Israël en guerre - Jour 472

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Analyse

Défaillant mais toujours dangereux, le Hezbollah va tenter de se redresser – experts

Concentré sur la reconstruction du Liban et le renforcement de ses soutiens, le groupe terroriste cherche aussi à reconstituer son arsenal pour affronter Israël à nouveau

Des affiches représentant les leaders du Hezbollah Hassan Nasrallah et Hashem Safieddine au milieu des décombres après les frappes israéliennes dans la ville de Nabatieh, dans le sud du Liban, le 4 décembre 2024. (Crédit : Mahmoud Zayyat/AFP)
Des affiches représentant les leaders du Hezbollah Hassan Nasrallah et Hashem Safieddine au milieu des décombres après les frappes israéliennes dans la ville de Nabatieh, dans le sud du Liban, le 4 décembre 2024. (Crédit : Mahmoud Zayyat/AFP)

Alors qu’une trêve fragile de 60 jours entre Israël et le Hezbollah, groupe terroriste chiite libanais soutenu par l’Iran, approche de son terme, les espoirs d’un calme durable le long de la frontière libanaise sont soudain remis en question par des déclarations virulentes des deux camps.

En Israël, les autorités craignent que le Hezbollah ne se retire pas du sud du Liban, comme prévu, et que les Forces armées libanaises (FAL), chargées de prendre le contrôle de la région, ne progressent pas assez rapidement avant la date butoir du 26 janvier. Dimanche, le ministre de la Défense, Israel Katz, a averti que l’armée israélienne pourrait être « forcée à réagir », tandis que des responsables militaires envisagent la possibilité de maintenir des forces déployées au nord de la frontière au-delà de la période de 60 jours.

Tsahal continue, par ailleurs, à mener des frappes contre les membres et les infrastructures du Hezbollah dans le sud du Liban, accusant le groupe terroriste d’avoir violé à plusieurs reprises les termes de l’accord.

Du côté du Hezbollah, le nouveau chef du Hezbollah, Naim Qassem, a menacé dans un discours prononcé samedi que sa « patience pourrait s’épuiser » face aux agissements d’Israël, et ce, avant même la fin de la trêve.

Ces tensions ont ravivé les craintes d’un effondrement prématuré de l’accord, poussant l’envoyé spécial américain Amos Hochstein à retourner à Beyrouth pour tenter de sauver l’accord et éviter ue reprise des hostilités.

Mais même si Qassem voulait mettre ses menaces à exécution, la nature des actions que le groupe terroriste chiite serait capable d’entreprendre, une fois sa « patience » épuisée, avec ses dirigeants largement décapités et son stock de roquettes et de missiles réduit d’au moins 80 %, reste incertaine.

« Le Hezbollah se trouve dans une position extrêmement peu enviable », a récemment déclaré Matthew Levitt, expert du Hezbollah, lors d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel. « Il est actuellement sous assistance respiratoire. »

Des armes et d’autres équipements qui, selon l’armée israélienne, appartenaient au groupe terroriste libanais Hezbollah et ont été saisis par l’armée au cours de son opération terrestre dans le sud du Liban, sont présentés aux médias le 23 décembre 2024, dans une base militaire du nord d’Israël. (Crédit : Jack Guez/AFP)

« L’axe de la résistance reposait sur un tabouret à trois pieds constitué du Hezbollah, de la Syrie et de l’Iran. Deux de ces pieds ont aujourd’hui disparu », a imagé Levitt, chercheur à l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient et ancien expert du FBI en matière de lutte contre le terrorisme.

Cependant, de nombreux éléments laissent penser que la dissuasion exercée contre le Hezbollah n’est que temporaire et que le groupe pourrait reprendre le combat s’il parvient à reconstituer son arsenal. Il lui faudra également restaurer sa base au Liban en contribuant à la stabilisation et à la reconstruction du pays. Ces efforts sont cruciaux après avoir provoqué destructions et troubles au service d’une entité étrangère, ce qui a suscité la colère d’une grande partie de la population libanaise.

Dans un discours prononcé le 14 décembre, Qassem a affirmé que l’ordre du jour du Hezbollah se concentrait désormais sur des questions internes au Liban, notamment « la mise en œuvre de l’accord au sud du fleuve Litani, la reconstruction, l’élection d’un chef d’État le 9 janvier et un dialogue positif sur les dossiers problématiques ».

Une personne brandissant le portrait du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors de la procession funéraire des terroristes du Hezbollah éliminés lors de la guerre avec Israël, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 4 décembre 2024. (Crédit : AFP)

La crise politique au Liban reste particulièrement préoccupante. La vacance du pouvoir qui dure depuis plus de deux ans – en grande partie à cause de la branche politique du Hezbollah, qui persiste à vouloir imposer son candidat, Sleiman Frangieh, malgré l’absence de soutien des autres partis politiques – vient tout juste de prendre fin, et l’incertitude subsiste.

« Le Hezbollah sait que la colère gronde dans le pays, et il est très inquiet, notamment depuis la chute du régime Assad en Syrie », a expliqué Levitt. « Le régime syrien actuel est hostile au Hezbollah. Ce dernier ne souhaite pas une nouvelle guerre civile, mais il n’a plus le soutien qu’il avait auparavant. Il va devoir se battre pour maintenir sa position. »

Si l’accord de cessez-le-feu, soutenu par des garants internationaux, interdit au Hezbollah de se regrouper au sud du fleuve Litani — où il représente une menace directe pour Israël —, rien ne laisse penser que le groupe terroriste renoncera à son arsenal ou à ses ambitions militaires ailleurs dans le pays. Pour le Hezbollah, poser les armes équivaudrait à perdre en influence, en pouvoir, et, en fin de compte, à perdre sa raison d’être.

Un homme marche au-dessus des décombres après une frappe israélienne dans le village de Douris dans le district de Baalbek, dans la vallée de la Bekaa à l’est du Liban, le 4 novembre 2024, dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hezbollah. (Crédit : Nidal SOLH / AFP)

Malgré le soutien financier et logistique de l’Occident, l’armée libanaise n’a, à ce jour, ni confronté activement le Hezbollah ni saisi ses armes, selon les informations disponibles.

Au début du mois, quatre sources informées des derniers renseignements américains ont indiqué à Reuters que le Hezbollah, soutenu par l’Iran, chercherait probablement à se réarmer et à reconstituer ses forces, lui permettant ainsi de redevenir une menace à long terme pour Israël.

« Si les forces armées libanaises venaient à représenter une menace suffisante pour le Hezbollah au point qu’il se sente en danger, le groupe n’hésitera pas à ouvrir le feu contre elles », a déclaré David Daoud, expert du Liban à la Fondation pour la défense des démocraties, un think tank basé à Washington. « Mais jusqu’à présent, il n’y a eu aucun mouvement contre le Hezbollah. Celui-ci va donc chercher à obtenir ce qu’il veut discrètement, par des moyens politiques. La résistance préfère toujours la voie de la moindre résistance. »

Un soldat de l’armée libanaise à bord d’un véhicule blindé de transport de troupes faisant un signe de victoire, alors qu’un convoi entre dans le village de Mansouri en vue d’être déployé dans le sud du Liban, à la suite du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah qui est entré en vigueur le 27 novembre 2024. (Crédit : Hussein Malla/AP)

Israël n’est pas à l’abri du danger

La campagne israélienne contre le Hezbollah a véritablement commencé à la mi-septembre, par l’explosion simultanée de milliers de bipeurs et de talkies-walkies du groupe, sabotés à distance par Israël.

Cette opération faisait suite à près d’un an d’attaques quasi quotidiennes à la roquette et au drone contre le nord d’Israël, qui avaient débuté le 8 octobre 2023. Ce jour-là, le Hezbollah, sans provocation préalable, avait ouvert le feu sur Israël, affirmant agir ainsi en soutien au Hamas, groupe terroriste palestinien soutenu, lui aussi, par l’Iran, qui, la veille avait perpétré un véritable pogrom dans le sud du pays au cours duquel les terroristes du groupe ont assassiné plus 1 200 personnes et en ont pris 251 en otage pour les emmener dans la bande de Gaza, déclenchant ainsi la guerre toujours en cours à Gaza.

Mais si l’offensive de l’automne 2024 a permis à Israël d’éliminer une grande partie de l’arsenal de roquettes et d’affaiblir la structure de commandement et de contrôle du groupe, celui-ci reste loin d’être neutralisé.

« En termes de menace pour Israël, [le Hezbollah] est redevenu une organisation terroriste plus traditionnelle », a indiqué Levitt. « Il peut toujours effectuer des raids transfrontaliers. Il essaiera de déplacer du matériel au sud de la ligne de démarcation. Dans un avenir pas trop lointain, il pourra encore tirer des roquettes. Il a ont également la capacité de mener des attaques à l’étranger. »

« Ce sont des menaces très sérieuses qu’il ne faut pas sous-estimer. Mais elles ne sont pas comparables à la menace de roquettes et de missiles à grande échelle que le Hezbollah représentait auparavant », a-t-il ajouté.

Des secouristes et des policiers sur les lieux de l’impact d’une roquette meurtrière du Hezbollah à Shfar’am, dans le nord d’Israël, le 18 novembre 2024. (Crédit : Leo Correa/AP)

Tsahal devra donc rester vigilant même après la trêve de 60 jours, qui lui permet de rester temporairement déployé sur le territoire libanais, tout en continuant à cibler les membres du Hezbollah qui violent l’accord de cessez-le-feu signé fin novembre.

« Personne ne s’attend à ce qu’Israël reste les bras croisés face aux préparations de ses ennemis visant à frapper à nouveau les civils israéliens », a souligné Levitt.

Israël ne peut pas non plus se reposer sur ses lauriers, car le nouveau régime syrien, dirigé par le chef rebelle Ahmed al-Sharaa, est hostile au Hezbollah et à l’Iran.

Al-Sharaa et son gouvernement cherchent actuellement à obtenir une reconnaissance internationale, mais leurs forces de sécurité, débordées, auront besoin de temps pour étendre leur contrôle à l’ensemble du territoire syrien. Pendant cette période d’instabilité, l’Iran pourrait tenter de profiter du vide de pouvoir dans certaines régions pour acheminer des armes à son mandataire libanais, selon Mike Knights, expert des milices soutenues par l’Iran et éminent chercheur au Washington Institute.

Walid Jumblatt (G), l’ancien chef druze du Parti socialiste progressiste (PSP) du Liban, serre la main du chef syrien Ahmed al-Sharaa (D) lors d’une visite à Damas le 22 décembre 2024. (Crédit : AFP)

« Bien que l’effondrement du régime de Bashar el-Assad soit certainement encourageant, cela ne signifie pas que son ancien patron, l’Iran, renoncera simplement à utiliser la Syrie comme corridor pour reconstituer le Hezbollah à côté au Liban », a écrit Knights dans une analyse récente. « Bien au contraire : La contrebande d’armes iranienne a toujours prospéré dans les environnements d’États effondrés ou faibles.

« Alors que la Syrie s’ouvre progressivement après la chute d’Assad, elle verra un afflux massif de personnes, de véhicules, d’argent, d’aide humanitaire, de fournitures pour la reconstruction et de biens de consommation, dont une grande partie sera transportée par camion depuis les pays voisins. L’Iran pourrait facilement exploiter cet afflux pour reconstituer le Hezbollah et ses factions mandataires en Syrie », a écrit Mike Knights.

La base intérieure du Hezbollah reste intacte, bien qu’affaiblie

Malgré une opposition croissante au Liban contre les activités militaires du Hezbollah, notamment après la guerre destructrice qu’il a entraînée, le groupe conserve une base de soutien solide, en particulier parmi les chiites, qui représentent environ un tiers des plus de 5 millions d’habitants du pays.

Une enquête menée par l’Arab Barometer entre février et avril 2024 a révélé que 85 % des chiites libanais faisaient « assez ou beaucoup confiance au Hezbollah », contre seulement 9 % des sunnites et 6 % des chrétiens.

Un garçon tient un drapeau du Hezbollah, alors que des résidents déplacés retournent à Nabatiyeh, dans le sud du Liban, le 28 novembre 2024, à la suite d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah. (Crédit : Bassam Hatoum/AP)

Les scènes de célébrations de Libanais brandissant des drapeaux du Hezbollah après le cessez-le-feu suggèrent que la base pourrait encore être solide.

« Le Hezbollah n’a jamais été aussi faible, mais pour l’achever, il faudrait une pression interne au Liban. Et cela n’arrivera pas », a déclaré David Daoud, en montrant des images de chiites déplacés saluant la « résistance » et son leader assassiné, Hassan Nasrallah.

« Ils ont encore une certaine marge de manœuvre pour s’adapter et trouver des solutions », a-t-il ajouté.

L’aide financière est l’un des leviers qui permet au Hezbollah de maintenir son influence parmi les chiites. Bien que ses finances aient été sévèrement affectées par la guerre — avec notamment des frappes aériennes israéliennes sur ses succursales de la banque al-Qard al-Hassan —, le groupe continue de disposer de liquidités.

Début décembre, Naim Qassem a annoncé que le Hezbollah avait déjà distribué plus de 50 millions de dollars en espèces aux familles chiites touchées par la guerre, versant entre 300 et 400 dollars par personne. Il a ajouté que le groupe prévoyait de débourser au total 77 millions de dollars, avec des aides supplémentaires allant de 4 000 à 8 000 dollars pour ceux dont les maisons principales ont été détruites.

Ces fonds proviennent principalement de l’Iran, a-t-il précisé.

Au cours de la phase de reconstruction, le Hezbollah pourrait également puiser dans les contributions étrangères destinées au Liban et recevoir des dons de la diaspora chiite libanaise à travers le monde, selon Daoud.

Le Hezbollah continue par ailleurs de jouer un rôle central dans la politique libanaise. Le groupe, qui est un parti politique légitime, reste au gouvernement avec 15 députés (dont 13 membres du Hezbollah et deux alliés indépendants) et conserve des alliances avec d’autres factions.

Lors des élections de 2022, le Hezbollah et ses alliés ont obtenu plus de 356 000 voix, un score supérieur à tout autre parti politique au Liban.

« Les autres forces politiques ne peuvent pas ignorer un parti qui a rassemblé autant de voix et qui représente la communauté la plus importante et la plus dynamique du pays », a souligné Daoud.

Alors que le Hezbollah tente de redorer son blason et de renouer les liens avec ses alliés nationaux, Israël devra rester vigilant, surveiller de près ses mouvements et empêcher toute tentative de reconstitution de ses capacités militaires, a averti l’expert.

« Le Liban leur offre l’opportunité de se reposer et de se réorganiser, ce qui est particulièrement inquiétant. Plus ils ont de temps, plus ils pourront se réarmer et retrouver leur force d’antan », a déclaré Daoud. « Israël ne doit pas leur permettre de récupérer et de regagner en puissance. »

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