini et que c’est seulement après sa propre intervention, et les questions posées par les parlementaires avec lesquels elle s’était coordonnée, que la commission a demandé au ministère des Finances de soumettre de tels critères, le même jour.
Le ministère a obtempéré, établissant une courte liste d’exigences préalables – mais aucune d’entre elles n’a fait état de considérations environnementales.
Il reste à voir si le gouvernement va chercher à renflouer des industriels tels que le magnat du gaz Yitzhak Tshuva, dont le groupe Delek et sa filiale, Delek Drilling, ont subi d’énormes pertes.
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Des pressions pour assouplir les règles environnementales
Les activistes oeuvrant dans la défense de l’environnement craignent qu’une reprise des tentatives du bureau du Premier ministre – qui l’année passée, s’était efforcé d’amoindrir l’autorité du ministère de la Protection environnementale à émettre des directives écologiques et de le forcer à prendre en considération les données économiques dans sa prise de décision – dans un contexte d’épidémie du coronavirus et de son impact sur l’industrie.
Et, en effet, la clause 32 figurant dans l’accord de coalition qui a été signé cette semaine par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le leader du parti Kakhol lavan, Benny Gantz, précise qu’une commission ministérielle sera mise en place sous l’autorité conjointe des deux parties pour examiner la possibilité de revoir à la baisse les régulations, même s’il n’évoque aucun secteur en particulier.
L’Association des fabricants et l’Institut israélien de l’Energie et de l’Environnement (qui s’appelait à l’origine Institut israélien du pétrole et de l’énergie) exerceraient actuellement des pressions féroces en faveur de l’assouplissement des règles environnementales et de l’arrêt des visites-surprises réalisées par les inspecteurs environnementaux.
Le directeur du ministère de la Protection environnementale a refusé de mettre un terme à ces contrôles non-annoncés, prenant des initiatives relativement modestes en élargissant les autorisations jusqu’au moment où se calmera la panique entraînée par la pandémie.
Mais contrairement au ministère de l’Energie, qui travaille à une capacité de 50 %, le ministère de l’Environnement ne travaille actuellement qu’avec 30 % de son personnel habituel. Ce qui a réduit l’équipe d’inspecteurs environnementaux – ils sont à peine une trentaine à l’ordinaire – à seulement quelques-uns, avec pour conséquence que les visites-surprises dans les usines sont actuellement improbables. Les autres ont été mis en congé ou il leur a été demandé de rejoindre la police pour contrôler les infractions des règles au coronavirus.
Carburants fossiles
L’un des résultats les plus inquiétants de la crise du COVID-19 – qui, à première vue, peut paraître positif – a été la chute monumentale des prix du pétrole en raison de la baisse de la demande consécutive à la pandémie et de l’impossibilité de stocker davantage. Lundi, le prix du pétrole est devenu négatif, ce qui signifie que le stockage du pétrole est devenu plus cher que le pétrole lui-même.
Selon l’Agence internationale de l’Energie, un déclin des revenus issus du pétrole et du gaz pourrait signifier que les compagnies accorderont moins d’attention aux efforts livrés contre les émissions de méthane, qui sont bien plus dangereuses pour le réchauffement global.
« Des prix bas du gaz naturel peuvent entraîner une hausse de la combustion et du dégazage et la supervision régulatoire des opérations pétrolières et gazières pourraient être revues à la baisse », a précisé l’agence.
Dans un post en hébreu qui a été publié sur Facebook au début de la semaine, Victor Weis, directeur du Centre Heschel pour le développement durable, note que tous les pays, y compris Israël, ont acheté du pétrole à un prix avantageux et rempli tous les réservoirs possibles à un tel point que les producteurs de pétrole, qui ne peuvent pas simplement arrêter leur production, veulent dorénavant payer pour se débarrasser du précieux or noir.
« La situation pourrait également ralentir le rythme des installations consacrées aux énergies renouvelables », écrit-il, après une année-record, l’année dernière, concernant la mise en place de panneaux solaires qui, actuellement, sont l’option d’approvisionnement énergétique la moins onéreuse.
« Tous ceux qui regardent les choses à court-terme et qui veulent gagner à la fois richesse et popularité investiront probablement dans les capacités de stockage pour le pétrole, et ils seront même tentés d’encourager le développement de nouvelles routes de manière à ce qu’il y ait suffisamment d’espace pour de nouvelles voitures qui resteront bloquées pendant des heures dans de nouveaux embouteillages. Il y aura plus de gaz brûlé, la population paiera donc plus d’impôts pour remplir plus rapidement les caisses du Trésor, et tout le monde applaudira l’intelligence de gouvernement qui a sauvé si rapidement l’économie de la crise. »
Mais, ajoute-t-il dans sa publication, « tous ceux qui, pour leur part, regardent l’avenir réalisent bien qu’investir dans des infrastructures pétrolières appartient dorénavant au passé et que cela n’entraînera pas de retour sur investissement, et que cela causera aussi, en fin de compte, notre perte. Et c’est même pire : Ils nous sauveront peut-être d’une crise mais ils nous plongeront dans une autre bien plus importante, bien plus rapide – la crise du climat. Quelle voie, selon vous, va adopter Israël ? »
Les portefeuilles de l’Energie et de la Protection environnementale entre les mains du Likud
Les raisons de la détermination affichée par Netanyahu, lors des négociations de coalition, pour conserver au sein de son parti du Likud les ministères de l’Energie et de la Protection environnementale au cours des premiers 18 mois du gouvernement d’unité finiront indubitablement par émerger, le temps passant.
Les organisations environnementales n’ont guère été impressionnées par les prouesses du ministre de la Protection environnementale à temps partiel, Zeev Elkin, qui a également servi au poste de ministre des Affaires de Jérusalem et qui a consacré une partie considérable de son temps, depuis plus d’un an, aux négociations de coalition.
Si l’intérêt porté au dossier environnemental avait été un critère, le poste aurait pu revenir à la défenseuse des droits des animaux et de l’environnement Micky Haimovitch, qui avait fait savoir depuis le début que sa décision de quitter la télévision et d’entrer en politique au sein de la formation Kakhol lavan était motivée par ses combats de militante.
(Le ministère de l’Agriculture reviendra au parti de Gantz, ce qui augmente la probabilité que les transports d’animaux vivants vers Israël – où ils sont engraissés avant d’être abattus – vont disparaître petit à petit et que la question du bien-être animal sera sous la responsabilité du ministère de la Protection environnementale.)
Yuval Steinitz, fidèle de Netanyahu qui a occupé, jusqu’à présent, le poste de ministre de l’Energie, a repoussé obstinément le dossier du gaz naturel malgré les pressions croissantes en faveur d’une avancée rapide vers les énergies renouvelables.
Le mois dernier, au beau milieu de la crise du coronavirus, le gouvernement a discrètement approuvé un plan controversé visant à subventionner à un peu moins de la moitié les coûts liés à un nouveau pipeline de gaz naturel, avec l’argent des contribuables, pour aider un consortium privé à transférer du gaz naturel depuis Israël vers l’Egypte, dans le cadre d’un accord bilatéral d’une valeur estimée à 19,5 milliards de dollars qui a été signé l’année dernière. Selon les critiques, l’accord bénéficiera aux compagnies gazières et non aux citoyens israéliens.
Peut-on prendre en charge séparément santé publique et changement climatique ?
Amit Bracha, directeur-exécutif de l’organisation de défense de l’environnement Adam Teva VDin, a écrit lundi au Premier ministre, lui recommandant vivement – dans le cadre de l’allègement des régulations entraînées par la pandémie de coronavirus – de préparer un plan stratégique, sur plusieurs années, qui permettrait d’équilibrer les besoins économiques et ceux de la protection environnementale, de la santé publique et de la qualité de vie.
Un nœud gordien lie environnement et santé publique, a continué Bracha, et il est largement reconnu qu’Israël devrait être l’un des pays qui souffrira le plus du réchauffement global.
« Ce n’est pas un secret qu’un nombre substantiel de maladies sous-jacentes qui ont accéléré les décès consécutifs au coronavirus et autres infections résultent de l’exposition environnementale à la pollution de l’air chronique, aux produits chimiques et aux pesticides, aux infrastructures médiocres dans les centres de population, etc. Au vu de cela, la prochaine crise mondiale, la crise environnementale, frappe à la porte de l’humanité – et elle frappe à la porte d’Israël ».
Mais, a continué Bracha, « l’équipe de sortie de crise du coronavirus », chapeautée par le Conseil de sécurité national, « manque très clairement de la capacité à se montrer à la hauteur des enjeux ». L’équipe a été formée principalement de physiciens, des hommes, dans une majorité absolue, a-t-il poursuivi. Il a manqué des experts en planification urbaine, en santé publique et en exposition à la pollution environnementale ainsi que des spécialistes en économie capables de prendre en compte les coûts extérieurs et les bénéfices du rééquilibrage du développement et de la santé publique.
Un élément déterminant de la réussite de la stratégie de sortie de crise face au COVID-19 est de renforcer les régulations de santé publique et de protection environnementale plutôt que de les affaiblir, de promouvoir des plans à long-terme pour réduire l’exposition chronique à la pollution, et de mener à bien une transition vers une économie basée sur les énergies propres et renouvelables en sachant mettre en place les incitations économiques nécessaires pour le faire.
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