Israël en guerre - Jour 478

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Le bœuf et autres produits français à la conquête du consommateur israélien

Les échanges entre l'Hexagone et l'état juif sont prospères en dépit du coût élevé et des complications liées à la casheroute

Le bœuf français sur les rayons de Shufersal. (Crédit : ambassade de France en Israël)
Le bœuf français sur les rayons de Shufersal. (Crédit : ambassade de France en Israël)

La semaine de la gastronomie française en Israël, So French So Food, est de retour. C’est une occasion chaque année pour les Franco-Israéliens de retrouver les saveurs de chez eux, mais aussi de découvrir des chefs israéliens montants ou célèbres, comme Cobi Bachar (Roof Top) ou Shalom Kadosh (Cow on the Roof).

C’est également et surtout une opportunité pour les gourmets israéliens « de souche » de faire connaissance avec l’art culinaire français dans leurs restaurants familiers (Yaffo Tel Aviv ou encore Olive Leaf). Des repas préparés à quatre mains, fruits d’une collaboration entre un chef français souvent étoilé Michelin et un chef israélien, sont ainsi proposés dans 13 restaurants et une pâtisserie.

Au-delà de la cuisine-gourmet, représentée par ces 17 chefs français et leurs homologues israéliens, la 6e édition de la gastronomie française en Israël met en avant les échanges économiques entre l’Hexagone et la Terre sainte.

Le fromage français à l’honneur au supermarché israélien. (Crédit : Elodie Sauvage – Ambassade de France en Israël)

C’est bien sûr principalement autour des produits alimentaires français importés en Israël que se concentre cet événement de plus en plus apprécié en Israël. Mais pas seulement. La semaine de la gastronomie « So French So Food » s’est déroulée en effet parallèlement au salon israélien du tourisme IMTM.

Une occasion pour Business France, partenaire de l’événement gastronomique depuis quatre ans, de promouvoir les produits alimentaires français, de plus en plus en vogue sur le marché israélien, mais aussi le tourisme vers la France, et plus particulièrement dans la région Île-de-France, mise à l’honneur cette année.

Une forte croissance des exportations françaises vers Israël

Les exportations françaises vers Israël se portent bien, comme en témoignent les responsables du bureau local de Business France à Tel Aviv.

Un rapport de 2017 de Business France sur le secteur de la distribution alimentaire en Israël fait état d’une augmentation de près de 15 % des exportations françaises en Israël, tous services et produits confondus, entre 2014 et 2015. Par ailleurs, cette tendance à la hausse se poursuit également ces dernières années.

Ce sont, du reste, les exportations de l’industrie agroalimentaire (IAA) qui se distinguent depuis 2015, avec un véritable bond de près de 31 % sur 2014-2015, avec un total de plus de 126 millions d’euros.

« Depuis 2015, nous avons enregistré une grosse croissance des importations françaises en Israël, liée aux premières opérations en magasins que Business France a organisées. Une première opération a eu lieu en 2015 avec les magasins Mega, puis, depuis 2016, avec l’enseigne Sufhersal, dans le cadre de la semaine de la gastronomie française en février », explique au Times of Israël Déborah Modiano, conseillère export responsable du pôle Agro Tech au sein de Business France.

L’ambassadrice de France en Israël, Hélène Le Gal (G) et Déborah Modiano de Business France (D) consulte le dépliant des produits français à Shufersal. (Crédit : Ambassade de France en Israël)

Business France est le « département commercial au sein de l’ambassade de France en Israël ». Sa mission est notamment d’« aider au développement international des PME et ETI, et de leurs exportations, et de promouvoir l’attractivité et l’image économique de la France, de ses entreprises et de ses territoires », d’après le site Internet de l’agence.

Le pari de Business France en Israël n’était pas gagné d’avance : « En été 2014, lorsque nous préparions la première opération, les acteurs du marché israélien ne croyaient pas du tout à ces mois de promotion avec des produits nationaux. Il a été difficile de les convaincre. La première opération avec Mega a eu un énorme succès même s’il s’agissait alors d’une petite opération. Après la faillite de Mega, nous avons poursuivi avec Shufersal, qui au départ ne s’était pas montré très enthousiaste. L’opération de 2016 a été un réel succès. La chaîne a alors multiplié les mois nationaux et notamment organisé un mois hollandais en novembre, venant de cette impulsion française de février 2016. »

En 2018, la première enseigne de grande distribution alimentaire en Israël (qui représente 39 % du marché de la grande distribution) renouvelle l’opération dans le cadre de la semaine « So French So Food » et jusqu’en début mars.

L’ambassadrice de France en Israël, Hélène Le Gal, et le directeur général du groupe Shufersal, Itzik Abercohen, dans le magasin de l’enseigne pour le lancement. (Crédit : Elodie Sauvage – Ambassade de France en Israël)

L’ambassadrice de France en Israël, Hélène Le Gal, et le directeur général du groupe Shufersal, Itzik Abercohen, ont inauguré la « Fête française à Shufersal » (Hagiga Tzorfatit) dimanche 4 février dans le magasin de l’enseigne à Rishon LeTzion. Ce sont quelque 120 nouveaux produits français qui sont ainsi à l’honneur dans les supermarchés de Shufersal.

Plusieurs produits phares se distinguent sur les rayons : les conserves D’aucy et du miel de la marque « Lune de Miel », aux côtés des confitures Bonne Maman, des incontournables Camemberts ou encore des biscuits St Michel…

Le bœuf français s’invite en Israël et aspire à s’y imposer

« On constate que le travail de soutien des importations a porté ses fruits, alors qu’on enregistrait des baisses sur les produits agroalimentaires avant ces opérations, cette croissance se maintient, même s’il n’y a pas fait les mêmes bonds en 2016 et 2017. Les chiffres qui ont connu le plus gros pic de croissance ont été enregistrés dans deux secteurs clés : le bétail et la viande », souligne Mme Modiano.

Les importations françaises en Israël dans ces deux secteurs ont ainsi connu une croissance exponentielle au cours de l’année passée : les importations de viande ont pratiquement triplé entre 2016 et 2017 (passant de 3 à 8,5 millions d’euros). En outre, les importations de bétails sont passées de 13 000 euros en 2016 à quelque 7,5 millions d’euros en 2017, d’après un communiqué de presse d’INTERBEV, l’interprofession en bétail et de la viande française, partenaire de la semaine de la gastronomie en 2018.

« Le marché israélien est intéressant pour nous pour différentes raisons et à différents moments, car les prix de la viande bovine fluctuent, selon la saison et l’environnement. Les Israéliens ne prennent que l’avant du bœuf, alors que l’avant en France va surtout dans le steak haché. Notre prix de l’avant et donc nos stocks fluctuent en fonction des stocks du marché mondial. Il y a deux ans, nous croulions sous la viande de steak haché et ne savions plus quoi en faire. Aujourd’hui, ce n’est pas trop le cas. Malgré tout, nous avons besoin d’un marché qui prend les avants pour lisser nos équilibres et nos prix. C’est l’avantage qu’a Israël pour nous, avec sa demande spécifique », explique Marc Feunteun, le directeur Export du groupe SVA, dont les établissements d’abattage viennent d’être agréés pour exporter vers Israël.

Marc Feunteun, directeur export du groupe SVA, à la Résidence de l’ambassadrice. (Crédit : Yaël Ancri/The Times of Israel)

Depuis 2016, Israël a en effet commencé à diversifier ses pays fournisseurs de viande bovine, et pour ce faire a fortement augmenté le contingent à droit nul de l’Union européenne, permettant aux entreprises françaises de s’introduire sur le marché israélien.

En 2017, les commandes de viandes françaises par Israël ont ainsi augmenté de plus de 170 %. Deux nouvelles marques de bœuf français ont fait leur apparition dans les magasins israéliens : Chateaubriand et Gaspard. La marque Gaspard commercialise les viandes abattues par les établissements de SVA.

« Autre point intéressant : jusqu’à maintenant, l’export portait sur de la viande de jeunes bovins (des mâles jeunes). Les Israéliens, en revanche, aiment bien la viande un peu plus persillée, un peu plus couverte, ce qui donne du goût au plat. Cela tombe très bien, car nous pouvons proposer des vaches, des génisses. Or, il y a beaucoup de cette matière en Europe, alors que le jeune bovin est un peu plus rare en ce moment. D’un point de vue économique c’est très intéressant pour nous, car cela nous permet d’élargir notre portefeuille », confie M. Feunteun au Times of Israël.

Le premier container de viandes abattues par SVA est arrivé au début de la semaine et sera distribuée dans les magasins Shufersal, aux côtés des viandes Chateaubriand déjà proposées sur les rayons.

« Environ 70 à 80 tonnes sont arrivées. Nous avons l’intention de faire environ 50 à 60 tonnes par semaine, soit 1 500 tonnes à l’année », précise le responsable de SVA. C’est dire le succès de la viande française en Israël. Les importations de bœuf français en Israël ont ainsi été multipliées par 2,8 entre 2015 et 2017 (de 500 à 1 400 tonnes). Interbev s’attend d’ailleurs à voir les exports de France augmenter de 500 nouvelles tonnes en 2018.

La culture casher, un défi pour l’exportateur français

Si le prix reflète la qualité et ne semble pas effrayer outre mesure le distributeur israélien, c’est la question de la casheroute qui peut représenter un obstacle, ou du moins un défi pour les exportateurs français.

« Concernant l’industrie alimentaire, en Israël, on peut importer de tout, même des produits non casher, comme des crustacés, à l’exception des produits carnés non casher, tels le porc ou la charcuterie. Les produits carnés importés en Israël doivent avoir un certificat de casheroute, dont le niveau est réglementé par le rabbinat d’Israël. L’abattage est certifié par les autorités françaises, tandis que la partie vérification doit être supervisée par le rabbinat d’Israël, qui se déplace en France », explique Mme Modiano de Business France.

Le bœuf français à l’honneur sur les rayons de Shufersal. (Crédit : ambassade de France en Israël)

Pour la société SVA, si le casher n’est pas forcément une nouveauté, puisqu’elle travaille déjà avec des partenaires dans le domaine en France, ces exigences avec l’intervention d’une équipe de rabbins israéliens sont plus délicates à gérer.

« Ce qui a été très compliqué pour nous c’était de s’habituer à la culture casher. Cela a été un peu un choc pour nous, il a fallu s’habituer et comprendre les exigences. Nous avons aussi dû collaborer avec une équipe de onze ou douze rabbins venus en France, il fallait les loger et connaître leurs besoins. La viande est cashérisée par les Israéliens. C’était un moment assez intéressant. Ce qui était le plus dur, c’était le côté religieux des choses, que nous ne comprenons pas. Nous faisons du Glatt, du casher, etc. Mais, c’est l’équipe de rabbins qui s’en occupe, tandis que nous devons gérer ce qui n’est pas casher. Ce point aussi est un peu compliqué, car nous aimons planifier en amont. Et là, nous ne pouvons pas préparer les ventes en avance, car nous ne savons jamais ce qui va être accepté. Mais, il faut y aller ! Le défi est relevé, le premier container arrive », se félicite l’exportateur, dont la foi dans l’expérience ne ferait sûrement pas rougir les rabbins avec lesquels il a collaboré dans cette aventure.

Le prix des produits français, une barrière aux importations ?

« Les produits français en général sont de qualité, et donc par rapport à d’autres pays, de l’Union européenne ou d’ailleurs, même de Thaïlande par exemple, car le monde entier est en concurrence avec la France, nous avons un positionnement prix toujours un peu haut de gamme, qui est un frein à la croissance exponentielle des exportations vers Israël », affirme Mme Modiano.

« C’est une question d’éducation du consommateur. Car il y a une demande. Le consommateur israélien tend de plus en plus vers des produits de qualité, organiques ou “bio”, même si le label bio n’existe pas comme en France. Les produits un peu plus chers comme les produits français peuvent donc avoir leur place demain en Israël. On en voit de plus en plus, et on constate qu’ils ont du succès. Il y a des résultats, c’est pourquoi les chaînes de distribution israéliennes sont de plus en plus intéressées par les produits français », explique la jeune femme dynamique.

« Il y a également certains produits français, qui, même s’ils sont de qualité, ne vont pas être très chers, notamment les biscuits St Michel. Sur le marché israélien, ils ont des prix très compétitifs et marchent donc très bien », nuance Mme Modiano.

Les biscuits St Michel séduiront-ils les Israéliens ? (Crédit : Elodie Sauvage – Ambassade de France en Israël)

« A contrario, nous avons voulu pour cette semaine de la gastronomie faire entrer des produits haut de gamme, mais pour le distributeur ces produits étaient trop chers à l’achat. Il y a donc vraiment un barrage, une auto-censure des distributeurs qui ne veulent pas dépasser un certain prix pour pouvoir vendre sur le marché israélien. Ce qui n’est pas le cas dans les épiceries de franco-Israéliens, où vous trouverez toute une variété de produits français, mais à des prix beaucoup plus élevés. Un distributeur israélien ne voudra pas fonctionner de cette façon-là, ce qui complique les relations avec les fournisseurs français qui n’ont pas l’habitude de cette mentalité. En Israël, il y a en effet une très forte sensibilisation au prix et cette tendance est un peu incompatible avec la recherche de produits de qualité. Il reste un gros travail d’éducation à faire à ce niveau, car l’Israélien moyen a l’habitude des produits qu’il connaît et ne va pas forcément essayer des produits différents », conclut Mme Modiano.
La France au salon du tourisme israélien

Le tourisme occupe également une place importante dans les relations économiques France-Israël. Un important pavillon représentant l’Hexagone était présent sur le salon israélien du tourisme IMTM, qui s’est déroulé les 6 et 7 février à Tel Aviv. Six exposants français, notamment le Comité régional du tourisme Paris Île-de-France (CRT) et plusieurs acteurs de l’offre touristique de la région parisienne (La Vallée Village, Monde sans frontière, etc.), ont présenté leurs activités et leurs offres aux agences de voyage israéliennes pour que ces dernières en fassent la promotion auprès du public israélien.

Brigitte Benhayoun, à la soirée de lancement de « So French So Food ». (Crédit : Yaël Ancri/The Times of Israel)

« Sur 8,5 millions d’habitants, un record de quelque 7,2 millions d’Israéliens voyagent à l’étranger chaque année. Environ 500 000 Israéliens se sont déplacés en France en 2017, avec pour principale destination Paris », explique Brigitte Benhayoun, responsable de la partie tourisme de l’événement « So French So Food » et du partenariat avec la région Île-de-France.

La France est en effet au top 5 des destinations privilégiées par les Israéliens, qui, comme les chiffres en témoignent, voyagent avec leurs enfants. Les acteurs du tourisme français ont donc adapté leurs offres pour répondre aux besoins du public israélien.

À l’heure actuelle, les échanges économiques Israël-France se portent bien et les événements comme la semaine « So French So Food » offrent aux Israéliens un aperçu du goût et des saveurs de France.

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