Netanyahu change tardivement de cap sur Gallant. Va-t-il faire pareil sur l’autocratie ?
Au bout de deux semaines, le Premier ministre s'est finalement rendu compte que le public ne lui pardonnerait pas d'avoir limogé son ministre de la Défense. Quid d'une retraite bien plus essentielle, sur sa révolution judiciaire ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Il a honteusement rendu l’opposition responsable de la multiplication des attaques contre Israël sur de multiples fronts et a faussement accusé ses prédécesseurs d’avoir enhardi nos ennemis. Il a faussement qualifié de « réfractaires » les réservistes volontaires qui ont clairement indiqué qu’ils ne serviraient pas une dictature. Il a soutenu la proposition de son ministre de la Sécurité nationale – et pyromane – pour la création d’une nouvelle force militaire. Il a ignoré les inquiétudes du président des États-Unis concernant la détérioration de la démocratie israélienne sous sa direction. Il a accusé les dirigeants européens qui l’ont accueilli ces dernières semaines de jouer un double-jeu.
Mais bien qu’il l’ait enterré, en quelques phrases, vers la fin de son dernier assaut rhétorique contre la nation, le principal titre du discours et de la conférence de presse du Premier ministre Benjamin Netanyahu lundi soir était qu’il revenait sur sa décision d’il y a deux semaines et qu’il réintégrait Yoav Gallant en tant que ministre de la Défense.
Rappelant qu’il avait rencontré Yaïr Lapid dimanche, Netanyahu a déclaré qu’il avait demandé au chef de l’opposition : « Lorsque vous déclarez que l’État d’Israël est en train de s’effondrer, comment pensez-vous que nos ennemis l’interprètent ? Nos ennemis le voient, ils l’entendent… Ils croient qu’ils peuvent nous affronter, en alliant leurs attaques terroristes en provenance du Liban, de la Syrie et de Gaza ».
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En réalité, c’est son collègue du Likud, Gallant, l’homme qu’il avait chargé de veiller à ce que les ennemis d’Israël ne puissent pas « s’en prendre à nous », qui, le 25 mars, a lancé l’avertissement le plus percutant au sujet de cette nation en train de se déchirer. Gallant a déclaré aux Israéliens et au monde entier que la fracture nationale déclenchée par le plan de Netanyahu visant à politiser et à stériliser le système judiciaire « pénétrait l’armée israélienne et les agences de sécurité ». Et cela, a souligné Gallant, « constitue une menace claire, immédiate et tangible pour la sécurité de l’État ».
Gallant a été limogé non pas parce que son horrible avertissement public était faux et alarmiste. Il a été renvoyé parce qu’il était dans le vrai, comme l’a démontré jeudi la salve de 34 roquettes tirées en provenance du Liban, la pire depuis 2006. Il a été renvoyé parce qu’il a dit au peuple, pour lequel il a été élu, que le Premier ministre ignorait ses inquiétudes. Il a été renvoyé pour avoir demandé une pause dans le blitz législatif de la réforme du système judiciaire, afin de laisser le temps de négocier une version largement acceptée et de parvenir à la guérison de la dévastatrice fracture nationale. Il a peut-être et surtout, été renvoyé parce qu’il a remis en question les qualifications « sécuritaires » de Netanyahu.
Après avoir outrageusement maintenu Gallant dans l’incertitude pendant deux semaines – le chef de la hiérarchie de la sécurité de la nation a fait preuve de froideur lors d’événements auxquels ils ont tous deux participé, ne sachant pas de minute en minute s’il était sur le point d’être réintégré, même en pleine recrudescence du terrorisme – Netanyahu a conclu très tardivement qu’il n’avait pas d’autre choix que de réhabiliter le ministre de la Défense.

Il aura fallu une journée à Netanyahu, le lundi 27 mars, pour faire le calcul politique que le limogeage de Gallant était un scandale de trop, même pour certains de ses collègues de la coalition qui l’avaient, jusqu’à présent, indéfectiblement soutenu, et qu’il devrait en effet montrer qu’il soutenait un dialogue sur la refonte judiciaire parce qu’il ne pouvait pas être certain, à ce moment délicat, de disposer d’une majorité à la Knesset pour faire passer la première loi clé de son paquet de réformes.
Mais il lui aura fallu deux semaines complètes pour conclure que le public ne lui pardonnerait pas d’avoir limogé le chef de la Défense. Deux semaines, des manifestations de masse qui se poursuivent et des chiffres en chute libre dans les sondages d’opinion auxquels il prétend ne pas prêter attention.
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La question est de savoir si un processus similaire est en cours en ce qui concerne sa prise de pouvoir – si l’on commence à prendre conscience qu’il peut soit s’emparer de l’autorité absolue, soit commencer à réhabiliter ce pays, mais qu’il ne peut pas faire les deux à la fois.
Yoav Horowitz, l’un de ses anciens chefs d’état-major qui s’est joint aux manifestations contre lui, a estimé dans une interview accordée à Haaretz vendredi que Netanyahu en est venu à se considérer comme « quelque chose entre un empereur et le président d’une superpuissance » et qu’il est déterminé à devenir le Vladimir Poutine d’Israël. « J’ai participé avec lui à des réunions avec Poutine », a déclaré Horowitz à propos de son ancien patron. « J’ai vu combien il l’admirait et se montrait obséquieux avec lui. J’ai vu à quel point il voulait être comme lui. »
Horowitz a également prédit que Netanyahu « ne se reposera pas tant que l’ensemble du système judiciaire ne sera pas à terre, le suppliant de lui accorder son pardon » pour l’avoir poursuivi.
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Le principal projet de loi qui mettrait le pouvoir judiciaire « sur les genoux » – une législation donnant à la coalition un contrôle quasi-absolu sur les nominations judiciaires – est verrouillé et chargé, ayant été officiellement soumis à la Knesset pour ses dernières lectures, prêt à devenir une loi à brève échéance.
Dans le même temps, un dialogue sur la réforme judiciaire, pour lequel Gallant et des voix de presque tous les secteurs de notre société ont plaidé, se déroule sous la supervision du président Isaac Herzog.

Lors des questions-réponses qui ont suivi son discours lundi soir, Netanyahu a été interrogé sur le fait qu’il était « persona non grata » à la Maison Blanche, à la suite de l’appel lancé par Biden pour qu’il « freine » les efforts de son gouvernement visant à réformer le système judiciaire, et du refus du président de lui adresser une invitation à se rendre à la Maison Blanche.
En réponse à la question du journaliste, le Premier ministre a utilisé une formulation curieuse, à la fois combative et apparemment rassurante. « Je pressens que nous parviendrons à un accord », a-t-il dit à son interlocuteur, faisant apparemment référence au dialogue qui s’est tenu à la résidence présidentielle. « Et alors que direz-vous ? Quand il y aura une invitation, que direz-vous ? Ne vous inquiétez pas. Il y aura une invitation. »
Le mois dernier, Netanyahu et ses alliés de la coalition ont immédiatement et catégoriquement rejeté le plan de réforme judiciaire alternatif de Herzog. Et les représentants que Netanyahu a envoyés pour tacher d’aboutir à un consensus, en présence de Herzog, sont des loyalistes de confiance attachés à la législation radicale telle qu’elle est.
Netanyahu ayant promis, alors même qu’il suspendait la réforme il y a deux semaines, qu’elle serait adoptée « d’une manière ou d’une autre », il n’y a aucune raison de douter que, comme il l’a promis, le processus législatif sera relancé à la prochaine session de la Knesset, qui commencera le 30 avril.
Poursuivant le thème de lundi soir, Netanyahu pourrait facilement reprocher à l’opposition de ne pas être parvenue à un consensus sur la réforme, mettre en avant la victoire électorale décisive de sa coalition, attirer l’attention sur les manifestations de masse en faveur de la réforme qui sont actuellement prévues et légiférer pour transformer Israël en une tyrannie de la majorité.
Ou bien, comme dans le cas de Yoav Gallant récemment réintégré, il pourrait, aussi tardivement et aussi improbablement que possible, faire marche arrière et permettre le démarrage d’un processus de guérison qui sauverait la nation, un processus qui reconstruirait la cohésion, l’unité et la résilience qu’il a cyniquement démantelées, et sauverait ainsi notre économie, nos liens avec nos alliés et notre capacité de dissuasion face à ces ennemis enhardis.
« Et ensuite, que direz-vous ? », a-t-il demandé lundi soir.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel