Pour le ministre d’extrême-droite Eliyahu, un Etat palestinien « entraînera une Shoah »
La solution à deux États défendue par les États-Unis est "une très grosse erreur", dit le ministre du Patrimoine qui estime que rétablir la présence juive dans la bande de Gaza est nécessaire pour la sécurité dans l'après-guerre

Repoussant les pressions qui sont exercées par les Américains en faveur de la reprise du processus de paix dans le conflit israélo-palestinien – un processus moribond depuis longtemps – le ministre du Patrimoine Amichai Eliyahu avertit, cette semaine, que le président Joe Biden « nous emmène à la catastrophe ».
S’exprimant auprès du Times of Israel, une rencontre organisée à son bureau de la Knesset lundi dernier, Eliyahu, qui est membre du parti Otzma Yehudit, à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien, explique être reconnaissant à l’égard de tout ce qu’a pu faire l’administration Biden pour Israël depuis le 7 octobre – ajoutant toutefois qu’il est convaincu que l’établissement d’un état palestinien, à côté d’Israël, « entraînera une Shoah ».
« Je veux dire merci aux États-Unis et à l’administration Biden pour tout le soutien qu’ils ont apporté à notre pays » mais « Biden est en train de faire une très grosse erreur », déclare-t-il, estimant que l’appui de longue date des Américains à la fondation d’un état palestinien au moment où une majorité écrasante de Palestiniens « approuvent le massacre barbare » du 7 octobre serait la démonstration que « le terrorisme paie et qu’il vous apporte ce que vous voulez ».
Un sondage qui avait été réalisé au mois de décembre 2023 avait établi que 57 % des personnes interrogées à Gaza et que 82 % des personnes interrogées en Cisjordanie pensaient que le Hamas avait eu raison de commettre ses atrocités dans le sud d’Israël, le 7 octobre – une attaque qui avait coûté la vie à environ 1200 personnes, des civils en majorité. 253 personnes avaient également été kidnappées et prises en otage dans la bande.
« En quoi ce serait raciste de dire que ne croyons pas ce que disent les Palestiniens ? », interroge-t-il.
Des propos tenus quelques semaines après que le chef de son parti, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, a âprement critiqué la prise en charge par l’administration Biden de la guerre – confiant lors d’un entretien avec le Wall Street Journal qu’Israël aurait tiré davantage de bénéfices d’une seconde administration Trump à la Maison Blanche.

Depuis le mois d’octobre, l’administration Biden a apporté largement son soutien aux objectifs poursuivis par Israël dans sa guerre contre le Hamas – le démantèlement du groupe terroriste et le retour des otages. Elle a opposé son veto aux résolutions des Nations unies qui cherchaient à imposer un cessez-le-feu permanent ; elle a accéléré la procédure de vente de munitions à Israël à hauteur de centaines de millions de dollars en contournant le réexamen de la transaction par le Congrès et elle a acheminé des centaines d’avions d’équipements militaires.
Au même moment, toutefois, Washington a souligné l’importance, à ses yeux, d’une Autorité palestinienne réformée qui viendrait prendre la barre des affaires à Gaza en plus de la Cisjordanie, pressant Israël d’ouvrir la voie à la création d’un état palestinien.
En plus de faire planer le spectre d’un nouveau génocide juif si l’établissement d’un état palestinien devait se concrétiser, Eliyahu a utilisé des termes similaire pour s’opposer aux efforts livrés pour limiter les demandes de Ben Gvir qui réclame des restrictions sur l’accès des musulmans au complexe Al-Aqsa, sur le mont du Temple, pendant le ramadan.
« Pourquoi est-ce donc légitime que les Juifs aient peur pendant un mois complet ? », a-t-il demandé, se référant apparemment aux événements de 2021 quand des violences avaient éclaté dans les villes mixtes, dans le sillage d’affrontements survenus dans le lieu saint de Jérusalem.
C’est quelque chose « du siècle dernier, des années 1930. N’oublions pas que la Shoah n’a pas encore un siècle », a continué Eliyahu, appelant le gouvernement à éviter toute « reddition » face aux menaces de violences.
Eliyahu a tenu des propos très controversés dans le passé. Il a notamment accusé les responsables de la sécurité israélienne de s’être « rebellés » contre la coalition actuelle. Il a qualifié les manifestants qui s’opposent au gouvernement de « démons » et il a dit que le directeur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, était « un sauvage ».
Plus récemment, il a suscité l’indignation à l’international en affirmant que larguer une bombe nucléaire sur la bande de Gaza était « une option » envisageable – des paroles qui, selon le Premier ministre Benjamin Netanyahu, étaient « détachées de la réalité ».
Cette déclaration a été ultérieurement reprise par l’Afrique du sud dans sa requête accusant l’État juif de génocide devant la Cour internationale de Justice. Eliyahu s’en était ultérieurement vanté : « Même à La Haye, on connaît mon positionnement ».
Regrette-t-il d’avoir évoqué la possibilité d’une attaque nucléaire à Gaza ? A cette question, Eliyahu répond avec insistance que c’est le journaliste qui lui a prêté ces mots.
« On m’a demandé si j’étais favorable à l’arme nucléaire et j’ai répondu que nous devions trouver ce qui pouvait leur faire du mal, tout ce qui les pourrait les faire arrêter », dit-il, rejetant les inquiétudes liées au fait que ses propos ont été utilisés par les ennemis d’Israël pour étayer leurs accusations « d’intention génocidaire » de la part de l’État juif à Gaza.

Malgré le vocabulaire incendiaire qu’il aime employer – comme c’est le cas également d’autres politiciens israéliens – Eliyahu affirme penser que la plus grande partie de ses collègues, à gauche et à droite de l’échiquier politique, sont « des gens bien » qui s’inquiètent des intérêts de la nation.
Cela comprend Netanyahu qui, malgré l’existence de « nombreux désaccords », est un leader qui travaille tellement dur qu’il « ne dort pas la nuit », continue Eliyahu. Il rejette les appels qui se font entendre en faveur d’élections anticipées – malgré les menaces proférées par son propre parti qui a fait savoir qu’il pourrait renverser la coalition.
Évoquant les difficultés, au cabinet, qui sont rencontrées dans la formulation d’un plan pour « le lendemain » des hostilités à Gaza, Eliyahu explique que s’il « s’inquiète » de « l’absence d’un accord » sur les futures initiatives à prendre, les conflits internes, au sein du gouvernement, sont la preuve d’une démocratie saine en Israël.
Après des mois de combats dans la bande de Gaza – et c’était encore le cas lors de l’entretien de lundi – le gouvernement n’avait pas encore présenté de cadre clair concernant la manière dont il envisage l’avenir au sein de l’enclave côtière, de façon à éviter une réoccupation longue si et quand l’armée israélienne l’emportera sur le Hamas, au pouvoir dans la bande depuis 2007.
Alors que les alliés de Netanyahu, qui appartiennent à la droite dure, réclament le rétablissement des implantations israéliennes et « l’émigration volontaire » des Palestiniens, d’autres, comme Benny Gantz, qui est ministre au sein du cabinet de guerre, ont fait savoir qu’Israël conserverait « zéro pour cent de contrôle civil » dans l’enclave.
Pour sa part, Eliyahu — qui est le fils du Grand rabbin de Safed, Shmuel Eliyahu, et le petit-fils de feu l’ancien Grand-rabbin séfarade Mordechai Eliyahu — s’en prend à la communauté internationale qui s’oppose à la fois au départ volontaire des Palestiniens et au retour des Juifs dans la bande de Gaza.
« Le monde entier peut intégrer des millions de réfugiés mais il ne permet pas aux réfugiés de Gaza d’aller où que ce soit ; il ne veut pas les aider à se libérer de la guerre et de la gouvernance du Hamas », dit-il. Concernant le rétablissement des implantations, il déclare que « là où il y aura des implantations, il y aura de la sécurité ».
« On ne parle pas sincèrement aux gens par faiblesse. Et c’est préférable de revenir aux implantations que de continuer au rythme des guerres et des meurtres », ajoute-t-il.
Jeudi, quelques jours après cette interview, Netanyahu a présenté à son cabinet un court document politique présentant sa vision d’une bande de Gaza démilitarisée au lendemain de la guerre, dont l’administration civile sera placée entre les mains « de responsables locaux » suite à la mise en œuvre d’un « processus de déradicalisation ».
Selon le document qui a été présenté par le Premier ministre, « le plan de reconstruction sera financé et dirigé par des pays qui seront considérés comme acceptables pour Israël », une déclaration qui entre en contradiction avec un grand nombre de pays considérés comme des donateurs potentiels.
Eliyahu écarte d’un revers de la main la politique avancée par certains États arabes, qui ont conditionné leur aide financière et leur soutien politique à la reconstruction de Gaza, après-guerre, à l’avancée d’une initiative américaine en faveur de la solution à deux États. Il prédit que s’il pourrait bien y avoir initialement des frictions, tous aideront finalement au travail de reconstruction.
Se souvenant des décennies qu’il aura fallu à certains voisins d’Israël pour s’accommoder de l’existence de l’État juif, Eliyahu déclare que « en fin de compte, quand nous sommes sûrs de prendre le bon chemin, le monde en est lui aussi convaincu ».
Jacob Magid et l’équipe du Times of Israel ont contribué à cet article.
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