Des ex-otages du Hamas témoignent du « retour de l’enfer » de Gaza
Plus d'un tiers des otages libérés se sont exprimés publiquement et ont témoigné du calvaire vécu durant leur détention pour commencer à mettre des mots sur l'indicible

« J’ai vécu l’enfer, j’étais affamée, assoiffée », confie Aviva Siegel, 62 ans, ex-otage du groupe terroriste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza. Comme elle, d’autres rescapés israéliens témoignent du calvaire vécu durant leur détention pour commencer à mettre des mots sur l’indicible, six mois après le début de la guerre.
Le matin du 7 octobre, Siegel, lunettes rondes et chevelure anthracite, était avec son mari Keith lorsque des terroristes du Hamas ont fait irruption dans leur maison du kibboutz de Kfar Aza pour les enlever et les emmener dans la bande de Gaza.
Pendant 51 jours, le couple a été traîné de tunnel en tunnel dans des conditions plus que spartiates. « Ils ne nous laissaient pas parler, on n’avait pas le droit d’être debout », dit à l’AFP cette femme libérée fin novembre dans le cadre d’un accord de trêve.
253 personnes ont été enlevées le 7 octobre lors de l’attaque du Hamas qui a entraîné la mort de près de 1 200 personnes, principalement des civils.
Plus de 105 otages ont été libérés fin novembre en échange de la libération de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël lors de l’unique trêve dans la guerre à ce jour, cinq autres avant cet accord et deux libérés dans une opération militaire israélienne mi-février.

Selon les autorités israéliennes, il reste 130 otages du 7 octobre à Gaza, dont au moins 34 sont morts.
Plus de 32 900 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Tsahal dit avoir éliminé 13 000 terroristes palestiniens dans la bande de Gaza, en plus d’un millier de terroristes qui ont pris d’assaut Israël le 7 octobre.
Plus d’un tiers des otages libérés se sont exprimés publiquement dans des entretiens avec des médias, lors d’événements publics ou encore dans des vidéos filmées par le Forum des familles des otages et disparus, une association représentant une partie de ces familles.
« Peur permanente »

Plusieurs d’entre eux, sans détailler les conditions de leur captivité, évoquent « un enfer », comme Siegel, dont le mari est toujours retenu à Gaza.
« Même si je vous raconte ce que vivent les otages, vous ne pourrez pas imaginer ce qu’ils vivent […] Je suis revenue de l’enfer », a ainsi témoigné Maya Regev, une Israélienne libérée fin novembre après 51 jours de captivité à Gaza.¨
Cette femme de 21 ans avait été blessée par balle le 7 octobre au Festival Supernova où ont été enlevées près de 40 personnes et 364 autre ont été assassinées. « Après 8 jours, ils m’ont sorti la balle du pied et m’ont opérée, les soins étaient mauvais et méprisants, pas un traitement humain et quand je suis arrivée ici, en Israël, j’avais des infections compliquées », avait-elle confié peu après sa libération.
Aussi blessée par balles, Doron Katz-Asher, enlevée avec ses deux filles Raz, 4 ans, et Aviv, 2 ans raconte avoir été soignée « sans anesthésie avec une aiguille et un fil ».
Dans un entretien à la Douzième chaîne, Katz-Asher a témoigné d’une « peur permanente », expression qui revient dans quasiment tous les témoignages. « Nous étions dix dans une pièce de 12 mètres carrés sans lit, avec juste un lavabo et des bouteilles d’eau […], mes filles avaient de la fièvre. »
« On dort, on pleure, il ne se passe rien, chaque jour est une éternité, c’est tellement effrayant », a raconté Danielle Aloni, libérée avec sa fille de cinq ans.
Pour les femmes otages, une des angoisses est la crainte d’être violées.
Amit Soussana, 40 ans, enlevée à son domicile du kibboutz de Kfar Aza a raconté dans une longue interview au New York Times des agressions sexuelles subies en captivité. « Il m’a forcée, avec l’arme pointée sur moi, à commettre un acte sexuel », a-t-elle déclaré au quotidien américain.

Aucune autre des otages libérées n’a jusqu’à présent témoigné de violences sexuelles subies mais Siegel a notamment évoqué le sort des femmes en captivité : « Ils ont transformé ces filles en poupées qu’ils pouvaient utiliser comme ils le voulaient. »
« Interdit de pleurer »
« Je suis témoin, j’ai vu une fille torturée […] Je voudrais repartir les protéger, j’ai vu ce que les filles ont vécu », a-t-elle ajouté. « En tant que femme, la peur d’être violée ou de subir des agressions sexuelles est permanente, être sans aucun moyen de se défendre, s’opposer c’est risquer sa vie, cette peur ne te quitte pas », a confié Yarden Roman-Gat à la chaîne publique Kann.
Sa belle-soeur Carmel Gat, 39 ans, est toujours à Gaza comme treize autres femmes.
Pour les mères enlevées avec des enfants, la peur est encore plus grande, selon les témoignages.
« C’était interdit de pleurer ou de rire ou de parler fort […], on peut pas apprendre à un enfant de 4 ans à pleurer en silence […], tout ce que tu as créé pour protéger tes enfants disparaît […] Les enfants étaient affamés, ils avaient une pita par jour, je ne souhaite à aucune maman de devoir supplier pour qu’on donne à manger à ses enfants », avait raconté Hagar Brodutch, prise avec trois enfants de 4 à 10 ans.
Liat Atzili, 49 ans, enseignante en histoire au lycée qui organise des visites guidées au mémorial de la Shoah de Yad Vashem, a appris après sa libération que son mari Aviv avait été tué le 7 octobre.
« Je suis revenue de parmi les morts », a-t-elle dit à la Douzième chaine mais « le manque de nourriture, de médicaments, les conditions d’hygiène horribles […], chaque jour est interminable, c’était le désespoir total ».