Appelant au renforcement centriste, Lapid et Gantz dénoncent les élus « marginaux »
Le chef de Yesh Atid a fait allusion à une future coalition incluant un Likud post-Netanyahu ; pour le chef de HaMahane HaMamlahti, les Israéliens sont prisonniers des extrémistes
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Les chefs des partis d’opposition ont déclaré mercredi que la coalition issue de la droite radicale du Premier ministre Benjamin Netanyahu et son projet de bloquer le contrôle, par le système de la justice israélien, du pouvoir politique affaiblissaient les moteurs économiques d’Israël et la résilience nationale, et ils ont appelé de leurs vœux une large coalition centriste.
« L’attaque contre la démocratie provient d’un gouvernement israélien légalement élu qui a été infiltré par des extrémistes marginaux qui veulent remplacer le modèle nationaliste-libéral par un modèle nationaliste-religieux », a déclaré le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, lors d’une conférence organisée par l’Institut israélien de la démocratie (IDI) dans la capitale.
« Si Israël n’est pas une démocratie, le pays sera pauvre, militairement faible et isolé dans le monde. À plus long-terme, si Israël n’est pas une démocratie, le pays n’existera plus », a ajouté le chef du parti Yesh Atid.
Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a également pris la parole lors de cette conférence de Jérusalem, déclarant que les Israéliens étaient « prisonniers des extrémistes ».
« Ces dernières années, le centre a été marginalisé », a-t-il déclaré. « C’est ce qui a permis l’extorsion et les dégâts infligés à l’économie, c’est ce qui a conduit à des idées extrémistes et messianiques qui nuisent à la démocratie, c’est ce qui provoque la division. Notre mission consiste donc à faire en sorte que le centre dirige et qu’il contienne les extrêmes. »
Lapid et Gantz sont à la tête du combat politique contre le gouvernement de Netanyahu, qui a repris le pouvoir en décembre. Dans le cadre de discussions organisées à la résidence du président, leurs partis d’opposition négocient actuellement avec la coalition dans l’espoir de parvenir à un compromis sur les changements apportés au système judiciaire.
Les deux hommes font face à une pression croissante les sommant de quitter la table des négociations, sur fond de critiques affirmant que Netanyahu et sa coalition sont déterminés à aller de l’avant et à faire adopter leur plan de refonte du système judiciaire de manière unilatérale. La pression interne au sein de la coalition s’accroît sur Netanyahu pour qu’il réforme radicalement le système de la justice. Il avait pris la décision d’interrompre le processus législatif à la fin du mois de mars, suite à des manifestations de masse sans précédent.
Dans des propos adressés au Likud, le parti de Netanyahu, Lapid a dit que son leadership était « confronté à un choix historique » en amont du moment « assez proche » où le Likud se séparera de Netanyahu, son leader depuis plus de vingt ans.
« À ce moment-là, le Likud doit savoir qu’il trouvera chez nous une main tendue et un cœur ouvert », a indiqué Lapid, encourageant le Likud à revenir à une alliance centriste avec Yesh Atid, son ancien partenaire – avant que les relations entre Lapid et Netanyahu ne tournent au vinaigre.
Lapid a noté que la majorité des Israéliens sont des « nationalistes libéraux » et qu’ils « sont d’accord sur 75 % des problématiques » – ajoutant que si le Likud, Yesh Atid et le parti de Gantz avaient formé une coalition en novembre, celle-ci aurait obtenu une majorité solide de 68 sièges sur les 120 que compte la Knesset au total.
« Même dans la Knesset actuelle – qui est la plus extrémiste de l’histoire de l’État – le Likud, Yesh Atid et HaMahane HaMamlahti comptent à eux trois 68 sièges. En ajoutant Yisrael Beytenu et le parti Avoda », deux partis d’opposition qui se sont associés au Likud par le passé, « on arrive à 76 sièges ».
La coalition actuelle de Netanyahu, composée du Likud (de droite), de trois partis d’extrême-droite et de deux partenaires ultra-orthodoxes, compte 64 sièges.
Lapid a déclaré que l’alternative centriste qu’il propose est « le gouvernement de majorité saine dont l’État d’Israël a besoin » et il a reproché à la direction du Likud d’avoir subi un « changement dramatique » qui a conduit le plus grand parti de la Knesset à soutenir les partis d’extrême-droite, puis à s’allier avec eux.
Lors des deux dernières élections législatives, Netanyahu a contribué à la constitution d’alliances entre trois partis d’extrême-droite, dans le cadre d’une stratégie visant à éviter de gaspiller des voix au profit de sa coalition si elles se portaient sur des partis trop petits pour franchir le seuil électoral de quatre sièges.
« Pour des raisons complexes, tantôt idéologiques, tantôt personnelles, les dirigeants du Likud ont tourné le dos au camp nationaliste libéral. Le Likud s’est associé aux partis religieux et messianiques et en a fait ce qu’il appelle des ‘partenaires naturels’. Qu’y a-t-il de naturel là-dedans ? », a déclaré Lapid.
« La grande fracture israélienne à laquelle nous sommes confrontés n’a pas commencé dans la rue. Elle a commencé dans la sphère politique », a ajouté Lapid.
« Si nous ne sommes pas une démocratie, l’économie s’affaiblira, nous ne serons plus en mesure d’investir dans les infrastructures et dans divers secteurs, nous ne serons plus en mesure d’assurer l’égalité nationale. Et cela se fera aussi au détriment de la lutte contre le coût de la vie et des énormes défis que nous devons relever en matière de sécurité et de sûreté nationale », a déclaré Gantz, faisant écho à Lapid.
La semaine dernière, Israël a adopté un budget de deux ans, d’un montant de mille milliards de shekels, qui comprend le financement d’intérêts sectoriels et politiques.
« L’équité », a déclaré Gantz, « signifie une distribution des ressources basée sur les besoins plutôt que sur le pouvoir politique ».
Gantz a également réaffirmé, à l’instar de Lapid, que l’indépendance de la justice était essentielle à la réussite démocratique du pays. Cependant, le chef du parti HaMahane HaMamlahti a confirmé qu’il n’avait pas encore décidé quel candidat de l’opposition il soutiendrait lors de l’élection des deux représentants des députés qui seront appelés à siéger au sein de la commission de sélection des juges, le 14 juin à la Knesset.
Lapid et Gantz ont prévu de se rencontrer mercredi pour tenter de se mettre d’accord sur un candidat de l’opposition, après s’être publiquement disputés en début de semaine sur cette question.