Israël aurait gravement fragilisé le renseignement iranien, selon des responsables
Après un complot déjoué par Israël en Turquie, le chef du renseignement des Gardiens de la révolution a été démis de ses fonctions ; Israël s'est "infiltré" dans les cercles de sécurité
Israël aurait infiltré et drastiquement secoué les opérations de renseignement iraniennes ces derniers mois, a déclaré un haut responsable iranien au New York Times.
L’article de presse publié mercredi rapporte l’éviction récente du chef des services de renseignement du Corps des Gardiens de la Révolution islamique et l’arrestation secrète d’un commandant de haut rang accusé d’espionnage pour le compte d’Israël comme autant d’exemples du niveau croissant de méfiance en Iran.
Mohammad Ali Abtahi, ancien vice-président de l’Iran qui vit à Téhéran et entretient toujours des liens étroits avec les hauts responsables, a déclaré au journal que les opérations israéliennes avaient sérieusement entaché la confiance au sein de l’establishment de la sécurité du pays.
« Les atteintes à la sécurité à l’intérieur de l’Iran et la vaste portée des opérations menées par Israël ont vraiment sapé notre puissante organisation de renseignement », a-t-il déclaré.
« La force de notre sécurité a toujours été le fondement de la République islamique et elle a été mise à mal au cours de l’année écoulée », a ajouté Abtahi, déclarant au journal que l’establishment de la défense iranienne allait désormais chercher une nouvelle approche.
L’article de presse stipule que des responsables iraniens anonymes ont également admis que « le réseau d’espionnage d’Israël s’est profondément infiltré dans les rangs des cercles de sécurité iraniens. »
Ces derniers mois, Israël aurait intensifié ses attaques pour mettre à mal le programme nucléaire iranien.
Des responsables israéliens ont déclaré au Times qu’il s’agissait d’une tactique délibérée visant à mettre en évidence les échecs du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, générant ainsi un conflit entre les institutions politiques et de défense en Iran.
La décision de l’Iran de remplacer le chef des renseignements du Corps des gardiens de la révolution islamique, Hossein Taeb, qui occupait ce poste depuis plus de 12 ans, a été considérée comme un excellent exemple de la campagne menée depuis longtemps par Israël.
Le Times a rapporté que Taeb « semblait intouchable » jusqu’à ce qu’un certain nombre de meurtres récents – qui ont été très médiatisés – soient imputés à Israël et que le plan iranien d’attaquer des Israéliens en Turquie ne soit déjoué.
Un conseiller anonyme du gouvernement iranien et un individu affilié au CGRI ont tous deux déclaré au journal que Taeb avait été chargé d’exposer le réseau d’espionnage d’Israël en Iran.
Des responsables des services de renseignement israéliens ayant requis l’anonymat ont déclaré au journal que la mise en échec du complot par les forces de sécurité israéliennes et turques avait été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour les responsables, qui ont brusquement démis Taeb de ses fonctions.
Mais l’article de presse indique également que des appels à l’éviction de Taeb avaient déjà été lancés faisant suite à la méfiance croissante des hauts responsables iraniens après l’arrestation secrète d’un haut commandant des Gardiens de la révolution, le général de brigade Ali Nasiri, soupçonné d’espionnage au profit d’Israël.
Des responsables iraniens ayant connaissance de la détention de Nasiri ont déclaré qu’il avait été placé en garde à vue au début du mois, environ deux mois après la vague d’arrestations au cours de laquelle plusieurs dizaines d’employés du ministère iranien de la Défense ont été arrêtés car ils étaient soupçonnés d’avoir divulgué des documents classifiés à Israël.
Toujours selon l’article, les plans de conception de missiles faisaient partie des informations divulguées.
Nasiri occupait un poste de haut niveau dans l’unité de protection de l’information du CGRI, une branche de la force chargée de superviser les opérations du Corps des gardiens, selon le Times.
Son arrestation avait commencé à ébranler de hauts responsables iraniens qui s’inquiétaient déjà de Taeb, mais la balance a basculé après qu’Israël a révélé le complot contre ses citoyens en Turquie.
Jérusalem aurait dit à Ankara que Taeb était derrière les attaques prévues.
Taeb était un allié de confiance du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et avant sa nomination au sein du CGRI, il était connu pour son rôle dans la répression brutale des manifestants.
Israël et l’Iran sont engagés, depuis des années, dans une guerre de l’ombre qui s’expose occasionnellement en pleine lumière. Les officiels israéliens ont accusé l’Iran d’avoir tenté de pirater le système hydraulique dans le pays en 2020.
Plusieurs membres du CGRI et des scientifiques ont été tués ces dernières semaines, l’Iran pointant souvent du doigt Israël.
L’Iran soupçonnerait Israël d’avoir tué deux scientifiques iraniens il y a plusieurs semaines en empoisonnant leur nourriture. Les détails du travail des hommes, les circonstances de leur mort et leurs liens avec le gouvernement restent flous.
Le 13 juin, Ali Kamani, membre de la division aérospatiale des Gardiens, est mort lors d’une mission à Khomein, dans la province centrale de Markazi, ont indiqué les Gardiens dans un communiqué sans donner de détails.
Plus tôt en juin, le colonel Ali Esmailzadeh, commandant de l’unité des opérations extérieures des Gardiens, la Force Qods, est mort « dans un accident à son domicile », selon l’agence de presse officielle Irna.
Le 22 mai, le colonel des Gardiens Sayyad Khodaï, 50 ans, a été tué devant son domicile dans l’est de la capitale iranienne par des assaillants à moto qui lui ont tiré dessus à cinq reprises.
La télévision d’Etat iranienne a déclaré que Khodai était membre de la Force Qods et qu’il était « connu » en Syrie, où l’Iran a déployé des « conseillers militaires ».
Le Corps des gardiens de la révolution islamique a décrit Khodaï comme un « défenseur du sanctuaire », un terme utilisé pour ceux qui travaillent pour le compte de Téhéran en Syrie ou en Irak.
Les Gardiens ont accusé les « sionistes » d’être derrière l’assassinat et ont juré de se venger.
À la fin du mois dernier, un ingénieur a été tué et un autre employé blessé dans le complexe militaire iranien de Parchin dans des circonstances peu claires. Le New York Times a rapporté que l’explosion mortelle au complexe militaire avait été provoquée par des drones quadricoptères suicides. L’Iran a déclaré que l’homme avait été tué par « sabotage industriel ».
Un certain nombre d’attaques – physiques et cybernétiques – contre des installations nucléaires et industrielles ont également eu lieu ces derniers mois.
Israël et l’Iran sont impliqués depuis des années dans une cyber-guerre largement clandestine mais qui refait parfois surface. Lundi, les principales entreprises sidérurgiques iraniennes ont été touchées par une cyber-attaque.
Les correspondants militaires israéliens, qui sont régulièrement informés officieusement par de hauts responsables israéliens, ont laissé entendre qu’Israël était directement responsable de l’assaut, en représailles à une cyber-attaque présumée qui aurait déclenchée de fausses sirènes à Jérusalem et à Eilat la semaine dernière.
Le Premier ministre sortant, Naftali Bennett, a averti mardi, au lendemain d’une cyber-attaque qui a frappé les principales entreprises sidérurgiques iraniennes, que quiconque tenterait une cyber-attaque contre Israël « en paierait le prix ».
« La règle avec nos ennemis, en particulier l’Iran… c’est que nous ne faisons pas de ravages à Téhéran – cela n’a jamais été notre politique. Mais si vous jouez avec Israël, vous en payez le prix », a déclaré Bennett lors de la conférence Cyber Week à Tel Aviv.
Emanuel Fabian ont contribué à cet article.