Israël en guerre - Jour 474

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Interview

Un expert du Mossad révèle le réseau financier global de l’Iran pour contourner les sanctions

Udi Levy, ancien chef de la division financière de l'agence d'espionnage, affirme que pour affaiblir Téhéran, les partenaires d'Israël doivent - vraiment - cibler son infrastructure financière

Le président iranien Hassan Rouhani inaugure la phase finale d'une usine d'une nouvelle usine de raffinerie dans la ville de Bandar Abbas, en Iran, le 18 février 2019. (Photo du site internet officiel).
Le président iranien Hassan Rouhani inaugure la phase finale d'une usine d'une nouvelle usine de raffinerie dans la ville de Bandar Abbas, en Iran, le 18 février 2019. (Photo du site internet officiel).

En 2016, Udi Levy a quitté son poste de chef de l’unité de guerre économique du Mossad, après une carrière de 35 ans dans le renseignement israélien. Pendant des dizaines d’années, il a étudié les mouvements de capitaux qui assurent la survie des groupes terroristes et des régimes hostiles à Israël, en particulier le Hamas, le Hezbollah et l’Iran.

Dans une interview accordée au Times of Israel, il a déclaré que le pays devrait profiter de la coalition qui s’est formée pour repousser la récente attaque directe de Téhéran contre Israël afin de mettre un terme aux transactions financières internationales qui font vivre la République islamique et lui permettent de contourner les sanctions américaines et internationales.

Dans la nuit du 13 au 14 avril, l’Iran a lancé, depuis son territoire, des centaines de missiles balistiques et de croisière ainsi que des centaines de drones sur Israël dans une attaque sans précédent, en réponse à une frappe israélienne présumée en Syrie qui aurait tué des généraux du Corps des gardiens de la révolution (CGRI).

Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Jordanie et la France ont joué un rôle actif dans l’interception des drones à destination d’Israël, tandis que des pays arabes, dont l’Arabie saoudite, auraient transmis des informations sur les projets iraniens, et que d’autres y auraient même activement participé. La grande majorité des projectiles ont été interceptés avant d’atteindre Israël.

« Cette nuit-là, le Moyen-Orient et le monde ont été les témoins d’un événement sans précédent. Nous avons une nouvelle coalition qui comprend l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, la Jordanie, Israël, les États-Unis, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni », a expliqué Levy. « Ce sont exactement les acteurs dont nous avons besoin pour obtenir un résultat stratégique contre l’Iran, non seulement pour le punir, mais aussi pour changer la donne au Moyen-Orient au moyen d’une guerre économique ».

Selon les médias étrangers, Israël aurait mené une frappe de représailles sur le territoire iranien le 19 avril, au cours de laquelle un système radar assurant la couverture défensive de l’installation souterraine d’enrichissement nucléaire de Natanz a été touché. L’attaque semble avoir été avant tout symbolique, conçue pour envoyer un message tout en évitant une escalade, et en même temps assurer le maintien de l’alliance nouvellement formée avec les partenaires occidentaux et régionaux.

Le système de défense anti-missile « Dôme de fer » interceptant des missiles tirés par l’Iran, dans le centre d’Israël, le 14 avril 2024. (Crédit : Tomer Neuberg/AP)

Levy a soutenu que les membres de la coalition anti-Iran devraient aujourd’hui reconnaître la retenue d’Israël, et coopérer activement avec l’État juif « pour démanteler le réseau que l’Iran a construit pour financer le terrorisme dans tout le Moyen-Orient. »

« La balle est dans leur camp », a-t-il ajouté.

L’idée de mener une guerre économique contre Téhéran n’est bien sûr pas nouvelle. La République islamique est soumise à des sanctions américaines et internationales depuis la révolution islamique de 1979, interrompues seulement de 1981 à 1987, et qui ont été renforcées en réponse au lancement du programme nucléaire de Téhéran dans les années 2000.

Jeudi, le Parlement européen a appelé à l’extension des sanctions contre la République islamique pour son rôle déstabilisateur au Moyen-Orient, une décision saluée par le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz.

Levy a toutefois préconisé un autre type de guerre économique, qui n’affecterait pas la vie des civils iraniens et mettrait fin aux transferts financiers qui permettent au CGRI de financer des groupes mandataires au Moyen-Orient, tels que le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Syrie et en Irak, le Hamas et le Jihad islamique palestinien à Gaza, ainsi que les Houthis au Yémen.

Les membres du Parlement européen assistant à la dernière session avant les prochaines élections européennes, au Parlement européen, à Strasbourg, dans l’est de la France, le 25 avril 2024. (Crédit : Jean-Francois Badias/AP)

« Pendant de nombreuses années, sous la coordination de Qassem Soleimani, les Iraniens ont mis en place une infrastructure inouïe qui leur a permis de contourner les sanctions et de transférer de l’argent dans le monde entier pour continuer à financer toutes les infrastructures terroristes au Moyen-Orient, ainsi que leur projet nucléaire », a expliqué M. Levy.

Udi Levy, ancien chef de l’unité de guerre économique du Mossad jusqu’en 2016, avril 2024 (Crédit : Autorisation)

Selon le spécialiste du Mossad, ces sanctions contre l’Iran ont été largement inefficaces car elles sont restées au niveau déclaratif et n’ont souvent pas été appliquées.

« De nombreux pays estimaient que les sanctions imposées par les États-Unis étaient motivées par des considérations politiques », a-t-il expliqué.

« De leur côté, les pays européens se sont sentis sous pression [en raison de leurs liens commerciaux avec l’Iran], voire, punis, alors que les États-Unis n’ont imposé aucune sanction à d’autres pays où ils ont des intérêts, comme le Qatar », a ajouté Levy.

Téhéran est apparemment devenu de plus en plus habile à contourner les sanctions imposées à ses exportations de pétrole, sa principale source de revenus.

Lors d’une audience devant le Congrès américain en décembre, Claire Jungman, cheffe de cabinet de United Against Nuclear Iran (UANI), a révélé que Téhéran avait quadruplé ses revenus pétroliers depuis 2020, et que « du fait du relâchement du contrôle de l’application des sanctions, l’Iran a accumulé plus de 80 milliards de dollars de revenus pétroliers depuis 2021 ».

Jungman a souligné que la Chine était le plus grand acheteur de pétrole iranien illicite, représentant 72 % du total. Le pétrole est principalement exporté par l’intermédiaire d’une « flotte fantôme » composée de navires que l’Iran rend intraçables.

L’UANI, un groupe d’anciens diplomates américains, de responsables de la sécurité, d’universitaires et de professionnels dont l’objectif est d’accroître la pression internationale sur Téhéran, estime que la flotte fantôme est composée d’environ 300 pétroliers appartenant à des intérêts étrangers et battant pavillon étranger pour transporter le pétrole du pays.

La Chine, qui représente 20 % du volume du commerce extérieur de l’Iran, ce qui en fait le principal partenaire d’exportation de Téhéran, semble jouer un rôle de premier plan en aidant et en encourageant la République islamique à contourner les sanctions, et pas seulement en lui achetant son pétrole.

Les organismes d’opposition iraniens ont exposé les contrats de télécommunications lucratifs conclus entre Téhéran et Pékin, et le projet Wikiran a recueilli et publié des centaines de milliers de documents provenant d’agences gouvernementales et d’industries iraniennes, révélant ainsi le réseau de transfert d’argent mis en place par la République islamique.

« Wikiran a révélé toute l’infrastructure – comment les Iraniens transfèrent de l’argent de la banque centrale à des changes en Iran, et de là à des sociétés de couverture en Chine, à Hong Kong et ailleurs. Ils ouvrent des comptes bancaires en Chine et transfèrent ensuite l’argent de là, notamment vers les Émirats », a expliqué Levy, qui estime qu’environ 80 % de l’argent de Téhéran passe par ce pays du Golfe, l’une des principales plaques tournantes financières du monde.

« Nous avons les numéros des comptes bancaires, les noms des sociétés, les noms des personnes, nous avons tout », a-t-il ajouté.

Des automobilistes passent devant un panneau d’affichage montrant des missiles balistiques iraniens, avec un texte en arabe disant « la promesse [de la personne] honnête » et en persan « Israël est plus faible qu’une toile d’araignée », sur la place Valiasr dans le centre de Téhéran, le 15 avril 2024. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)
« Et tout cela se passe avec la pleine coopération du système bancaire des pays occidentaux, et même des États-Unis. L’argent est transféré et utilisé librement, sans aucune entrave », a-t-il poursuivi. « Nous avons aujourd’hui une opportunité d’agir ensemble. »

« Les partenaires d’Israël doivent geler les avoirs, les confisquer et fermer les entreprises. Ce ne serait pas une simple mesure tactique, mais une mesure stratégique. Les Iraniens n’ont pas d’autres infrastructures. Il leur faudrait des années pour la reconstruire. Ce serait un désastre pour eux », a prédit Levy.

Le réseau financier secret de l’Iran est un secret de polichinelle depuis des années, a ajouté Levy. Selon des articles récents, des sommes importantes auraient également été acheminées par l’intermédiaire d’institutions financières occidentales.

En février, le Financial Times rapportait que deux grandes banques britanniques, Lloyds’ et Santander UK, avaient ouvert des comptes pour des sociétés écrans britanniques appartenant secrètement à la PCC (Petrochemical Commercial Company), une société d’État iranienne que les États-Unis accusent de collecter des centaines de millions de dollars pour le compte du Corps des gardiens de la révolution islamique.

Un panache de fumée sombre s’élève d’une grande raffinerie de pétrole au sud de Téhéran, en Iran, le 3 juin 2021. (Crédit : Ebrahim Noroozi/AP)

PCC et sa filiale britannique PCC UK sont toutes deux soumises à des sanctions américaines depuis novembre 2018, a souligné le quotidien.

Dans le même article, le Financial Times indiquait que la PCC utilisait des sociétés basées au Royaume-Uni pour recevoir de l’argent de sociétés écrans en Chine, dont la propriété iranienne était dissimulée de diverses manières.

Le fait même qu’une société appartenant à la République islamique ait pu opérer librement à Londres, au cœur du système financier mondial, dépasse Levy, lequel a affirmé que la PCC faisait partie du CGRI.

Le CGRI est considéré comme une organisation terroriste aux États-Unis, mais pas au Royaume-Uni ni dans l’Union européenne.

« Il est inconcevable qu’une société faisant l’objet de sanctions puisse avoir une succursale au Royaume-Uni et qu’elle puisse opérer librement », a affirmé Levy. « Sans que personne, je répète, personne, ne fasse quoi que ce soit ».

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