Jenny Tonge : le « lobby pro-Israël » à l’origine de la défaite de Jeremy Corbyn
Des parlementaires appellent la baronne, aux antécédents d'antisémitisme, à se rétracter après avoir dit que le grand-rabbin "danse sûrement dans la rue" après la défaite du Labour
Près de 90 parlementaires de la Chambre des Lords ont appelé lundi la baronne Jenny Tonge à présenter ses excuses, après qu’elle a affirmé que le parti conservateur a remporté l’élection de jeudi en raison des attaques du « lobby pro-Israël » contre le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn. Elle a également affirmé que le grand-rabbin devait « sûrement danser dans la rue » suite aux résultats électoraux.
« Nous, soussignés, croyons que les membres de la Chambre des Lords sont tenus de se conformer aux standards les plus élevés de la vie publique », peut-on lire dans la lettre publiée dans The Telegraph. « Les propos de la baronne Tonge dans une déclaration publique dans laquelle elle impute le résultat de l’élection générale au travail du ‘lobby pro-israélien’ [et] ‘son mensonge sur Jeremy Corbyn’ est bien en deçà de ces standards ».
Les 88 députés, issus des deux partis, ont ajouté : « ses paroles sont honteuses et constituent une violation flagrante de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA adoptée par le Royaume-Uni. »
« La baronne Tonge a discrédité le Parlement, et nous exigeons qu’elle retire ses propos et présente des excuses sans attendre. »
Cette lettre fait suite à une publication sur les réseaux sociaux, par l’intéressée, une parlementaire de la Chambre des Lords, avec des antécédents d’antisémitisme. Dans ce message rédigé après la défaite du Labour, elle écrit : « le grand-rabbin doit sûrement danser dans la rue. Le lobby pro-Israël a gagné notre élection générale en mentant au sujet de Jeremy Corbyn. »
Jenny Tonge a déclaré au Telegraph que ses propos étaient « légers et ne se voulaient pas offensants ».
« Les articles que j’ai lus pendant la campagne électorale provenaient de gens découragés de voter pour le Labour, en grande partie à cause de Jeremy Corbyn, qui a été taxé d’antisémite par nombre de ses opposants, y compris le grand-rabbin », a-t-elle ajouté.
L’élue a fait savoir qu’elle connaissait Corbyn depuis longtemps et savait, « indubitablement », qu’il n’était pas antisémite. « C’est inhabituel que le grand-rabbin, qui ne représente que la moitié des synagogues fréquentées par les Juifs de ce pays, tiennent des propos tellement politisés en pleine campagne électorale. Il doit être ravi des résultats », a poursuivi Jenny Tonge.
« Je suis donc désolée si certains ont été blessés par l’idée du grand-rabbin dansant dans la rue. C’était une remarque légère, qui ne se voulait pas offensante », a-t-elle réagi après la polémique.
Dans une tribune publiée le mois dernier, le grand-rabbin s’était dit obligé d’intervenir dans le monde politique, car les Juifs britanniques étaient « pétris d’anxiété » au sujet de l’avenir de la communauté et du judaïsme dans le pays dans une perspective de victoire du Labour.
Sans appeler explicitement les gens à ne pas voter pour le Parti travailliste, ni même mentionner nommément Corbyn, Ephraim Mirvis avait mis en garde contre « un nouveau poison – venu d’en haut – [qui] a pris racine dans le Labour ».
Vendredi, ce dernier a averti que malgré les résultats de l’élection, la Grande-Bretagne faisait toujours face à une menace antisémite et à d’autres formes de racisme.
« Les élections sont peut-être finies, mais les craintes de résurgence de l’antisémitisme demeurent largement », a-t-il ainsi mis en garde dans un communiqué. « L’islamophobie, le racisme et d’autre formes de préjugés continuent de sévir dans nos communautés et, comme cela a été relayé, même dans nos partis politiques », a dénoncé le grand-rabbin.
La semaine dernière, les travaillistes ont subi leur pire défaite électorale depuis 1935. À la veille des élections, de nombreux Juifs britanniques ont déclaré que le vote était particulièrement fatidique pour eux parce qu’ils estimaient que le Parti travailliste était devenu institutionnellement antisémite sous la direction de Corbyn, un homme politique pro-palestinien élu à la tête du parti en 2015.
Il est accusé d’avoir échoué à s’attaquer aux incidents de haine anti-juive au sein de sa formation et d’avoir rechigné à adopter une définition de l’antisémitisme, qui incluait certains éléments de langage anti-israéliens.
Ses liens avec les membres des groupes terroristes du Hamas et du Hezbollah et des photos de lui en train de déposer une gerbe sur les tombes de terroristes palestiniens avaient profondément inquiété les Juifs britanniques et les Israéliens, qui avaient craint qu’Israël puisse perdre son proche allié en cas de victoire de Corbyn.
Jenny Tonge, qui a été suspendue du parti libéral démocrate pour ses propos anti-Israël et avait démissionné à la suite à cette suspension, a suggéré l’an dernier que l’attentat qui a visé une synagogue de Pittsburgh était imputable à la politique israélienne à l’égard des Palestiniens.
« C’est absolument effroyable et c’est un acte criminel, mais est-ce qu’il n’arrive jamais à Bibi et au gouvernement israélien actuel de penser que leurs actions contre les Palestiniens puissent rallumer l’antisémitisme ? », avait-elle écrit à l’époque sur Facebook. Bibi est le surnom donné au Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Le texte de Tonge était accompagné d’un lien menant à un article de Haaretz sur la fusillade commise dans la synagogue Tree of Life dans la deuxième ville de Pennsylvanie.
Elle a plus tard publié une vague rétractation, citant une publication de Robert Cohen, blogueur britannique sur la question d’Israël et des Palestiniens.
« Je m’incline devant ce formidable article de Robert Cohen et je reconnais que penser que les persécutions des Palestiniens par le gouvernement israélien avaient quelque chose à voir avec les actions de ce tireur a peut-être été trop hâtif. Nous devons attendre son procès et son témoignage pour tenter de mieux comprendre ce mouvement suprématiste ‘blanc’ aux Etats-Unis », a-t-elle écrit.
En 2017, Tonge a accusé les Juifs pro-israéliens de créer l’antisémitisme en Grande-Bretagne en ne critiquant pas l’État juif.