La guerre touchant à sa fin, la diplomatie devient primordiale, mais Netanyahu a d’autres priorités
Le Hamas vaincu comme armée organisée, reste une puissante force de guérilla, d’où l’urgence d’un régime alternatif à Gaza ; au lieu de cela, le Premier ministre se dispute avec Washington
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
La guerre de haute intensité menée par Israël contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza touche à sa fin.
Après plus de huit mois de combats menés en réponse à l’invasion et au massacre du sud d’Israël par le gouvernement terroriste de Gaza, Tsahal pourrait annoncer prochainement qu’il a réussi à démanteler les quatre derniers bataillons du Hamas à Rafah.
Le Hamas a déjà cessé de fonctionner comme une armée dans son dernier grand bastion. Comme l’a rapporté notre correspondant militaire Emanuel Fabian, qui a passé une journée à Rafah mardi, le Hamas est passé aux tactiques de guérilla : des terroristes armés surgissent ici et là pour tenter de prendre pour cible les troupes de Tsahal, parfois avec des conséquences dévastatrices, avant de s’évanouir dans la nature.
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Ces derniers mois, des milliers de terroristes du groupe ont fui vers le sud, à Rafah, en prévision de l’offensive de grande envergure tant attendue de Tsahal. Toutefois, nombre d’entre eux sont depuis retournés dans d’autres parties de la bande de Gaza.
Les troupes israéliennes ont découvert et attaqué une quantité toujours plus importante du vaste réseau de tunnels du Hamas, tant à l’intérieur de Rafah qu’entre Rafah et la frontière égyptienne. Quelque 25 grands tunnels de contrebande ont été localisés à ce jour, preuve irréfutable de l’indifférence ou de l’incapacité de l’Égypte à empêcher le Hamas de se réarmer de l’autre côté de la frontière. Après avoir pris le contrôle de l’ensemble de la route Philadelphi, le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, les troupes sondent progressivement le corridor de 14 kilomètres à la recherche d’autres tunnels de ce type.
Comme Israël l’espérait au lendemain du 7 octobre, le Hamas a été mis en déroute en tant qu’armée organisée. Mais il ne sera pas détruit.
Selon Tsahal, la capacité du Hamas à se réarmer – par le biais de la contrebande ou de la fabrication d’armes à l’intérieur de la bande de Gaza – a été considérablement réduite. Sa capacité à mener d’importantes attaques à la roquette contre Israël a été considérablement réduite. Mais il est capable de mener une guérilla pendant des années.
Si, comme cela est prévu dans le courant du mois prochain, Tsahal déclare avoir atteint le « contrôle opérationnel », ou toute autre terminologie de ce type, à Rafah, il est également bien conscient que le Hamas reste suffisamment puissant dans le centre de Gaza, à Deir al-Balah et Nuseirat – où se trouvent trop de non-combattants gazaouis pour que Tsahal puisse s’attaquer efficacement à certaines cibles du Hamas – et qu’il dispose de ces milliers d’hommes armés capables de mener des attaques meurtrières dans toute la bande de Gaza.
En d’autres termes, la période de haute intensité de la guerre va prendre fin, mais à celle-ci, succédera une tâche qui pourrait s’avérer interminable, celle de s’attaquer aux « poches » du Hamas.
Le Hamas veut l’immunité
Profondément indifférents à la destruction qu’ils ont causée à Gaza par leur invasion meurtrière et barbare du 7 octobre ainsi que par la campagne israélienne qui s’en est suivie pour empêcher que cela ne se reproduise, Yahya Sinwar et les autres dirigeants du Hamas misent sur le fait qu’ils survivront à la guerre et reviendront sur le devant de la scène pour rétablir leur autorité.
Un accord de libération d’otages qui ne leur en garantit pas la possibilité ne les intéresse donc pas. Pourquoi libéreraient-ils des otages à des conditions qui ne leur garantiraient pas la possibilité de se relever ?
C’est pourquoi, dans sa dernière réponse à la proposition israélienne, le Hamas a exigé des garanties qu’Israël mettrait fin à ses combats à Gaza dès les premières phases de toute libération progressive d’otages – au cours desquelles le Hamas a également exigé la libération en Cisjordanie de 150 prisonniers sécuritaires purgeant des peines à perpétuité pour activités terroristes, en échange des cinq soldates israéliens retenues en otage. Le Hamas exige donc l’immunité contre toute attaque à Gaza et la possibilité d’ouvrir un nouveau front en Cisjordanie.
Saboter tout dialogue
C’est donc le moment de renforcer la diplomatie.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu répète depuis des mois que la mise en place d’un gouvernement civil alternatif à Gaza est tout simplement impossible, car toute entité de remplacement potentielle verrait ses membres abattus par le Hamas.
Mais le Hamas est aujourd’hui considérablement affaibli et ce danger, bien que toujours présent, est moins aigu.
Comme le président Joe Biden et ses hauts fonctionnaires l’ont souligné à plusieurs reprises, les États-Unis ont une grande vision pour la bande de Gaza « après le Hamas ». Cette vision envisage un rôle pour une Autorité palestinienne (AP) réformée et d’autres acteurs internationaux, ainsi que la possibilité d’une normalisation régionale plus large pour Israël, avec notamment l’Arabie saoudite, et une coalition forte contre l’Iran, qui est en passe de devenir une puissance nucléaire.
Alors que Netanyahu aimerait beaucoup profiter de l’occasion pour normaliser les relations avec l’Arabie saoudite, il sait que ses alliés d’extreme-droite de la coalition refuseraient de laisser l’AP exercer une influence dans la bande de Gaza, ou de prendre la moindre mesure visant à la création d’un État palestinien.
L’intérêt national le plus évident d’Israël est un dialogue étroit et honnête avec les États-Unis pour trouver la bonne voie à suivre, mais les besoins politiques du Premier ministre l’empêchent d’avancer dans cette direction.
Au lieu de cela, mardi, il a tout simplement saboté le dialogue avec les États-Unis sur ces questions en accusant publiquement l’administration – dont Israël dépend pour son soutien militaire et diplomatique en temps de guerre – de refuser à Tsahal les armes dont il a besoin pour gagner.
« Nous ne savons vraiment pas de quoi il parle. Nous ne le savons tout simplement pas », a répondu publiquement la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre ; en privé, l’administration, furieuse, aurait annulé une visite imminente à Washington du ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, et du conseiller à la Sécurité nationale, Tzachi Hanegbi, pour des réunions vitales en matière de sécurité nationale.
Les États-Unis ont retardé l’envoi d’une cargaison de bombes de 900 kg qu’ils ne voulaient pas qu’Israël utilise à Rafah. Ils auraient repoussé l’approbation de 50 avions de chasse F-15, dont les 25 premiers ne seraient pas livrés avant 2028 ; les querelles internes d’Israël ont également brièvement retardé l’approbation finale de F-15 et de F-35 supplémentaires, qui ne devraient pas non plus être livrés avant quatre ans.
Répondre aux attentes des antisionistes
Stratégiquement décidé à éviter de prendre la responsabilité personnelle de l’invasion du Hamas, Netanyahu a pointé du doigt l’administration Biden comme le dernier responsable des malheurs d’Israël.
Son fils Yair s’en est pris à un autre coupable, Tsahal, en propageant des théories du complot sur des activités relevant de la trahison qui auraient eu lieu avant le 7 octobre.
Quant au Premier ministre, il persiste à qualifier les manifestants anti-gouvernementaux d’extrémistes violents et marginaux, alors même que les forces de police qu’il a confiées au voyou d’extrême-droite Itamar Ben Gvir utilisent de plus en plus la force pour les réprimer.
Son collègue de parti, Nissim Vaturi, vice-président de la Knesset, a dénoncé les manifestants anti-coalition comme une « filiale » du Hamas, et a insinué que les parents d’otages qui participent à ces manifestations auraient moins de chances de voir leurs proches revenir… il s’est excusé par la suite.
Tous les efforts déployés pour faire porter le chapeau à l’opposition politique et à la population et la discréditer risquent de ne pas suffire à maintenir la coalition de Netanyahu.
Alors que les négociations sur les otages sont dans l’impasse et que le risque d’une guerre dévastatrice avec le Hezbollah et le Liban ne cesse de croître, le Premier ministre était très occupé cette semaine à tenter de convaincre ses partenaires de la coalition ultra-orthodoxe de ne pas quitter le navire.
Libéré des contraintes imposées par Benny Gantz et son parti HaMahane HaMamlahti, Netanyahu a passé une bonne partie de la journée de mardi à discuter, pour ainsi dire, d’une loi demandée par le parti Shas qui prévoit des emplois financés par le contribuable pour les rabbins dans les conseils locaux du pays.
Dociles pendant les neuf premiers mois de l’année 2023, durant lesquels Netanyahu et ses collègues ont tenté de neutraliser le pouvoir judiciaire, et soutenant sans relâche sa position de « ce n’est pas de ma faute » sur la catastrophe du 7 octobre et sa politique de division reprise ces derniers mois, deux députés de l’arrière-ban du Likud se sont finalement révolté ce mardi à cause du « projet de loi sur les rabbins » ce mardi. Exprimant clairement qu’ils ne voteraient pas en faveur de ce texte en commission, ils ont déclenché une crise au sein de la coalition qui a contraint le Premier ministre à reporter le vote sur la législation.
Cette situation a provoqué la fureur du camp ultra-orthodoxe, même si Netanyahu a fait tout son possible pour satisfaire les Haredim par le biais de manœuvres législatives visant à empêcher l’intervention de la Haute Cour et à maintenir l’exemption générale inadmissible du service militaire pour les jeunes hommes haredim.
Les menaces des Haredim de quitter la coalition sont probablement futiles. Aucune autre constellation de partis ne serait aussi conciliante avec les exigences des partis Haredim que le gouvernement actuel. Il en va de même pour les menaces et les exigences des extrémistes de droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, sur des sujets aussi variés que l’aide aux habitants de Gaza ou l’invasion du Liban.
Netanyahu semble toutefois vouloir continuer à satisfaire les messianistes et les antisionistes, tout en méprisant publiquement le seul allié vital dont dépend la survie même d’Israël.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel