Israël en guerre - Jour 563

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Opinion

Non, tout n’ira pas bien pour Israël

Limogé par Netanyahu, le chef du Shin Bet se voit, à tort, reprocher son inaction avant le 7 octobre ; la procureure générale est la prochaine sur la liste ; les juges pourraient suivre

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu en visite dans le corridor de Netzarim, dans le centre de la bande de Gaza, le 19 novembre 2024. (Crédit : Maayan Toaf/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu en visite dans le corridor de Netzarim, dans le centre de la bande de Gaza, le 19 novembre 2024. (Crédit : Maayan Toaf/GPO)

Alors que la pluie tombait à verse sur Jérusalem jeudi soir, et que les ministres israéliens étaient réunis pour voter le limogeage du chef de l’agence de sécurité intérieure, Ronen Bar, un « haut responsable » anonyme – identifié par la presse israélienne comme n’étant autre que le Premier ministre Benjamin Netanyahu – a publié un communiqué accusant à tort Bar « d’avoir été au courant de l’attaque du Hamas plusieurs heures avant qu’elle n’ait lieu » le 7 octobre 2023, mais de « n’avoir rien fait » pour l’en empêcher.

Et selon ce communiqué, si le chef du Shin Bet avait simplement appelé le Premier ministre pour le réveiller, « le désastre aurait pu être évité ».

« Si Ronen Bar avait accompli son travail avec autant d’acharnement qu’il s’accroche aujourd’hui à son poste, le 7 octobre n’aurait pas eu lieu », aurait déclaré ce responsable.

La principale affirmation de cette déclaration est fausse et mensongère. Bar n’était pas « au courant de l’attaque du Hamas plusieurs heures avant qu’elle ne se produise ».

Les enquêtes internes menées ces dernières semaines par le Shin Bet et l’armée israélienne ont établi que les services de sécurité avaient bien identifié plusieurs signes d’activité inhabituelle du Hamas dans la nuit précédant l’invasion et le pogrom. Les terroristes avaient notamment activé des cartes SIM israéliennes sur leurs téléphones. Mais, comme cela avait déjà été le cas pendant des années, les services de renseignement ont gravement mal interprété les intentions du Hamas et ont conclu que les données disponibles ne signalaient pas une attaque imminente.

Depuis 17 mois, le pays tout entier est consumé par les horreurs perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023 et par l’incapacité insondable – de la part des services de sécurité israéliens et de leurs responsables politiques – à identifier et à prévenir ce que le Hamas préparait depuis des années, au vu et au su de tous.

La terrible vérité, c’est que les dirigeants israéliens n’ont pas su lire ce qui était écrit sur le mur. Et c’est cette cécité stratégique qui a permis à des milliers de terroristes génocidaires résolus, à mener la pire attaque contre des Juifs depuis la Shoah, dans un pays dont la mission première est précisément d’empêcher que de tels massacres puissent à nouveau se produire.

De gauche à droite : Le ministre de la Défense Yoav Gallant, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le chef d’état-major de l’armée israélienne Herzi Halevi et le directeur de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet Ronen Bar dans la salle d’opérations spéciales supervisant une mission de libération d’otages dans la bande de Gaza, le 8 juin 2024. (Crédit : Agence de sécurité intérieure du Shin Bet)

Tsahal a failli à sa mission, et son chef d’état-major, Herzi Halevi, ainsi que plusieurs hauts responsables militaires, ont déjà présenté leur démission.

Le Shin Bet a lui aussi failli à ses obligations envers la nation, et son chef, Ronen Bar, devait en tirer les conséquences. Il avait exprimé son intention de démissionner lui aussi, mais souhaitait rester en poste jusqu’au retour des otages et la création d’une commission d’enquête d’État sur les événements du 7 octobre, ainsi que jusqu’à ce qu’un successeur compétent et indépendant soit désigné.

Les dirigeants élus sous la direction de Benjamin Netanyahu, eux, ont également failli à leurs responsabilités. Mais, aucun n’a démissionné et le Premier ministre continue de s’opposer farouchement à la mise en place d’une commission d’enquête d’État, seule à même d’examiner en profondeur les défaillances et d’attribuer les responsabilités.

La déclaration publiée jeudi par le « haut responsable » s’inscrit parmi ses tentatives les plus cyniques et les plus indignes de rejeter la faute sur l’establishment sécuritaire, pour éviter d’avoir à répondre de ses propres actes.

Ce désastre s’est produit sous la responsabilité directe de Netanyahu. C’est lui qui détenait tous les leviers du pouvoir. Il supervisait l’ensemble de la politique gouvernementale, y compris l’insistance sur le transfert de valises de fonds qataris vers Gaza – de l’argent qui, comme l’a clairement établi l’enquête du Shin Bet, a été remis à la branche armée du Hamas et a largement contribué à faciliter l’attaque du 7 octobre.

La responsabilité lui incombe donc pleinement.

Accuser le chef d’une agence de sécurité, dont la mission est précisément d’assurer la sécurité des Israéliens, y compris celle du Premier ministre lui-même, d’avoir eu connaissance à l’avance des intentions du Hamas et d’avoir sciemment choisi de ne pas agir relève de l’indignité la plus totale.

Cette accusation mensongère et toxique selon laquelle l’armée et/ou les agences de sécurité auraient eu connaissance en amont de l’attaque du Hamas et l’auraient délibérément ignorée, facilitant ainsi le pogrom, circule en ligne depuis peu après le pogrom du 7 octobre, notamment dans les milieux complotistes pro-Netanyahu, mais n’avait jusqu’ici jamais été formulée directement par le « responsable » largement identifié comme étant le Premier ministre lui-même.

Le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Eyal Zamir (à gauche) et le chef du Shin Bet, Ronen Bar (à droite), procèdent à une évaluation au commandement du Sud de Tsahal, le 21 mars 2025. (Crédit : armée israélienne)

La prochaine sur la liste

Dans une lettre transmise au cabinet avant la réunion de jeudi, Ronen Bar a qualifié sa révocation de décision « entièrement entachée de considérations inappropriées et de conflits d’intérêts personnels et institutionnels majeurs ». Il y évoque l’enquête conjointe de la police et du Shin Bet sur les liens présumés illicites entre certains collaborateurs de Netanyahu et le Qatar, la mauvaise foi manifeste du Premier ministre dans les négociations sur le cessez-le-feu et la libération des otages, aujourd’hui au point mort, ainsi que sa propre volonté, en tant que chef du Shin Bet, d’exprimer des positions indépendantes au sein des plus hautes instances décisionnelles.

Il y promet également de détailler les différentes mesures et recommandations « que j’ai soumises à l’approbation du Premier ministre, avant et après le 7 octobre », dans le cadre de ce qu’il espère être une procédure d’examen digne de ce nom, et non « un processus superficiel à l’issue prédéterminée », comme celui qui s’est déroulé jeudi soir.

À moins qu’il ne décide d’accepter la décision du cabinet, le sort de Ronen Bar se trouve désormais entre les mains de la Cour suprême, une institution que Netanyahu cherche également à affaiblir, en raison de son indépendance et de son autorité.

Les arguments que le gouvernement présentera devant la Cour – en réponse aux recours déjà déposés contre le limogeage du chef du Shin Bet, et qui ont immédiatement conduit à une injonction judiciaire vendredi après-midi – ne seront vraisemblablement pas portés par la principale autorité juridique de l’État. La procureure générale, Gali Baharav-Miara, avait informé Netanyahu, avant la réunion du cabinet jeudi soir, que Bar ne pouvait pas être démis de ses fonctions avant que son bureau n’ait examiné les motivations de cette décision. Elle a réitéré son opposition au cours de la réunion.

Baharav-Miara figure elle aussi sur la liste des indépendants indésirables que le Premier ministre souhaite écarter. Le cabinet doit examiner dimanche une motion de censure à son encontre, première étape vers son renvoi annoncé.

La procureure-générale Gali Baharav-Miara et le ministre de la Justice Yariv Levin lors d’une cérémonie d’adieu au président par intérim de la Cour suprême Uzi Vogelman, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Oren Ben Hakoon/Pool)

Le public s’est levé, a chanté et a pleuré

Alors que Netanyahu et ses lèche-bottes unanimes se réunissaient pour limoger Bar, à une heure de route de Tel Aviv, le groupe HaKevess HaShisha Assar – formation emblématique de musiciens, réunis pour la première fois il y a près de 50 ans – achevait un concert de retrouvailles. Depuis le début de la guerre, le groupe s’est reformé dans l’espoir d’apporter un peu de réconfort au public israélien. Ces dernières semaines, ils ont enchaîné les représentations à guichets fermés.

Vers la fin du concert, l’un des membres du groupe, David Broza, a interprété sa chanson la plus poignante et la plus bouleversante, Yihyeh Tov, une déclaration insistante, presque obstinée, pour dire que « tout ira bien » (ou : « les choses s’arrangeront », ou encore : « ça ira mieux »). Il l’avait écrite peu après la visite historique du président égyptien Anouar el-Sadate en Israël, en 1977.

Le public s’est levé, a chanté et a pleuré pour notre précieux Israël, en voulant désespérément croire à ce qu’il énonçait.

À Jérusalem, l’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, 88 ans, qui avait accepté l’an dernier, à la demande de Netanyahu, de représenter Israël devant la Cour internationale de justice de La Haye dans l’affaire intentée pour « génocide » à Gaza, a averti dans plusieurs interviews télévisées qu’Israël était au bord de la guerre civile.

« Arrêtez, arrêtez », a imploré Barak. « Ne creusez pas le fossé davantage qu’il ne l’est déjà. »

La députée du Likud, Galit Distel Atbaryan, a réagi sur X en rejetant ce qu’elle a qualifié de « fantasmes de Barak sur du sang juif versé dans les rues », et s’est réjouie de voir « l’ensemble de l’œuvre notoire et dictatoriale » du juriste le plus respecté d’Israël « s’effondrer sous [ses] yeux ».

Pendant ce temps, près du bureau du Premier ministre, des agents d’une police désormais de nouveau placée sous le contrôle du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, ont tenté de briser les vitres des voitures de manifestants anti-gouvernementaux qui bloquaient les routes, alors que leurs occupants se trouvaient à l’intérieur.

Les ministres ont voté.

La pluie tombait à verse.

Non, tout n’ira pas bien.

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