Netanyahu prédit un nouveau Moyen-Orient, mais se tait sur les ravages en Israël
À l'ONU, le Premier ministre a salué l'imminence de la paix en Arabie saoudite, mais n'a pas dit mot sur sa réforme judiciaire qui sème la discorde depuis plus de neuf mois
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a prononcé vendredi un remarquable discours célébrant une transformation potentiellement historique – pour Israël en ce qui concerne ses relations régionales et sa sécurité, pour les liens judéo-islamiques au sens large et pour une grande partie du reste de la communauté internationale également.
Il s’est exprimé deux jours après s’être entretenu avec le président américain Joe Biden au sujet des perspectives de normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite – un partenariat capital, capable d’élever et de stabiliser le statut d’Israël au Moyen-Orient, qui, jusqu’à une date relativement récente, semblait au mieux une possibilité lointaine, mais que l’Administration Biden avait discrètement fait progresser.
Il s’est également exprimé à la suite d’une interview télévisée historique dans laquelle le dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a confirmé à son peuple, au nôtre et au monde qui nous regarde que « chaque jour, nous nous rapprochons » de la paix entre l’Arabie saoudite et Israël, dans ce qui, selon le prince héritier, marquerait « le plus grand accord historique depuis la fin de la guerre froide ».
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L’interview de ben Salmane, qui promet de travailler avec « quiconque dirige Israël » à la cause de ce nouvel ordre régional, signifie que Netanyahu, de retour à l’Assemblée générale des Nations unies après une pause de cinq ans, a pu faire écho à la prédiction grandiose de feu Shimon Peres d’un « nouveau Moyen-Orient », mais dans un discours affirmant sa légitimité.
Alors que des experts bien intentionnés n’avaient pas réussi à élargir le cercle de paix d’Israël pendant un quart de siècle, lui, insistant sur le fait que les Palestiniens ne devraient pas et n’ont pas besoin de constituer un obstacle à de nouveaux accords, avait signé pour la première fois les Accords d’Abraham sous la présidence de Trump et conduit maintenant Israël au bord de la paix avec l’Arabie saoudite aux côtés de Biden.
Au vu de « l’optimisme irlandais » du président américain, de l’interview ardente de ben Salmane et du fait qu’un projet de couloir économique reliant l’Inde à l’Europe via Israël et l’Arabie saoudite a récemment été annoncé lors du sommet du G20, Netanyahu a pu affirmer de manière crédible qu’un « changement monumental » était à portée de main pour Israël, le Moyen-Orient et au-delà – « un autre pivot de l’histoire », comme il l’a dit.
« Je pense que nous sommes à la veille d’une avancée encore plus spectaculaire : une paix historique avec l’Arabie saoudite », a déclaré le Premier ministre. « Une telle paix contribuera grandement à mettre fin au conflit israélo-arabe. Elle encouragera d’autres États arabes à normaliser leurs relations avec Israël. Elle améliorera les perspectives de paix avec les Palestiniens. Elle favorisera une réconciliation plus large entre le judaïsme et l’islam, entre Jérusalem et La Mecque, entre les descendants d’Isaac et les descendants d’Ismaël. »
Il est compréhensible que Netanyahu ait préféré ne pas évoquer certains des obstacles les plus importants qui devront être franchis si l’on veut que l’interaction en coulisses aboutisse à une concrétisation publique. Sera-t-il possible, par exemple, de concilier la nécessité pour Israël de maintenir son avantage militaire qualitatif avec les exigences militaires des Saoudiens à l’égard des États-Unis dans ce qui, même après une paix israélo-saoudienne, resterait une région profondément menaçante ? Des garanties adéquates peuvent-elles être conçues pour se prémunir contre ce que le prince héritier a déclaré être la nécessité d’avoir des armes nucléaires saoudiennes si l’Iran se dote de la bombe ?
Le Premier ministre a expliqué comment les Palestiniens pourraient, en théorie, devenir les bénéficiaires du processus, plutôt que d’en être les fauteurs de troubles. « La paix israélo-palestinienne exige que les Palestiniens cessent de cracher leur haine des Juifs et se réconcilient enfin avec l’État juif », a-t-il déclaré. « J’entends par là non seulement l’existence de l’État juif, mais aussi le droit du peuple juif à disposer de son propre État dans sa patrie historique, la Terre d’Israël. »
Netanyahu a déjà tenu de tels propos à maintes reprises. Il pense manifestement que l’Arabie saoudite, bien qu’elle soit l’architecte de l’Initiative de paix arabe qui exige un État palestinien, ne va pas faire de la souveraineté palestinienne totale et indépendante une condition préalable à son accord avec Israël.
Pourtant, ben Salmane, interrogé lors de son interview sur Fox TV sur ce qu’il faudrait faire pour normaliser les relations avec Israël, a répondu : « Pour nous, la question palestinienne est très importante. Nous devons résoudre cette partie. Nous avons de bonnes négociations [qui] se poursuivent jusqu’à présent. Nous devons voir où cela va nous mener. »
Naturellement, le discours de Netanyahu n’a pas dit comment le Premier ministre pense pouvoir signer un accord qui « résout » la question palestinienne tout en maintenant une coalition gouvernementale largement hostile à toute concession substantielle en faveur des Palestiniens.
La réponse courte est qu’il ne le pourrait pas. La réponse plus longue est que la promesse de transformation qu’il a décrite à la tribune de l’ONU a le potentiel de remodeler les alignements politiques d’Israël ainsi que sa réalité géostratégique.
Netanyahu n’a pas non plus mentionné, ce qui est impardonnable, les divisions amères qu’il a exacerbées au cours des neuf derniers mois dans l’État d’Israël au nom duquel il s’exprimait, ni la question de savoir s’il va « pivoter » et rechercher une « réconciliation plus large » dans son pays également.
Sa coalition et lui-même ont déclenché des divisions internes sans précédent en tentant de faire passer au Parlement une législation qui aurait pour effet de neutraliser le système judiciaire israélien, de donner un pouvoir presque illimité à la majorité au pouvoir et d’ouvrir la voie à toute une série de politiques et de législations radicales d’extrême-droite et ultra-orthodoxes.
Dans ses brèves remarques publiques aux côtés de Biden, Netanyahu s’est contenté de promettre que « l’engagement d’Israël en faveur de la démocratie » ne changera jamais, alors qu’il continue d’insister ailleurs sur le fait qu’il légiférera pour modifier la manière dont Israël choisit ses juges.
Pendant les 25 minutes qu’a duré son discours de vendredi, alors que des milliers de personnes manifestaient à l’extérieur contre la menace que lui et sa coalition font peser sur les libertés internes d’Israël, son mode de gouvernement, son éthique et son orientation, le Premier ministre a consacré de longs passages non seulement aux bénédictions de la paix saoudienne et à la malédiction de la marche fanatique du régime iranien vers la bombe, mais aussi à de grandes et longues réflexions sur l’essor de l’intelligence artificielle, le potentiel d’allongement de la vie humaine de plusieurs décennies et même l’extension de l’humanité « au-delà de notre planète bleue ». Mais il n’a pas trouvé le temps de faire la moindre référence à la bataille acharnée que sa coalition a déclenchée au sujet de la démocratie israélienne.
Netanyahu n’a jamais été aussi éloquent pour consolider la place d’Israël parmi les nations et il n’a jamais été aussi ostensiblement silencieux sur la désunion et la disharmonie d’Israël sous sa direction. Dans un discours de pas moins de 2 700 mots, il n’a donné aucune garantie que l’Israël qu’il entend mener à une paix régionale historique sera l’Israël des droits et des libertés, de l’égalité et du judaïsme tolérant, envisagé dans la déclaration d’indépendance – aucune garantie, donc, d’un Israël en paix avec lui-même.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel