Israël en guerre - Jour 645

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Analyse

Les pays indignés par la guerre à Gaza pourraient-ils fermer leur espace aérien aux avions israéliens ?

Israël pourrait faire face à un isolement accru, alors que même ses alliés occidentaux menacent de prendre des mesures si la guerre contre le Hamas et la crise humanitaire ne cessent pas

Un avion d'El Al, à l'aéroport Ben Gurion, le 7 mai 2025. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)
Un avion d'El Al, à l'aéroport Ben Gurion, le 7 mai 2025. (Crédit : Nati Shohat/Flash90)

Certains craignent que la crise aérienne que traverse Israël, au cours du conflit qui déchire actuellement Gaza, ne reste pas un simple problème de transport et de tourisme. Ils craignent qu’elle ne devienne une grave préoccupation économique et politique et qu’elle entraîne un isolement accru, si les pays venaient à mettre à exécution leurs menaces de sanctions contre la guerre menée par Israël contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza.

De nombreuses compagnies aériennes étrangères ont prolongé la suspension de leurs vols à destination de Tel Aviv en raison de la situation sécuritaire qui a suivi une frappe de missile des Houthis – le projectile a ainsi récemment touché une zone à proximité de l’aéroport Ben Gurion, plaçant en conséquence Israël dans un état de grande dépendance vis-à-vis de ses propres transporteurs.

Mais certains craignent que ces relations ne soient également menacées, alors que les principaux alliés occidentaux de l’Europe réévaluent leurs relations commerciales bilatérales avec Israël, dans un contexte de critiques virulentes à l’encontre de sa conduite de la guerre à Gaza.

Le soutien déclinant des dirigeants européens à l’égard d’Israël soulève des questions concernant la menace de nouvelles mesures punitives qui seraient susceptibles d’affecter les accords bilatéraux clés du pays, tels que les accords de libre survol – ou « Ciel ouvert » – conclus par Israël, des accords qui permettent aux compagnies aériennes israéliennes de relier les voyageurs locaux au reste du monde à des prix plus compétitifs et sans restrictions.

En 2022, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les pays européens avaient interdit à tous les avions enregistrés en Russie de survoler leur espace aérien. En réponse, la Russie avait fermé son propre espace aérien aux compagnies relevant des des pays qui avaient annoncé des interdictions.

« Israël se trouve actuellement dans une situation très difficile en Europe. Et la grande question est de savoir s’il y aura une avalanche de réactions accompagnées de menaces de sanctions et autres, et dans quelle mesure la situation pourrait encore se détériorer », explique le Pr. Yossi Shain, ancien député et actuel directeur de la faculté des Sciences politiques, du gouvernement et des Affaires internationales de l’Université de Tel Aviv.

Pr. Yossi Shain, directeur de la faculté des Sciences politiques, du gouvernement et des Affaires internationales de l’Université de Tel Aviv. (Crédit : Université de Tel Aviv)

« En Europe, les propos à l’égard d’Israël sont très hostiles et très virulents, mais cela se traduira-t-il par des sanctions qui interdiront les compagnies aériennes israéliennes ? J’espère que non, mais on ne sait jamais. Cela dépendra en grande partie de la situation à Gaza et de l’éventualité d’un fiasco plus grave que celui que nous connaissons actuellement », confie Shain au Times of Israel.

« Une telle décision reviendrait à définir Israël comme un État paria et à isoler le pays de la manière la plus radicale qui soit, car il s’agirait d’une déclaration ou d’une politique sans précédent à l’égard d’Israël », ajoute-t-il.

Gali Ingber, directrice des études financières au College of Management Academic Studies de Rishon Lezion, note que malgré les critiques croissantes à l’égard du comportement du gouvernement israélien dans la bande de Gaza, interdire aux compagnies aériennes israéliennes de survoler l’espace aérien international serait une mesure radicale et peu probable, car elle risquerait de nuire à de nombreux pays qui ont conclu avec Israël des accords commerciaux et de défense importants.

« Nous ne sommes pas dans une situation où les dirigeants européens considèreraient Israël et ses dirigeants comme étant sur un pied d’égalité avec la Russie et son dirigeant, Vladimir Poutine, qui a envahi l’Ukraine », déclare Ingber.

Gali Ingber, responsable des études financières au College of Management Academic Studies. (Crédit : Autorisation)

« Il reste toujours clair qu’Israël a été attaqué le 7 octobre [2023] et que le pays n’avait d’autre choix que de se défendre, qu’il se bat pour ramener les [58] otages qui sont toujours détenus à Gaza. »

L’annulation pure et simple de l’accord de libre survol conclu entre l’Union européenne (UE) et Israël nécessiterait également l’unanimité des 27 États signataires, ce qui est peu probable étant donné qu’Israël bénéficie toujours du soutien de plusieurs pays de l’UE.

Toute mesure pourrait toutefois avoir des conséquences dramatiques pour Israël et pour les compagnies aériennes.

Un boycott de la compagnie aérienne nationale israélienne El Al et des compagnies locales plus modestes, comme Israir et Arkia, porterait un coup dur à leurs revenus et les contraindrait à réduire leurs effectifs et à prendre d’autres mesures drastiques pour réduire leurs coûts, dit Ingber.

« Cela isolerait les Israéliens de l’Europe et d’autres destinations, car de nombreuses compagnies aériennes étrangères n’ont pas repris leurs vols vers Israël pendant la guerre », souligne Ingber.

« Une telle mesure perturberait les chaînes d’approvisionnement, la logistique, la livraison aérienne de technologies et d’équipements médicaux, et elle nuirait aux exportations ainsi qu’à de nombreux autres secteurs de l’économie locale, entraînant notamment une hausse des prix et de l’inflation, pour ne citer que quelques-unes des répercussions catastrophiques. »

Le ministère israélien des Affaires étrangères et la compagnie El Al n’avaient pas répondu à nos demandes de commentaires au moment de la rédaction de cet article. Le ministère des Transports a déclaré n’avoir connaissance d’aucune menace immédiate pesant sur les accords de libre survol d’Israël.

La suspension prolongée des services offerts par la plupart des compagnies aériennes étrangères en raison de la guerre actuelle – une guerre ponctuée d’attaques à la roquette et au drone depuis le Liban, Gaza, le Yémen et l’Irak, ainsi que de deux tirs massifs de missiles depuis l’Iran – a conduit les compagnies aériennes israéliennes, principalement El Al, à opérer en situation de quasi-monopole sur certaines liaisons.

De la fumée s’élevant depuis la zone de l’aéroport Ben Gurion après le tir d’un missile balistique sur Israël depuis le Yémen, le 4 mai 2025 (Crédit : Capture d’écran/Réseaux sociaux ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Tensions dans les relations commerciales

La semaine dernière, le principal partenaire commercial et allié d’Israël, l’UE, a décidé de réévaluer son accord d’association politique et commercial contraignant avec Jérusalem en raison de violations présumées des droits de l’Homme qui auraient été commises dans le cadre de l’offensive israélienne en cours contre le Hamas à Gaza.

L’ambassadeur d’Israël auprès de l’Union européenne, Haïm Regev, a déclaré que les efforts livrés par le ministère des Affaires étrangères en matière de diplomatie avaient permis d’empêcher le bloc des 27 de suspendre le pacte ou de le convaincre de réexaminer ses termes, après que Jérusalem a obtenu le soutien de 10 des 27 États membres de l’UE.

« Nous ne pouvons pas spéculer sur l’issue de la réévaluation avant d’avoir examiné les questions soulevées », a déclaré un responsable de l’UE au Times of Israel.

Mardi, Londres a annoncé la suspension des négociations sur le renforcement de ses relations commerciales avec Jérusalem, ce qui constitue un autre coup dur pour l’économie. Cette décision est intervenue au lendemain d’une déclaration conjointe qui a été faite par le Royaume-Uni aux côtés de la France et du Canada, déclaration dans laquelle les trois pays ont fermement condamné les actions militaires d’Israël à Gaza et le blocage de l’aide humanitaire. Ils ont menacé d’adopter des « mesures concrètes » à l’encontre d’Israël.

L’UE a appelé Israël à mettre fin à son offensive contre le Hamas à Gaza et a exigé la levée des restrictions sur l’entrée de l’aide humanitaire au sein de l’enclave. Après avoir bloqué l’aide humanitaire pendant onze semaines, Israël a autorisé les camions chargés d’assistance à entrer dans la bande de Gaza la semaine dernière, le Premier ministre Benjamin Netanyahu invoquant la pression internationale pour justifier cette décision.

Israël a fait valoir que l’aide humanitaire avait été suffisante pendant le cessez-le-feu de six semaines conclu plus tôt cette année et que le Hamas avait détourné une grande partie de cette aide pour réapprovisionner ses stocks destinés à financer ses activités terroristes. Israël a également déclaré que le blocage était nécessaire pour faire pression sur le groupe terroriste palestinien afin qu’il libère les 57 otages israéliens qu’il détient depuis plus de 600 jours, dont environ un tiers seraient encore en vie, et pour qu’il rende que le corps sans vie d’un soldat tué en 2014.

« L’impact de la suspension des négociations commerciales entre le Royaume-Uni et Israël est difficile à évaluer. Il semble davantage s’agir d’un geste symbolique », selon Joan Ryan, PDG d’ELNET-UK, une organisation à but non lucratif dédiée au renforcement des relations entre l’Europe et Israël.

Des militants de gauche manifestant contre la guerre et la crise humanitaire à Gaza, dans le centre-ville de Jérusalem, le 20 mai 2025. (Crédit : Jamal Awad/Flash90)

« À elle seule, cette mesure n’aura probablement pas d’impact significatif sur les décisions prises par Israël ni sur la capacité du gouvernement britannique à atteindre son objectif déclaré, à savoir mettre fin au conflit à Gaza. »

« Lorsque le gouvernement britannique a annoncé une suspension des négociations commerciales, cette décision a été saluée par le Hamas, et le groupe terroriste accueillerait certainement favorablement la fin de la politique de libre survol. Nous devons veiller à ne pas faire de gestes qui ouvriraient la voie à des mesures plus sévères », indique Ryan, qui souligne que mettre un terme à la politique « Ciel ouvert » serait une « mesure très grave », qu’elle juge toutefois peu probable.

Israël continue certes de bénéficier d’accords de libre survol, mais depuis qu’un missile balistique houthi a frappé l’aéroport Ben Gurion le 4 mai et que le groupe terroriste basé au Yémen a menacé de « bloquer » le principal aéroport international israélien, la plupart des compagnies aériennes étrangères ont de nouveau suspendu leurs vols à destination et en provenance de Tel Aviv. Seules quelques-unes ont repris leurs liaisons après l’attaque, fait remarquer Ryan.

Depuis la rupture du dernier cessez-le-feu entre Israël et le Hamas le 18 mars, les Houthis, soutenus par l’Iran, ont lancé 42 missiles et au moins 10 drones sur Israël dans le cadre « d’actes commis en signe de solidarité avec les Palestiniens de Gaza », a affirmé le groupe terroriste.

Vendredi, des responsables de l’organisation yéménite ont indiqué qu’ils envisageaient de prendre pour cible des avions civils israéliens.

« Par leurs actions terroristes agressives, les Houthis tentent de précipiter une situation où, dans la pratique, personne ne pourra plus se rendre en Israël », dit Ryan.

« Tous les gouvernements démocratiques doivent veiller à ne pas prendre de mesures qui, au lieu d’atteindre leurs objectifs déclarés, à savoir un cessez-le-feu et la libération des otages, ne feraient que renforcer et encourager le Hamas dans ses activités terroristes. »

Shain déclare que les images horribles en provenance de Gaza, déchirée par près de vingt mois de guerre, influencent l’opinion publique européenne et poussent les dirigeants locaux à s’impatienter et à agir.

Illustration : Manifestants anti-Israël lors d’un rassemblement, à Londres, le 5 avril 2024. (Crédit : Kin Cheung/AP)

Au début du mois, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a qualifié Israël « d’État génocidaire », tandis que le président français Emmanuel Macron a jugé « inacceptables » et « honteuses » les actions israéliennes à Gaza. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a accusé Israël de bloquer l’aide humanitaire et de « transformer Gaza en un champ de mort, voire en un cimetière ».

« L’humeur et l’opinion publique européennes ont changé au cours des dernières semaines, après avoir bénéficié d’une écoute incroyable en Europe à la suite des atrocités du 7 octobre, laquelle fait désormais défaut », souligne Shain, ancien chef de la délégation de la Knesset pour les relations avec le Parlement européen.

« Le fait que la guerre se prolonge sans fin en vue, parallèlement aux informations faisant état de catastrophe humanitaire et de victimes à Gaza, place Israël dans une situation très périlleuse. »

« Le danger pour Israël est que même ses alliés en Italie, en France et ailleurs, comme aux Pays-Bas, perdent complètement patience, car ils constatent l’incapacité d’Israël à mettre fin à la guerre », avertit-il.

Ce qui est encore plus inquiétant, selon Shain, c’est qu’il existe en Europe une perception selon laquelle Israël est dirigé par des « fous sanguinaires » – une perception qui, selon lui, est très répandue dans de nombreuses capitales européennes.

Shain évoque les propos tenus par Bezalel Smotrich, ministre ultra-nationaliste des Finances, qui a promis « d’anéantir totalement » le groupe terroriste palestinien du Hamas, et de Yaïr Golan, chef du parti d’opposition Les Démocrates, qui a récemment déclaré que le gouvernement « tue des bébés à Gaza tel un hobby », une accusation sur laquelle il est finalement revenu.

« Les déclarations incroyablement irresponsables de certains politiciens israéliens de droite portent gravement atteinte à la légitimité morale d’Israël », déplore Shain.

« Les revendications d’Israël en tant que victime ont été considérablement affaiblies non seulement à cause de la guerre à Gaza, mais aussi à cause de la rhétorique empoisonnée qui est employée par certains de ses politiciens stupides, qui fournissent des arguments à ceux qui réclament des sanctions contre Israël. »

« En raison de la menace d’attaques aux missiles de la part des Houthis, les compagnies aériennes étrangères sont déjà peu nombreuses à desservir Israël pour des raisons de sécurité. Si cette situation venait à se généraliser, Israël perdrait progressivement de son attrait. C’est très dangereux, car le pays risquerait alors d’être perçu non pas comme une destination attractive, mais comme un lieu à éviter », ajoute Shain.

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