Pour la première fois au kibboutz Nir Oz, Smotrich évoque « responsabilité et culpabilité »
Le ministre des Finances a rencontré d'anciens otages et des proches e ceux qui sont encore en captivité lors d'une visite de la communauté détruite ; un ancien rabbin du Gush Katif l'exhorte à parler en faveur des otages
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, s’est rendu mardi au kibboutz Nir Oz, l’une des communautés israéliennes les plus touchées par l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, et s’est entretenu avec des familles d’otages et d’ex-otages, ont indiqué le cabinet du ministre et le kibboutz Nir Oz dans un communiqué commun.
Il s’agit de la première visite de Smotrich à Nir Oz, plus de 13 mois après les faits, lorsque que des terroristes palestiniens ont semé la désolation en tuant ou kidnappant 117 de ses 400 habitants. Il reste à ce jour 29 otages de Nir Oz à Gaza. Seules sept des 220 maisons de la communauté frontalière ont été épargnées par les violences du 7 octobre.
Après avoir visité des maisons incendiées et détruites, à l’intérieur desquelles ont été commises des atrocités ce jour-là, il a écouté d’anciens otages et des proches des otages – leurs inquiétudes et leurs reproches.
Smotrich a notamment rencontré Sharon Aloni Cunio, qui a été libérée de captivité à Gaza en novembre dernier, avec ses filles jumelles Yuli et Emma, alors âgées de trois ans. Son mari, leur père, David Cunio, est toujours à Gaza.
Debout dans les restes calcinés de ce qui avait été la maison de sa famille, Aloni Cunio a demandé à Smotrich de se mettre à sa place.
« J’ai des enfants qui sont actuellement orphelins de père », a-t-elle déclaré.
« Pensez un instant à David. Nous sommes à deux kilomètres de Gaza, c’est tout, c’est à sept minutes en voiture ».
« Imaginez qu’il soit si près d’ici et que nous ne puissions rien y faire », a-t-elle ajouté, la voix brisée. « Imaginez qu’il soit en train de pourrir là-bas. J’ai des filles qui me demandent si leur père est déjà mort, et je ne sais même pas comment leur répondre. »
Smotrich a également passé du temps avec Sigal Yehud, dont le mari, Dolev, a été assassiné par des terroristes du Hamas à l’intérieur du kibboutz. Pendant huit mois, on a cru qu’il était détenu à Gaza, jusqu’à ce qu’en juin de cette année, ses restes soient découverts en territoire israélien.
La sœur de Dolev, Arbel Yehud, serait toujours captive à Gaza, ainsi que son compagnon Ariel Cunio, le frère de David Cunio.
Yahi Yehud, le père de Dolev et Arbel, a également pris part à la réunion.
Au cours de la conversation, Sigal a fait part à Smotrich des difficultés qu’elle a dû surmonter en tant que veuve et mère de jeunes enfants.
» Les combats mentaux sont très durs », a-t-elle déclaré. « Surtout avec quatre jeunes enfants. J’ai dû m’occuper d’eux et j’ai maintenant besoin d’aide et de quelqu’un qui s’occupe de moi », a-t-elle déclaré.
Il a également rencontré Arnon Lifshitz. Sa mère, Yocheved, a été libérée de Gaza par le Hamas le 23 octobre 2023, tandis que son père, Oded, est toujours en captivité.
Smotrich a ensuite visité le kibboutz détruit et s’est arrêté devant la maison de la famille Bibas, dont tous les membres – Yarden, Shiri et leurs deux enfants, Ariel, aujourd’hui âgé de 5 ans, et Kfir, âgé de 21 mois – sont captifs à Gaza.
Là-bas, Smotrich s’est entretenu avec le rabbin Reuben Netanel, qui l’a exhorté à porter le combat des familles otages devant le Premier ministre Netanyahu.
Netanel, un rabbin sioniste religieux qui a été rabbin de Kerem Atzmona dans les implantations du Gush Katif avant le retrait israélien de la bande de Gaza en 2005, est devenu un habitué des manifestations organisées par les communautés frontalières de Gaza au cours de l’année écoulée, a rapporté la chaîne N12.
« Si la famille Bibas, si ces enfants ne reviennent pas, pour une raison ou une autre, ce sera un coup dur pour le moral, pour l’unité, ce sera un événement de premier ordre pour la sécurité nationale », a déclaré le rabbin Netanel à Smotrich. » Nous savons que vous avez le soutien du Premier ministre, que vous êtes en position de force et que vos paroles sont entendues ».
Il a ajouté que le prix à payer par Israël pour le retour des otages serait élevé, mais qu’il fallait le faire car si les otages ne revenaient pas, « la société israélienne en souffrirait ».
Smotrich, ainsi que son collègue ministre d’extrême droite Itamar Ben Gvir, sont largement considérés comme les principaux opposants au sein du gouvernement à un accord visant à libérer les otages en échange de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité et d’un arrêt de la guerre.
A la fin de sa visite, Smotrich s’est entretenu avec les autorités de Nir Oz et a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter la reconstruction de la communauté. Il a admis pour la première fois ressentir de la culpabilité et un sentiment de responsabilité autour de l’incapacité du gouvernement à ne pas avoir réussi à empêcher le massacre.
« Je vous remercie de m’avoir ouvert vos portes et vos cœurs, cela n’allait pas forcément de soi », a-t-il dit. « Cela n’a rien d’anodin et je ne suis pas sûr qu’à votre place, j’aurais pu inviter, accueillir et regarder dans les yeux quelqu’un qui fait partie des responsables de cet effroyable fiasco. »
« A titre personnel, cela fait un an que je vis avec, que je me couche avec et que je me lève avec, le lendemain matin », a-t-il poursuivi. « C’est une autre expérience que la vôtre, mais [je vis] avec ce sentiment de responsabilité et de culpabilité, et surtout avec le désir de réparer ce qui peut l’être. »
Le ministre extrémiste, qui a été pris à partie par de nombreux proches d’otages en raison de son opposition à la plupart des projets d’accord pour faire libérer les otages, a rendu hommage aux membres des kibboutzim israéliens et à leur « noble » détermination à reconstruire leur communauté et revenir y vivre.
« Nous sommes bien déterminés à faire revenir les otages », a déclaré Smotrich, mais ne s’est pas engagée à donner la priorité à leur retour au prix de la fin de la guerre à Gaza dans le cadre d’un accord. « Au moment de vérité, je prie pour avoir le courage de peser les choses très proprement et honnêtement, sans préjugés ni idées préconçues. C’est le seul engagement que je puisse prendre envers vous. »
Smotrich avait déjà reconnu sa responsabilité du fait de ne pas avoir pu empêcher les attaques, que ce soit au moment des événements ou après, mais c’est la première fois qu’il parle de culpabilité.
En juin dernier, il avait même déclaré sur l’antenne de la chaîne publique Kan : « Le massacre n’a rien à voir avec moi, je ne suis pas coupable », imputant cet échec aux seuls militaires et services de renseignement.
La visite de Smotrich au kibboutz a eu lieu après que ses membres ont voté à une écrasante majorité, lundi, en faveur de la reconstruction de leur communauté, qualifiant cette décision de « véritable victoire ».
Ils avaient exhorté l’État à financer une construction généreuse et à grande échelle, tout en continuant à soutenir ceux qui ont choisi de ne pas revenir, en raison de tout ce qu’ils ont enduré.
De nombreux membres de Nir Oz se sont montrés très critiques à l’égard du gouvernement tout au long de la guerre. Les habitants n’ont pas participé à une deuxième cérémonie organisée par l’État à la mémoire des victimes des massacres du Hamas, qui s’est tenue le mois dernier à proximité de la date hébraïque des massacres du Hamas. Cette deuxième cérémonie controversée s’est déroulée après d’événements qui ont eu lieu le 7 octobre.
Le kibboutz a déclaré à l’époque que le Premier ministre Netanyahu n’avait pas répondu à une invitation à visiter la communauté.