Le cabinet approuve le retour de Maoz, de nouveau en charge de « l’identité juive »
Le ministre de l'Éducation, Yoav Kisch, assure qu'il n'autorisera ni "l'extrémisme" ni des changements dans les pouvoirs de son ministère
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le député d’extrême-droite Avi Maoz s’est vu accorder le poste de ministre-adjoint au bureau du Premier ministre en charge de « l’unité de l’identité juive » – un titre qui lui donnera l’autorité nécessaire pour superviser les programmes extra-scolaires pour les écoles publiques, à la suite d’une décision prise dimanche par le cabinet de réintégrer le député en tant que vice-ministre, lui accordant 285 millions de shekels de financement pour son bureau de l’identité nationale juive.
Maoz et son bureau seront rattachés au cabinet du Premier ministre, le député étant réintégré au gouvernement dans le cadre d’un accord visant à obtenir son soutien pour le budget de l’État 2023-2024, qui a été adopté la semaine dernière.
Maoz, seul représentant de la faction Noam à la Knesset, avait quitté le gouvernement à la fin du mois de février, écrivant dans sa lettre de démission adressée à Netanyahu qu’il était « scandalisé de constater qu’il n’y avait jamais eu d’intention sérieuse de donner suite à l’accord de coalition » qui avait fait de lui un vice-ministre ayant les capacités de mettre en œuvre des programmes « d’identité juive » dans le cadre d’un nouveau bureau de l’Identité juive nationale.
Maoz épouse des positions anti-LGBT, anti-pluralistes et anti-féministes, ce qui a suscité de vives inquiétudes et critiques de la part de politiciens et d’organisations opposés à sa volonté d’exercer un contrôle sur les fournisseurs externes d’enseignement qui complètent les programmes des écoles publiques.
Le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch, a déclaré dimanche à la radio de l’armée que les nouveaux pouvoirs de Maoz ne modifieraient pas la politique du ministère de l’Éducation, affirmant que le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui avait promis que le poste « n’affecterait pas » les pouvoirs du ministère de l’Éducation.
« Tous les pouvoirs restent entre les mains du seul ministère de l’Éducation », a tweeté le ministre de l’Éducation, accompagné d’une capture d’écran d’une section de la résolution stipulant que le nouveau système de surveillance ne sera promulgué qu’à la condition « qu’il ne porte pas atteinte à l’autorité du ministère de l’Éducation ».
Kisch a ajouté à la radio de l’armée qu’il était « en principe en faveur de la transparence envers les parents », mais « je ne laisserai pas entrer l’extrémisme, des deux côtés [de la carte politique] ». En janvier, Maoz avait annoncé son intention de créer une unité qui s’efforcerait d’instaurer la « transparence » à l’égard des fournisseurs de programmes extra-scolaires.
L’unité serait chargée de superviser Gefen, le groupe de fournisseurs approuvés et financés du ministère de l’Éducation, qui comprend plus de 20 000 programmes mis à la disposition des administrateurs des écoles publiques. Les fournisseurs de programmes externes font partie intégrante de l’éducation publique et proposent un large éventail d’offres allant de l’éducation sexuelle à la préparation de la bar mitzvah en passant par l’agriculture.
Le programme serait surnommé « Shaveh », ce qui signifie en hébreu « équivalent » ou « digne », le titre complet se traduisant par « Transparence et notification aux parents ». L’un des principaux objectifs déclarés de Maoz au sein de la coalition a été de fournir des informations aux parents sur le contenu des programmes éducatifs, l’identité des vendeurs et les sources de financement des programmes. Certains programmes sont financés directement par le ministère de l’Éducation, tandis que d’autres sont parrainés par des donateurs externes, y compris – selon Maoz – des entités étrangères.
Outre le « système de transparence pour les parents », le bureau de l’identité nationale juive de Maoz aura trois autres objectifs, selon la décision gouvernementale formulée en termes vagues.
Le bureau « renforcera l’identité juive » par le biais de projets de recherche et de subventions, « assistera et soutiendra les institutions éducatives » en ce qui concerne l’identité nationale juive, et publiera des informations sur « l’approfondissement et le renforcement de l’identité nationale juive ».
Plusieurs personnalités politiques et organisations de l’opposition ont exprimé leur inquiétude quant au retour prévu de Maoz dans le domaine de l’éducation, compte tenu notamment de ses positions publiques claires contre les droits des LGBT, la parité hommes-femmes et les approches pluralistes du judaïsme.
« Avi Maoz a démissionné, a fait chanter le gouvernement et est revenu plus dangereux que jamais », a déclaré la cheffe du parti Avoda, Merav Michaeli, dans un tweet publié dimanche en prévision de la décision du cabinet.
Meirav Cohen (Yesh Atid) a fait le lien entre la décision de Maoz et les décisions prises en matière d’éducation dans le budget récemment adopté. « Alors que le budget a donné de l’argent aux institutions éducatives haredim qui ne sont pas supervisées, Maoz supervisera le contenu dans le reste du système », a-t-elle noté.
« Il n’y aura ni supervision ni règle introduite et applicable dans le système de l’enseignement haredi, qui recevra plus de fonds dans le but de ne pas enseigner les matières du tronc commun et de perpétuer la pauvreté au sein de la communauté. Mais il y aura une supervision des contenus entrant dans le cadre de l’éducation de vos enfants de la part d’un homophobe obscur et raciste pour tenter de détruire la pensée libérale et laïque », a déclaré Cohen.
« Netanyahu vend l’avenir de nos enfants, haredim et laïcs, à ses partenaires politiques », a ajouté l’ancienne ministre de l’Egalité.
L’ancienne ministre de l’Éducation, Yifat Shasha-Biton, a écrit sur Twitter que « des éléments sombres vont s’immiscer dans le système scolaire ».
Si de nombreux maires ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne coopéreraient pas avec Maoz, un certain nombre ont rapidement réaffirmé que les autorités ne travailleraient pas avec l’unité du député d’extrême-droite.
« Nous avons d’ores et déjà annoncé que nous financerons les programmes qu’il rejette et j’ajoute que nous ne partagerons aucune information qui viendrait servir la persécution politique des éducateurs », a écrit le maire de Hod Hasharon, Amir Kochavi.
Le maire de Givatayim, Ran Kunik, a publié sur Twitter la capture d’écran d’un article sur le vote programmé au cabinet, écrivant : « Non merci, Avi. Tout ira très bien sans vous ».
Menashe Levy, chef du forum des directeurs d’établissement, s’en est aussi pris à Maoz et au programme.
« Aux directeurs des écoles – je vous recommande aussi avec force de renoncer aux subventions généreuses qu’Avi Maoz va faire pleuvoir sur vous à la condition que vous ouvriez les écoles dont vous avez la charge à ses desseins », a déclaré Levy à la Douzième chaîne.
L’organisation religieuse LGBT Havruta a également attaqué le mouvement. « La majorité des activités du député Maoz et de son parti ne visent pas à renforcer l’identité juive, mais plutôt à nuire aux communautés LGBT et aux autres communautés de la nation israélienne », a déclaré Havruta dans un communiqué.
Maoz avait indiqué, l’année dernière, qu’il « s’assurerait » que la Gay Pride annuelle de Jérusalem, serait annulée – un vœu que Netanyahu avait rejeté à ce moment-là. En outre il avait préconisé le rétablissement des termes « mère » et « père » sur les formulaires gouvernementaux au lieu du nouveau terme « parent », et l’autorisation de la thérapie de conversion homosexuelle, désormais interdite et largement démentie.
Le chef spirituel de son parti Noam, le célèbre rabbin nationaliste haredi Zvi Tau, a été l’une des principales voix de la communauté nationaliste religieuse contre l’acceptation des LGBT. En 2017, il avait écrit que l’homosexualité est la « déviation la plus laide, qui brise la vie familiale… et contredit la première base de l’existence humaine ».
L’année dernière, Tau a été accusé d’une série d’agressions sexuelles, qui remonteraient à plusieurs dizaines d’années.