Israël en guerre - Jour 396

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Comment le 7 octobre a modifié la relation des Israéliens au mamad ?

L’abri anti-missiles ou chambre forte, abréviation en hébreu pour « espace résidentiel sécurisé », né pendant la guerre du Golfe, qui fait grimper les prix des loyers et des biens immobiliers, est au cœur de tous les narratifs depuis le 7 octobre. Retour aux années 1990 ?

Jacqueline Glicksman, 81 ans, racontant comment elle a sauté par la fenêtre de son mamad pour échapper aux terroristes du Hamas le 7 octobre, lors de sa première visite de sa maison en ruines depuis les attaques, dans un reportage diffusé le 1er février 2024. (Crédit : Capture d'écran de la Douzième chaîne ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur).
Jacqueline Glicksman, 81 ans, racontant comment elle a sauté par la fenêtre de son mamad pour échapper aux terroristes du Hamas le 7 octobre, lors de sa première visite de sa maison en ruines depuis les attaques, dans un reportage diffusé le 1er février 2024. (Crédit : Capture d'écran de la Douzième chaîne ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur).

En janvier dernier, les chaînes de télévision israéliennes, dans un reportage constitué essentiellement d’images Go Pro des terroristes du Hamas, retracent pour la première fois, pas à pas, le parcours de chacune des unités Nukhba dans leurs assauts sanguinaires. Après avoir pénétré dans l’un des kibboutzim près de la frontière, en apparence désert, on entend s’écrier un terroriste, kalachnikov dégainée : « ils sont où ? ». Calfeutrés dans leur mamad dès les premiers sons des sirènes d’alerte à la roquette, les habitants de Nir Oz, Beeri, Kfar Aza et les autres s’apprêtent à vivre la pire page de l’histoire que le peuple juif a connu depuis la Shoah.

La reconstitution du pogrom et les interviews des rescapés affluent dans les médias.

Pour certains le mamad restera inviolé par miracle ou au prix d’un bras de fer acharné avec les terroristes pour maintenir la poignée fermée, pour d’autres il deviendra synonyme de l’enfer sur terre. Le mamad, espace privé, sanctuaire familial, est la scène du drame.

Dans un article du 8 avril, Le Point revient sur le témoignage de Nili Margalit, ex-otage libérée, qui se confie sur ses cinquante-cinq jours de captivité dans les tunnels du Hamas et le moment précis où les terroristes font irruption chez elle, fracassant vaisselle et meubles, et allument un incendie : « Deux minutes plus tard, ils ouvrent la porte de son ‘mamad’ ». Ne pas la verrouiller lui a peut-être sauvé la vie : « Ceux qui se sont barricadés dans les mamads sont morts, car les terroristes ont tiré à travers les portes et les ont incendiés », avance l’infirmière de Nir Oz.

Nili Margalit participant à l’émission Uvda de la Douzième chaîne le 4 janvier 2024. (Crédit : Capture d’écran de la Douzième chaîne)

Au fur et à mesure que les détails des massacres filtrent, nombre d’Israéliens traumatisés pensent autrement et se mettent à douter de leur mamad, fantasmé comme une sorte de bunker impénétrable. Mus par un sentiment d’insécurité, certains n’hésitent pas à commander des systèmes D pour se barricader de l’intérieur.

Les réseaux sociaux se font aussitôt le relais d’astuces ingénieuses de bricolage. La planche en bois qui s’ajoute au mécanisme de fermeture devient la planche de salut à laquelle certains se raccrochent dans l’apocalypse ambiante. « La fenêtre de mon mamad ne ferme plus », « le système de verrouillage de la porte est rouillé » : les techniciens débordent d’appels de citoyens angoissés qui réalisent avoir perdu de vue l’objectif véritable de cet espace censé protéger.

Aux premières heures des attaques, le Hamas envoie plus de 3 000 roquettes sur le territoire israélien. Les « sans mamad » se retrouvent en mauvaise posture, d’autant que dans de nombreux immeubles il n’existe pas de miklat [espace protégé commun]. Selon les données du Bureau central des statistiques (CBS), en juin 2022, on dénombrait environ 1,6 million d’appartements non protégés en Israël, où vivent près de 5,5 millions d’habitants. Au lendemain du 7 octobre, le sujet prend une tournure encore plus existentielle. Les populations les plus exposées et vulnérables économiquement crient à la discrimination et reprochent au gouvernement d’être laissées pour compte. Le mamad n’est pas un luxe mais une priorité.

Sur cette photo prise lors d’une visite de presse organisée par l’armée israélienne, des restes calcinés d’effets personnels gisent à l’intérieur du kibboutz Nir Oz, le long de la frontière avec la bande de Gaza, le 19 octobre 2023, après l’attaque du 7 octobre par les terroristes du Hamas. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Au sommet de l’Etat, la prise de conscience s’accélère. La Banque Centrale d’Israël accorde des prêts allégés pour financer la construction d’un mamad ou l’achat d’un « mobile Mamad », prêt à l’emploi, et la Knesset entérine les corrections de la loi sur les mamad de 1992, autorisant notamment à se passer d’un permis de construire pour ajouter un abri à sa maison.

Pour rappel, tirant les leçons de la guerre du Golfe, les règlements de 1992 stipulent que chaque nouvelle construction en Israël doit comprendre un espace protégé d’une superficie d’au moins 9 mètres carrés. Les murs, le plafond et la porte du mamad doivent être en béton armé d’une épaisseur suffisante pour résister à l’impact et aux explosions des missiles. Le mamad doit être équipé d’un système de ventilation filtré pour protéger les occupants contre les gaz nocifs. Il doit également être équipé d’une porte blindée et de fenêtres renforcées.

À l’origine, les mamad n’ont pas été conçus contre les Qassam du Hamas. Les ingénieurs ont testé leur résistance, sur la base de la technologie d’intelligence artificielle utilisée à l’époque, aux éclats d’obus de missiles censés arriver d’Irak. Les mamad sont construits pour résister à l’impact des explosions et des débris volants provenant des frappes de missiles. Leur fonction première est de protéger les occupants des effets secondaires d’une explosion. Des experts ont calculé les statistiques des dégâts infligés aux espaces protégés s’appuyant sur les conclusions de la guerre du Golfe.

Ces calculs tiennent-ils la route face à l’arsenal de 150 000 missiles et roquettes du Hezbollah amassé depuis le retrait de Tsahal du Liban Sud en 2006 ? Qu’arrivera-t-il aux mamad dans le scénario d’une escalade militaire extrême dans le Nord ? Le Commandement du front intérieur estime qu’un abri est préférable à un mamad, mais il n’est pas non plus protecteur
à 100 %.

Quoi qu’il en soit, la petite pièce blindée est un produit très recherché en immobilier qui pèse lourd dans le prix d’achat comme dans celui des loyers. Depuis le 7 octobre, les agences relèvent que 90 % des demandes d’achat le sont pour des biens avec mamad. Et, si l’emplacement a longtemps été le facteur de décision le plus important, la guerre a modifié la donne.

Des roquettes lancées du sud du Liban vers Israël, le 16 mai 2024, dans le cadre des affrontements transfrontaliers entre les troupes israéliennes et le Hezbollah. (Crédit : AFP)

Face à l’embrasement dans le Nord, les Israéliens font plus que jamais l’expérience d’un retour aux menaces des années 1990… En 30 ans, la perception du mamad a évolué. L’annexe de première nécessité, souvent transformée en bureau ou chambre d’enfant, est devenue une véritable pièce à vivre, chargée d’une dimension émotionnelle forte depuis le 7 octobre. Un casse-tête pour les architectes qui, selon Haaretz, expérimentent de nouvelles exigences tels que l’installation de toilettes, d’une issue de secours ou même d’un tunnel pour pouvoir s’échapper. Certains n’hésitent pas à s’inspirer du Japon où, les tensions avec la Corée du Nord et les catastrophes naturelles ont fait flamber la demande pour les abris anti-atomiques.

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