Israël a la coalition la plus représentative de son histoire – grâce à Netanyahu
Sa fuite devant la traditionnelle cérémonie de passation de pouvoir, après son discours sans élégance à la Knesset, souligne pourquoi son départ n’avait que trop tardé
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Israël s’est réveillé lundi à l’aube d’un « nouveau jour », d’une nouvelle période post-Netanyahu – avec une coalition certes fragile mais incroyablement hétéroclite et dont les membres ont parlé en chœur, de leur détermination à travailler pour le bien du pays. Le soleil s’est levé comme d’habitude, tout comme Naftali Bennett l’avait dit la semaine dernière, sauf qu’il est désormais Premier ministre. Il s’est avéré que le « roi Bibi » n’était pas un monarque après tout.
Alors qu’ils se rassemblaient pour la traditionnelle photo aux côtés du président, il n’y avait aucun doute sur le caractère représentatif d’Israël incarné par les ministres du gouvernement, dirigé par le Premier ministre Naftali Bennett et le Premier ministre d’alternance Yair Lapid. D’un côté du président Reuven Rivlin était assis Bennett, le premier Premier ministre orthodoxe d’Israël et ancien chef du Conseil de Yesha. De l’autre, Lapid, le centriste laïc à l’origine de ce mélange radicalement improbable de huit partis qui, dimanche, a détrôné Benjamin Netanyahu après 15 ans de règne.
Parmi les personnes derrière eux se trouvaient une ministre née en Éthiopie (Pnina Tamano Shata), un ancien chef d’état-major de Tsahal (Benny Gantz), le premier chef de parti ouvertement gay d’Israël (Nitzan Horowitz), un ministre issu de la communauté arabe (Issawi Frej), d’autres anciens officiers de l’armée et des immigrants de l’ancienne Union soviétique. Dans son fauteuil roulant, à la gauche de Lapid, se trouvait Karine Elharrar (elle est atteinte de dystrophie musculaire), la future ministre de l’Energie.
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Pour Rivlin, qui a publiquement déclaré son malaise lorsqu’il avait chargé Benjamin Netanyahu de former un gouvernement, après les élections du 23 mars, mais qui n’avait pas exprimé de telles réserves, lorsqu’il a transféré le mandat à Lapid en mai après l’échec de Netanyahu, la cérémonie de lundi était un plaisir fortuit.
Le mandat de sept ans de M. Rivlin se termine le mois prochain, et il a savouré le plus important de ses derniers événements, prenant le temps de serrer la main des 27 ministres du gouvernement, qui a mis fin au règne de M. Netanyahu, et d’en embrasser un grand nombre.
Non seulement le nouveau gouvernement israélien est issu d’horizons divers, mais les partis qui le composent défendent des idéologies radicalement opposées.
Bennett voudrait annexer jusqu’à 60 % de la Cisjordanie ; Horowitz, du Meretz, voudrait se retirer jusqu’aux lignes d’avant 1967. Le ministre des Finances, Avigdor Liberman, chercherait à maximiser la conscription dans la communauté ultra-orthodoxe et à réduire drastiquement le financement public de ce secteur ; Bennett et peut-être même Lapid gardent l’espoir qu’au moins quelques députés ultra-orthodoxes rejoindront la coalition.
Le défi, dès ce lundi, sera donc de combler, ou de mettre de côté les différences flagrantes entre ces partis – trois de droite, deux centristes, deux de gauche et un arabe islamiste – et de défier les nombreux prophètes de malheur en s’attelant à la tâche d’un gouvernement efficace. À la Résidence du Président, la rhétorique, au moins, était encourageante. Madame Elharrar a déclaré : « Nous sommes venus pour travailler. Nous avons une profonde obligation à l’égard de cette coalition ».
Issawi Frej, le nouveau ministre de la Coopération Régionale a pour sa part affirmé : « Je ne pensais que cette [cérémonie] n’aurait pas d’importance, mais en fait c’est très émouvant. Mais maintenant, je me concentre uniquement sur ce que nous pouvons réaliser [au gouvernement]. »
Netanyahu, anti-patriotique
L’optimisme du nouveau gouvernement et sa détermination déclarée à mettre de côté ses différences, au profit des citoyens, sont toutefois assombris, par l’ombre de l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a juré de faire tout ce qui est en son pouvoir pour le faire tomber rapidement.
Netanyahu a, de manière irresponsable, enflammé l’opposition à cette coalition alors qu’elle prenait forme, l’accusant d’être frauduleuse, illégitime, de s’allier avec « l’État profond », non juive, et de constituer une menace directe pour la sécurité d’Israël. Ses fidèles députés ont déshonoré le discours de Bennett présentant le gouvernement et son programme, avec un chahut orchestré tout au long du discours. Son propre discours se moquait de Bennett et de ses chances de gouverner efficacement Israël, et était dépourvu de toute dignité dans la défaite.
Et sa décision vraiment choquante de lundi, de renoncer à la traditionnelle cérémonie publique de passation de pouvoirs, avec un toast pour le nouveau Premier ministre, était malveillante, irrespectueuse, de la fonction de Premier ministre et anti-patriotique.
Shimon Peres a surmonté la douleur de sa courte défaite, a surmonté le chagrin encore frais de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, et a mis de côté toutes les pensées qu’il a pu avoir, concernant le rôle de Netanyahu dans le climat d’incitation à la haine contre Rabin qui avait précédé l’assassinat, pour céder de façon courtoise le poste de Premier ministre à Netanyahu en 1996.
Quelle que soit sa rage profonde, d’avoir été forcé à entrer dans l’opposition, Netanyahu devait à son pays et à son peuple d’accueillir, le nouveau gouvernement et son chef, en exprimant publiquement sa chaleur et son soutien.
Au lieu de cela, il a accordé à Bennett 30 minutes de son temps, sans s’asseoir selon la Douzième chaîne, puis il est parti pour réunir ses nouvelles forces d’opposition dans une salle de réunion de la Knesset. Présenté là par l’ex-chef de l’opposition Miki Zohar comme « Premier ministre », Netanyahu a renouvelé sa promesse d’évincer rapidement « ce dangereux gouvernement de gauche… ce gouvernement frauduleux », affirmant qu’il pouvait sentir ses « points faibles » du « bout des doigts ». Sans surprise, il n’a pas fait référence au Premier ministre Bennett ; en fait, il ne l’a pas mentionné du tout.
Le comportement de M. Netanyahu ces dernières semaines, et surtout ces derniers jours, avec en point d’orgue, l’incivilité pétulante de lundi, à l’égard de son successeur, ne fait qu’ajouter du poids aux affirmations de ceux, y compris dans son propre camp idéologique, qui ont fait campagne contre lui parce que, selon eux, il en était venu à placer ses propres intérêts au-dessus de ceux de l’État et que, malgré toute son expérience, son intelligence et sa réussite, il était plus devenu un handicap qu’un atout.
Restaurer le respect pour notre démocratie meurtrie
La prestation de serment de la nouvelle coalition, comme je l’ai écrit dimanche, a été une réaffirmation vitale du processus démocratique israélien, une confirmation bien nécessaire, après 12 ans, que nous restons capables de changer correctement nos dirigeants, conformément à la volonté de l’électorat et aux alliances des élus ; que nous restons capables d’un transfert ordonné du pouvoir, quelle que soit la réticence du titulaire vaincu, à le céder.
Si l’accomplissement de ce transfert de pouvoir, a été la première grande réalisation de la nouvelle coalition, ses défis consistent maintenant à restaurer le respect des éléments fondamentaux de notre démocratie, qui ont été malmenés et dégradés pendant les années Netanyahu.
L’ancien Premier ministre a travaillé stratégiquement pour discréditer les forces de l’ordre israéliennes – la police, le ministère public, le système judiciaire – dans le cadre de ses efforts pour faire échouer son procès pour corruption. Il a attisé l’hostilité des médias, ennemis présumés de l’État, et a également cherché à diaboliser ses opposants politiques, tous qualifiés de « dangereux gauchistes », quelle que soit leur idéologie. Il a délégitimé le procureur général et a régulièrement ignoré ses conseils.
L’année dernière, dans un incident qui a été rapidement oublié mais qui n’aurait pas dû l’être, son fidèle président de la Knesset, Yuli Edelstein, un homme qui ambitionne de lui succéder, a défié de manière flagrante un arrêt de la Cour suprême sur l’insistance de Netanyahu.
La nouvelle coalition a un budget à adopter ; ses nouveaux ministres ont des tâches à apprendre ; d’innombrables préoccupations nationales et régionales sont pressantes. Mais Bennett, Lapid et leur coalition ont l’opportunité et l’obligation urgente, en démontrant leur respect pour les institutions et les normes démocratiques d’Israël, de contribuer à raviver le respect du grand public à leur égard.
L’équilibre des forces
Dans son discours vitupérant de dimanche, Netanyahu a délibérément et plutôt malheureusement canalisé le « Terminator » d’Arnold Schwarzenegger en jurant : « Nous serons de retour… bientôt ». Il nourrit peut-être l’espoir de déloger Bennett et Lapid avant même d’avoir à abandonner la résidence officielle du Premier ministre, sur la rue Balfour, dans les prochaines semaines. Et la très étroite majorité d’un seul siège de la coalition pourrait suggérer que cette tâche s’avère relativement simple.
Le malaise manifeste de Bennett au moment du vote laisse penser qu’il craint une répétition de l’humiliation subie par Peres en 1990. Lapid, en revanche, déambulait, détendu, près de l’entrée du plénum, confiant dans le fait que la coalition disposait de la majorité simple requise, trois députés de la Liste arabe unie restant hors de la chambre jusqu’à ce qu’elle soit confirmée – un filet de sécurité qui n’était pas nécessaire.
Ainsi, alors que le vote a été adopté par une seule voix, 60-59, cela n’équivaut pas à 59 votes automatiques déjà alignés contre la coalition dans les votes de défiance ultérieurs. Le bloc traditionnellement pro-Netanyahu comprend le Likud, le Shas, Yahadout HaTorah et le Sionisme religieux – 52 voix. Le renégat de Yamina, Avichai Chikli, ajouterait vraisemblablement une 53e voix. C’est un formidable complément d’opposition, mais la Liste arabe unie, qui compte six sièges, n’est manifestement pas dans la poche de qui que ce soit, et le député Raam qui s’est abstenu dimanche, Said al-Harumi, protestait contre une démolition spécifique de maisons du Néguev dans sa circonscription bédouine, plutôt que de quitter la coalition avant qu’elle n’ait pris les choses en main.
En bref, diriger Israël avec une coalition multi-partite compliquée et une très mince majorité, face à un orateur politique né et suprêmement expérimenté qui veut votre perte, est loin d’être idéal, mais est potentiellement viable.
La seule chose qui menacerait définitivement son espérance de vie serait que Netanyahu se retire en tant que chef de l’opposition – enlevant le ciment qui fédère ces huit partis ensemble. Mais alors, bien sûr, ils n’auraient jamais gagné le pouvoir si Netanyahu s’était retiré, puisque Bennett et Tikva Hadasha de Gideon Saar auraient uni leurs forces avec le Likud dans une coalition de droite, ultra-orthodoxe.
Et ainsi, dans le grand paradoxe qui réaffirme notre démocratie, nous nous sommes réveillés lundi pour constater que Benjamin Netanyahu, avait donné à Israël, son gouvernement le plus largement représentatif de tous les temps, précisément au moment où ce pays largement divisé en avait le plus besoin.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel