Les partisans juifs de Trump pas inquiets de le voir courtiser les critiques d’Israël
Certains soulignent le bilan de l'ancien président, d'autres décrient le traitement inégal de ses interactions avec des personnalités anti-Israël par rapport à celles de Kamala Harris
WASHINGTON (JTA) – « La Palestine est en train d’être effacée » ; « Aucune somme d’argent ou de pouvoir ne devrait primer sur une vie humaine », déclare un partisan à un candidat attentif.
Ce même candidat salue un maire ayant accusé Israël de commettre un génocide, le qualifiant de « formidable ».
Le candidat en question n’est pas Kamala Harris, dont les interactions avec les activistes pro-palestiniens lors de la campagne ont été passées au peigne fin et critiquées par les défenseurs d’Israël. Il s’agissait de son rival, Donald Trump.
La visite de Trump ce week-end à Dearborn, dans le Michigan — où il a obtenu le soutien de membres de la communauté arabo-américaine locale — a donné lieu à des titres classiques.
« Trump rencontre des Arabes-Américains à Dearborn, mais les principaux leaders communautaires boycottent l’événement », a titré CBS. « Trump rencontre des Arabes-Américains à Dearborn et promet de rétablir la paix au Moyen-Orient », a rapporté le Detroit Free Press.
La présentation de Trump par Albert Abbas, propriétaire du café Great Commoner, a été peu relayée.
« Je ne peux pas rester silencieux alors que la Palestine est en train d’être rayée de la carte – je vous prie de nous aider à mettre fin à l’effusion de sang », a déclaré Abbas, Trump acquiesçant. « Aucun pouvoir ni aucune somme d’argent ne devrait primer sur la vie humaine. »
À l’occasion de cet événement, Trump a également salué Amer Ghalib, le maire de Hamtramck, l’une des rares villes à boycotter officiellement Israël, et qui a accusé l’État hébreu de « génocide » dans sa guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas. La campagne de Trump a sollicité le soutien de Ghalib en raison de ses opinions conservatrices ayant distancé les démocrates locaux.
Le mois dernier, le média conservateur National Review a critiqué Trump pour avoir accepté le soutien de Ghalib — et pour avoir qualifié le maire de « formidable » — mais l’indignation et l’intense couverture médiatique qui accompagnent habituellement les rencontres de la vice-présidente Kamala Harris avec des critiques acerbes d’Israël étaient absentes dans ce cas.
En octobre, Harris a été interrompue lors d’une campagne dans le Wisconsin par un étudiant qui accusait Israël de génocide. Bien que l’équipe de Harris ait expulsé l’individu, elle a déclaré par la suite : « Ce dont il parle, c’est réel ». Face aux critiques, un porte-parole a précisé que Harris ne partageait pas l’avis du manifestant.
Cet incident a renforcé l’idée que Harris semblait adopter une position conciliante à l’égard des détracteurs d’Israël. Cette impression a été renforcée en août, lorsque le Non-Aligned Movement, un groupe de défenseurs des droits des Palestiniens, a affirmé que Harris envisageait de décréter un embargo sur les armes à destination d’Israël, une mesure soutenue par le groupe. La campagne de Harris a clarifié sa position en indiquant qu’elle ne soutenait pas un tel embargo, mais qu’elle avait simplement indiqué qu’elle continuerait à dialoguer avec le groupe.
Les médias conservateurs ont souvent mis en avant les liens d’Harris avec des critiques notoires d’Israël au Congrès, comme les représentantes Ilhan Omar, députée du Minnesota, et Summer Lee, députée de Pennsylvanie. Par ailleurs, CNN a exhumé une vidéo de 2018 où Tim Walz, colistier de Harris, félicitait un imam ayant tenu des propos antisémites.
Certains observateurs ont relevé un deux poids, deux mesures dans la tentative de Trump de gagner les voix des Américains d’origine arabe :
« Trump est en visite à Dearborn, dans le Michigan. Si Harris avait agi de la sorte, je suis certain que les défenseurs d’Israël pro-Trump l’auraient bruyamment condamnée », a tweeté Corey Walker, correspondant de l’Algemeiner, une publication juive de droite.
Interrogé sur cette différence de traitement, Rich Goldberg, ancien conseiller en sécurité nationale sous Trump, a déclaré qu’il faisait davantage confiance à l’ancien président.
« Beaucoup d’experts parlent du ‘test de kishkes’ — un test pour voir quel candidat a Israël et la communauté juive dans ses tripes », a-t-il expliqué.
« Je pense qu’au cours de ce cycle, nous avons un test de kishkes différent : il s’agit de savoir quel candidat vous retourne l’estomac lorsqu’on pense à ses opinions et à ses politiques concernant Israël et l’activisme pro-Hamas dans notre pays. Israël est en guerre », a-t-il ajouté. « Les Juifs sont attaqués. Ce n’est plus une hypothèse, c’est réel et important. Et je pense que cela pousse un nombre sans précédent d’électeurs juifs vers Trump. »
Naomi Rose, dans un article d’opinion pour The Commentator, une publication étudiante indépendante de la Yeshiva University, a souligné plusieurs déclarations et associations de Harris et du gouverneur du Minnesota, Tim Walz, son colistier, qu’elle juge hostiles à Israël. « Voter pour une administration Harris-Walz reviendrait à soutenir une administration intrinsèquement anti-Israël et, par conséquent,
antisémite », a-t-elle conclu.
Pour les partisans de Trump, le fait que ses soutiens pro-Israël ne soient pas troublés par certaines de ses associations ou incidents qui susciteraient des condamnations envers les démocrates tient à son bilan de 2017 à 2021. En tant que président, il avait en effet renversé des décennies de doctrine traditionnelle au Moyen-Orient, se montrant favorables aux revendications d’Israël sur Jérusalem, sur le plateau du Golan ainsi que certaines parties de la Cisjordanie, coupant les fonds destinés aux Palestiniens, se retirant de l’accord sur le nucléaire iranien et négociant des accords de normalisation entre Israël et les pays de la région.
La campagne de Trump a renvoyé une demande de commentaire à la Commission nationale républicaine (RNC), qui a souligné, par e-mail, que les sondages auprès des Israéliens montrent un soutien majoritaire à Trump.
Elizabeth Pipko, porte-parole du RNC, a affirmé que Trump était le meilleur garant de la sécurité d’Israël et des Juifs américains.
« Pour de nombreux Juifs américains comme moi, les événements du 7 octobre 2023 et de l’année qui a suivi resteront à jamais un rappel des menaces auxquelles nous faisons face, tant à l’étranger que dans notre propre pays », a-t-elle déclaré dans un e-mail. « À ce jour, de nombreuses personnes que je connais, dont l’identité juive est évidente, ont peur de sortir dans les grandes villes des États-Unis. Il est clair que la direction de Kamala Harris a échoué à nous protéger et que le Parti démocrate de nos parents et grands-parents n’existe plus. »
David Friedman, ancien ambassadeur d’Israël sous Trump, a insisté sur l’importance des réalisations plutôt que des associations. (Friedman a ouvertement critiqué Trump après le dîner de ce dernier avec un négationniste de la Shoah en 2022 ; il a déclaré qu’il avait par la suite avoir discuté de ce dîner avec Trump).
« Trump et Harris ont tous deux un bilan de quatre ans de mandat », a-t-il déclaré à la Jewish Telegraphic Agency. « C’est ce qui compte. Le bilan de Trump est le plus favorable à Israël de l’histoire ; celui de Harris, l’un des pires ».
Matt Brooks, directeur général de la Coalition juive républicaine (RJC), a affirmé que le soutien de Trump par des Arabes-Américains montre sa capacité à créer des alliances même avec des opposants.
« Nous ne sommes évidemment pas d’accord avec tout ce que dit Ghalib, le maire de Hamtramck, mais il a soutenu Trump tout en sachant à quel point il est pro-Israël. »
Bien que l’administration Biden ait eu des relations tendues avec Israël en raison de la gestion de la guerre par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, les partisans du président et de Harris ont fait remarquer qu’elle a fait adopter une aide d’urgence de 14 milliards de dollars à la défense d’Israël et déployé des forces américaines au Moyen-Orient pour contrer les menaces de l’Iran et de ses mandataires font peser sur Israël. Harris a réaffirmé son soutien total à la défense d’Israël, déclarant que toutes les options étaient envisagées pour empêcher l’Iran d’acquérir une arme nucléaire.
Les liens de Trump avec les critiques d’Israël se sont renforcés depuis qu’il a cherché à obtenir le soutien des Américains d’origine arabe et musulmane dans le Michigan. Dans une lettre récente adressée aux leaders de cette communauté, il a promis de rétablir la paix au Liban.
Un groupe d’action politique soutenu par Elon Musk a ciblé les Arabes-Américains avec des publicités mettant en avant la position pro-Israël de Harris et le fait que son mari, Doug Emhoff, est Juif.
Trump peine toutefois à convaincre les Arabes-Américains de le soutenir, certains n’oubliant pas son soutien inconditionnel à Israël pendant sa présidence et sa mise en place — et promesse de rétablir — une interdiction d’entrée aux États-Unis imposée aux ressortissants d’un certain nombre de pays à majorité musulmane.
Par ailleurs, ses partisans juifs ont également parfois été mal à l’aise face à ses interactions avec des antisémites ou ses propos jugés antisémites, même au sein des Républicains juifs.
Ses relations avec Israël pourraient aussi se tendre. Selon le Times of Israel, des responsables israéliens craignent que l’insistance de Trump sur une fin rapide de la guerre — certains disent avant l’investiture — puisse nuire aux relations américano-israéliennes.
Son colistier, le sénateur de l’Ohio JD Vance, connu pour ses positions isolationnistes, a bloqué temporairement un programme d’aide à la défense Ukraine-Israël-Taïwan. Il a récemment déclaré que les États-Unis et Israël ne seraient pas toujours en accord sur l’Iran.
Halie Soifer, PDG du Jewish Democratic Council of America, a averti qu’il n’y avait aucune garantie que Trump maintiendrait son soutien à Israël lors d’un second mandat, citant son penchant pour l’isolationnisme.
« Sa politique étrangère a été incohérente, et selon John Bolton, son ancien conseiller à la Sécurité nationale, son soutien à Israël n’est pas garanti pour un second mandat », a-t-elle déclaré.
Ellie Cohanim, ancienne responsable du bureau de surveillance de l’antisémitisme du département d’État sous Trump, a déclaré que le passé de Trump – et non ses associations de campagne – prédisait son avenir.
« Pour tous ceux qui sont curieux de savoir quelle sera la politique du président Trump à l’égard d’Israël en tant que 47e président, il suffit d’examiner son bilan en tant que 45e président », a-t-elle déclaré dans un email. « Donald Trump a montré un soutien historique à Israël en tant que 45e président, et il restera dans l’histoire comme le président le plus pro-Israël et pro-Juif de l’histoire américaine. »
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.