Un panel vote la destitution d’Ayman Odeh, ouvrant la voie à son renvoi de la Knesset
90 des 120 députés devront désormais voter cette motion ; le chef de l'alliance radicale Hadash-Taal fustige l'opposition pour avoir rejoint le "gouvernement kahaniste"

Les membres de la commission de la Chambre de la Knesset se sont prononcés lundi à une écrasante majorité en faveur de la destitution du député Ayman Odeh, ce que le chef de l’alliance radicale Hadash-Taal, à majorité arabe, a dénoncé comme une tentative de réduire au silence les Arabes israéliens.
Après deux jours de débats animés, les députés, y compris les représentants des partis d’opposition Yesh Atid et HaMahane HaMamlahti, ont voté à 14 voix contre 2 en faveur de la destitution. La question sera désormais renvoyée devant l’assemblée plénière de la Knesset, où 90 députés devront voter en faveur de la destitution d’Odeh pour qu’il soit exclu du Parlement.
La question soulevée lors des audiences de destitution concernait une déclaration d’Odeh faite plus tôt cette année, dans laquelle il semblait assimiler les otages israéliens détenus à Gaza par des terroristes aux prisonniers palestiniens détenus en Israël pour des raisons de sécurité.
Le 19 janvier, le député arabe a suscité l’indignation des parlementaires de tous bords politiques lorsqu’il a publié sur le réseau social X qu’il était « heureux de la libération des otages et des prisonniers » dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu à Gaza entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Odeh a ensuite tenté de défendre sa formulation en précisant que les prisonniers palestiniens libérés étaient des mineurs et en insistant sur le fait que « la plupart des prisonniers libérés ce jour-là n’avaient été inculpés d’aucun chef d’accusation ».
Bien qu’aucun des prisonniers libérés – dans le cadre de l’accord d’échanges otages/prisonniers n’ait été inculpé de meurtre, plusieurs d’entre eux étaient impliqués dans des attentats terroristes manqués, notamment Mahmoud Aliowat, âgé de 15 ans. Aliowat a été reconnu coupable d’avoir commis une fusillade dans le quartier de la Cité de David à Jérusalem, blessant deux personnes alors qu’il n’avait que 13 ans.

En réaction, le député Avichaï Boaron (Likud) a commencé au début du mois à recueillir les signatures de députés afin de lancer la procédure de destitution, arguant que « quiconque poignarde dans le dos les soldats de l’armée israélienne et l’État d’Israël ne peut être membre de la Knesset ».
S’adressant à des dizaines de protestataires de gauche qui manifestaient contre sa destitution devant la Knesset avant le vote, Odeh a affirmé que l’initiative de Boaron s’inscrivait dans une stratégie plus large visant à réduire au silence les Arabes israéliens.
« Sous le couvert de cette guerre, ils veulent nous faire reculer, porter atteinte à la liberté d’expression que nous avons mis tant d’années à conquérir », a-t-il asséné, tandis que les manifestants brandissaient d’énormes drapeaux rouges arborant le marteau et la faucille communistes, ainsi que des pancartes en hébreu et en arabe exprimant leur soutien.
« Il tirerait une balle dans la tête à chacun d’entre nous »
Selon la Loi fondamentale : La Knesset, 90 membres de la Knesset peuvent voter pour expulser un collègue qui a exprimé son soutien à « une lutte armée » contre l’État d’Israël. Une fois 70 signatures recueillies, la question est renvoyée à la commission de la Chambre – où s’est tenue l’audience de mardi. Si elle y est approuvée, elle est soumise à l’assemblée plénière pour un vote de destitution.
Alors que le vote portera sur la question de savoir si le message publié sur X par Odeh concernant les prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël constituait un soutien au terrorisme, les parlementaires ont présenté plusieurs déclarations supplémentaires à l’appui de leur affirmation selon laquelle Odeh est pro-terroriste, notamment sa récente déclaration selon laquelle « Gaza a gagné et Gaza va continuer de gagner ».
« S’il n’en tenait qu’à lui, il nous tirerait tous une balle dans la tête. Dans son subconscient, il veut tous nous éliminer ici », a déclaré le député Osher Shekalim (Likud) devant la commission.
« La motion de destitution d’Odeh ne relève pas de la politique, mais de la morale. Rien ne justifie qu’une personne qui soutient des terroristes et qui s’est réjouie de leur libération puisse siéger à la Knesset », a déclaré la députée Limor Son Har-Melech (Otzma Yehudit), ajoutant qu’il existait « un large consensus sur cette question ».

Une tentative similaire visant à destituer le seul député juif de de l’alliance radicale Hadash-Taal, Ofer Cassif, avait échoué lors de la session plénière de la Knesset en février 2024 en raison d’un soutien insuffisant de l’opposition. Cette fois-ci, les représentants de l’opposition au sein de la commission se sont montrés très favorables à la motion : le député Simon Davidson (Yesh Atid) et la députée Pnina Tamano-Shata (HaMahane HaMamlahti) ont voté en faveur de la destitution.
« L’incitation au racisme est l’un des motifs pouvant entraîner la destitution d’un député, et je vous le dis, l’antisémitisme est une forme de racisme. Quiconque crie ‘Gaza vaincra’ pendant une guerre ne mérite pas de siéger à la Knesset », a déclaré Tamano-Shata devant la commission.
Odeh devrait « décider s’il est Gazaouï ou Israélien », a-t-elle ajouté.
Interrogé sur la question de savoir si son parti voterait également en faveur de cette initiative lors de la séance plénière, le chef de l’opposition Yaïr Lapid, chef du parti Yesh Atid, a déclaré lundi aux journalistes que « quiconque tient de tels propos ne devrait pas être siéger à la Knesset ».

Pour sa part, le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a exprimé son malaise face à l’idée que les membres de la Knesset votent l’expulsion d’un collègue parlementaire, tout en condamnant la rhétorique d’Odeh.
« Nous organiserons au préalable un débat entre les membres et déciderons de la marche à suivre », a-t-il déclaré aux journalistes.
En réponse aux votes de Davidson et de Tamano-Shata, Odeh a accusé l’opposition de « détruire l’espace démocratique » en collaboration avec le « gouvernement kahaniste », déclarant que « certains d’entre eux nous haïssent plus qu’ils n’aiment la démocratie ».
« Ils veulent soumettre le système judiciaire, faire taire les voix critiques et transformer Israël en une dictature messianique. Aujourd’hui, c’est moi, demain, ce sera vous. Quiconque osera s’opposer sera le prochain sur la liste », a ajouté Odeh, appelant les dirigeants de l’opposition à la Knesset à « se réveiller ».
Le député Cassif a exprimé son approbation. Il a écrit sur X que l’audience de lundi était un « procès-spectacle honteux et grotesque, un lynchage politique [au cours duquel] les membres de la Knesset se sont disputés pour savoir qui pouvait crier le plus fort, inciter le plus, fulminer le plus, attaquer le plus, agir de manière la plus brutale et calomnier le plus ».
« Il ne fait aucun doute que la décision de révoquer le député Odeh constitue une nouvelle étape dans la montée du fascisme en Israël, qui touchera également les éléments de l’opposition qui se sont joints à la coalition sanguinaire pour soutenir cette persécution et cette destitution », a-t-il ajouté.
Hadash-Ta'al MK Ofer Cassif is forcibly removed from the Knesset House Committee following a verbal confrontation with a bereaved father who slams the parliament's Arab parties during today's hearing on the impeachment of Hadash-Ta'al chief Ayman Odeh. The chair calls a recess pic.twitter.com/mdiS4TM5Ux
— Sam Sokol (@SamuelSokol) June 30, 2025
Cassif a été expulsé deux fois de l’audience et le député Waleed Taha, membre du parti arabe Raam, a été expulsé une fois. Taha a failli être expulsé une deuxième fois après que les membres de la commission se sont opposés à ce qu’il s’exprime en arabe.
Les députés de la coalition qui avaient interrompu à plusieurs reprises leurs homologues arabes n’ont pas été expulsés.
Un défi de taille
Si « l’indignation publique et les critiques à l’encontre de la déclaration du député Odeh sont compréhensibles », cela ne signifie pas nécessairement qu’il ait enfreint la loi, a déclaré Sagit Afik, la conseillère juridique de la Knesset, à l’attention des parlementaires.
Selon la loi, « il doit exister un cas évident dans lequel il existe un ensemble important de preuves claires, sans équivoque et convaincantes démontrant que le soutien à la lutte armée est une caractéristique dominante dans le cadre des aspirations du candidat », a-t-elle expliqué, arguant « que cette déclaration ne répond pas de manière certaine au critère du soutien à la lutte armée par un groupe terroriste ».
De même, l’adjointe de la procureure générale, Avital Sompolinsky, a fait valoir que, bien que la déclaration d’Odeh puisse être « scandaleuse », elle « ne répond pas aux critères requis ».

Notant qu’Odeh avait déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas, Yaïr Golan, le chef du parti Les Démocrates, a accusé les partisans de la destitution de se livrer à de la « pure propagande ».
« Sa destitution est une nouvelle victoire du gouvernement nationaliste radical sur un Israël sûr et démocratique. Ce matin, c’est Ayman. Cet après-midi, ce sera la chaîne publique. Demain, ce sera la procureure générale [Gali Baharav-Miara]. Après-demain, ce sera vous. Réveillez-vous », a-t-il écrit sur X.