Retour sur la 14e manifestation de grande ampleur contre la refonte judiciaire
Les rassemblements ont commencé par une minute de silence pour les victimes du terrorisme de vendredi
Des centaines de milliers de personnes ont participé samedi à des manifestations nationales contre les projets controversés du gouvernement destinés à remanier le système judiciaire. Les organisateurs des manifestations ont promis de poursuivre leur lutte malgré plusieurs attaques terroristes meurtrières et des salves de roquettes tirées depuis plusieurs fronts sur Israël.
Les manifestations organisées à Tel-Aviv, à Jérusalem et dans d’autres villes ont débuté par une minute de silence en hommage aux trois victimes du terrorisme tuées dans deux attaques distinctes vendredi.
Les organisateurs du rassemblement à Tel-Aviv samedi soir avaient indiqué que la manifestation aurait lieu comme prévu malgré les violences et les attentats meurtriers, mais qu’ils avaient accédé à la demande de la police d’annuler la marche à travers les rues de la ville prévue après le rassemblement, afin de dégager les routes en cas de nouvel incident sécuritaire.
Malgré la récente vague d’attentats terroristes et la fête de Pessah, la participation aux manifestations est restée relativement élevée, les médias faisant état de 140 000 participants au rassemblement de Tel-Aviv et des dizaines de milliers d’autres dans des rassemblements plus modestes organisés ailleurs.
Des centaines de milliers de personnes manifestent chaque semaine dans tout le pays contre les projets de réforme du système judiciaire du gouvernement. Les manifestations se poursuivent alors que la coalition a suspendu la législation le mois dernier pour permettre un dialogue avec l’opposition.
« Nous continuerons à protester contre la dictature comme s’il n’y avait pas de guerre contre le terrorisme et nous continuerons à servir comme réservistes et à soutenir Tsahal et les forces de sécurité comme s’il n’y avait pas de guerre contre la dictature », ont déclaré les organisateurs de la manifestation dans un communiqué.
Tel Aviv from the sky pic.twitter.com/SMCaUFXO7A
— Noga Tarnopolsky נגה טרנופולסקי نوغا ترنوبولسكي???? (@NTarnopolsky) April 8, 2023
Dans un communiqué publié samedi, la police avait signalé que des milliers d’agents seraient déployés lors des manifestations et avait exhorté les manifestants à ne pas bloquer les routes, à ne pas troubler l’ordre public et à ne pas interférer avec les policiers qui tentent de faire leur travail. La police avait également appelé le public à signaler toute chose suspecte.
Alors que les Juifs israéliens célèbrent en ce moment la fête de Pessah, les manifestants ont brandi des banderoles représentant le Premier ministre Benjamin Netanyahu sous les traits d’un pharaon égyptien. Sur certaines affiches, on pouvait lire : « Laisse partir mon peuple », en référence à l’appel de Moïse au pharaon pour qu’il permette aux esclaves israélites de quitter l’Égypte.
Depuis le rassemblement de Tel Aviv, l’ancien ministre de la Défense Moshe Yaalon a exhorté les dirigeants de l’opposition : « N’essayez pas de sauver Netanyahu avec un ‘compromis’ pourri qui nuira à la démocratie, au nom d’une fausse responsabilité. »
De nombreux membres de l’opposition soupçonnent en effet le gouvernement de manquer de sincérité dans les négociations. « L’accusé [Benjamin Netanyahu] a été averti des milliers de fois que son complot obsessionnel, visant à transformer Israël en dictature, a constitué un danger immédiat et existentiel pour la sécurité d’Israël », a déclaré Yaalon, faisant référence au procès en cours de Netanyahu pour corruption.
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« Regardez l’armée misérable du président russe Vladimir Poutine et vous comprendrez – c’est à cela que ressemble une armée dans une dictature sans rapports honnêtes, sans code », a-t-il ajouté.
« La dictature nuit à l’alliance stratégique avec les États-Unis, nos ennemis nous observent et la dissuasion s’érode », a-t-il déclaré, qualifiant les échecs du gouvernement de « mille fois plus graves que l’échec de la terrible guerre de Yom Kippour ».
« La démocratie gagnera. Israël ne deviendra pas une dictature », a-t-il ajouté.
כך התקבלה נשיאת בית המשפט העליון, השופטת אסתר חיות בחגיגות 75 שנה לגבעטרון בהופעה עם ירדנה ארזי הערב בהיכל התרבות בתל אביב pic.twitter.com/tzDkBQpr2m
— Ran Boker רן בוקר (@ranboker) April 8, 2023
Près du rassemblement de Tel Aviv, la présidente de la Cour suprême Esther Hayut, a été applaudie à tout rompre lors d’un concert marquant les 75 ans du groupe de chanteurs folkloriques Gevatron à l’auditorium Charles Bronfman (Heichal Hatarbut).
Il y a trois mois, dans un discours historique, Hayut avait dénoncé le projet de la coalition Netanyahu visant à « écraser », selon elle, le système judiciaire israélien, affirmant qu’il porterait un « coup fatal » à l’identité démocratique d’Israël.
בצל ההסלמה הביטחונית נמשכת גם היום המחאה נגד ההפיכה המשטרית. ישנם מספר מוקדי מחאה שהחליטו לצאת היום לפגרת חג, אך המוקד בתל אביב פועל כרגיל וצעדת ארגוני השטח יצאה מהבימה לכיוון צומת קפלן. עדכונים כמו בכל 14 השבועות האחרונים כאן וב- @Haaretz pic.twitter.com/qlt6DuyZpP
— Bar Peleg (@bar_peleg) April 8, 2023
À Herzliya, Tzipi Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères, a insisté auprès du gouvernement sur l’opportunité de cette législation qui sème la discorde, alors que le pays est confronté à plusieurs menaces sécuritaires.
« Si vous pensez vraiment que la sécurité d’Israël exige l’unité, il vous suffit d’annoncer que vous préférez avoir le contrôle sur le terrorisme plutôt que sur les tribunaux », a-t-elle déclaré.
« Le gouvernement est composé de ceux qui pensent qu’être au gouvernement prévaut sur l’égalité, parce que lorsque l’égalité existera, ils devront servir dans l’armée israélienne et combattre le terrorisme comme le reste d’entre nous, et les femmes seront libres et les personnes LGBTQ auront des familles reconnues », a ajouté Livni.
התקווה בהרצליה pic.twitter.com/K1Kkoehrpo
— ציפי לבני Tzipi Livni (@Tzipi_Livni) April 8, 2023
À Haïfa, les manifestants ont été rejoints par Amos Malka, ancien chef du Directorat des Renseignements militaires de Tsahal, et Meïr Sheetrit, ancien ministre du Likud.
Sheetrit a déclaré à la foule réunie que le pays était confronté à « un danger clair et présent de tentative d’élimination de la démocratie ».
« Pendant de nombreuses années, la Knesset a servi de tampon au gouvernement », a affirmé Sheetrit, faisant référence au système monocaméral israélien, dans lequel le gouvernement est choisi par une majorité au sein de l’unique Knesset, qui compte 120 membres.
« La Cour est le seul organe qui subsiste pour protéger les citoyens ordinaires contre la tyrannie du gouvernement, et c’est ce que le gouvernement veut éliminer par le biais de la clause dite ‘dérogatoire' », a-t-il ajouté, en faisant référence au projet controversé qui permettrait à une majorité simple de 61 membres de la Knesset d’invalider une décision de la Haute Cour.
« Qu’est-il arrivé à Bibi ? Qu’est-il arrivé au Likud ? Êtes-vous devenus fous ? J’ai été au Likud pendant 32 ans. Le gouvernement veut renvoyer les personnes LGBTQ dans le placard et faire de notre pays un pays raciste », a-t-il déploré. « Demain, ils pourraient décider que les Arabes ne peuvent plus voter et disqualifier les partis politiques arabes. Demain, ils pourraient décider que nous, les ‘anarchistes’, ne pourrons plus voter. »
Sheetrit a rappelé que 10 des 12 juges de la Cour suprême avaient été choisis sous des gouvernements du Likud, dénonçant les multiples tentatives du gouvernement de dépeindre le pouvoir judiciaire comme n’étant pas représentatif de la droite.
« Ce qu’ils vous disent à propos de la Cour est un mensonge. J’ai honte du silence penaud des membres du Likud », a-t-il déclaré.
À Tel Aviv, un groupe de manifestants a mimé les forces de la garde nationale proposée par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, répétant une manifestation similaire qui s’était déroulée la semaine dernière. Les critiques ont affirmé que cette force pourrait s’apparenter à une milice privée du ministre.
הערב בקפלן: מייצג "פלוגות הזעם של הרודן", כרמיזה למשמר הלאומי שהממשלה אישרה השבוע להקים תחת משרדו של השר לביטחון לאומי איתמר בן גביר. pic.twitter.com/z4V4V1JU27
— אדם קוטב | adam kutub (@adam_kutub) April 8, 2023
À Rehovot, les manifestants ont organisé une « marche silencieuse » en mémoire aux personnes tuées vendredi.
Malgré la nature plus calme des rassemblements de samedi soir, le site d’information Walla a rapporté qu’un groupe s’est approché des manifestants en voiture et a versé de l’eau sur eux à la jonction de Beit Hashita, dans le nord d’Israël. La police a arrêté quatre suspects qui avaient tenté de s’enfuir, selon Walla.
Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a déclaré dans une publication sur Facebook samedi que 100 jours après la prestation de serment du gouvernement actuel, « nous traversons la plus grande crise nationale de notre histoire ».
« Israël est un pays meurtri, endolori et confus », a-t-il écrit, notant l’actuelle flambée meurtrière sur plusieurs fronts et l’aggravation de la situation économique, et critiquant le limogeage du ministre de la Défense par Netanyahu – qui n’a finalement pas été mis à exécution à ce jour – ainsi que la conduite de Ben Gvir et du ministre des Finances, Bezalel Smotrich.
« Plus que tout, la société est en train de s’effondrer. La coalition menace d’annuler les fondements démocratiques de l’État dans le cadre d’un processus précipité et destructeur qui conférerait au gouvernement un pouvoir illimité », a ajouté Lapid, affirmant que Netanyahu « a perdu le contrôle ». Lapid a aussi salué les manifestants.
« Il n’y a jamais eu d’implosion aussi rapide. En 100 jours, le gouvernement a mené un processus de destruction interne comme nous n’en avons jamais vu », a-t-il conclu.

Cette flambée de violence régionale survient alors que les tensions se sont accrues ces derniers jours suite à l’incursion de la police israélienne dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, sur le mont du Temple, pour réprimer de violentes émeutes ; jeudi, des terroristes palestiniens du Hamas ont tiré des salves de roquettes sur Israël depuis Gaza et le Liban, selon les autorités. Israël a réagi en menant plusieurs frappes aériennes contre des positions du groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza et en frappant l’infrastructure du groupe située dans le sud du Liban, où il est présent dans les nombreux camps de réfugiés palestiniens.
Plusieurs autres attaques ont également eu lieu en Cisjordanie : trois soldats ont été blessés dans un attentat à la voiture piégée samedi dernier, et deux autres soldats ont été blessés dans des fusillades distinctes mercredi et jeudi.
Netanyahu a déclaré qu’Israël devait éviter d’être entraîné dans des confrontations et des conflits à plus grande échelle et présenter un front uni, selon un reportage diffusé vendredi par la Douzième chaîne.
Les manifestations n’ont montré aucun signe d’apaisement depuis que Netanyahu a suspendu la refonte judiciaire.
Samedi dernier, des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour demander à la coalition de mettre fin plutôt que de suspendre les projets de loi, qui visent à affaiblir les tribunaux et à politiser la nomination des juges.