En quoi le Seder est l’occasion de discuter d’une sortie de crise pour Israël ?
La Haggadah nous demande de nous souvenir de la libération de nos ancêtres, un rappel annuel du caractère précieux de notre liberté et de notre obligation de la protéger
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Dans la Haggadah que nous lirons lors du seder mercredi soir, il nous est demandé de raconter l’histoire de la libération divine de nos ancêtres de l’esclavage en Égypte, non pas comme une leçon d’histoire, mais comme directement applicable ici et maintenant.
« À chaque génération, il est de notre devoir de nous considérer comme étant personnellement sortis d’Égypte », affirme le texte, citant l’Exode, selon lequel ce ne sont pas seulement nos ancêtres qui ont été sauvés et amenés en Terre promise, mais nous aussi – en même temps qu’eux.
Ces derniers jours, j’ai entendu d’éminents rabbins suggérer qu’avec Israël en pleine crise interne, tragique et dangereuse, et avec des familles qui se déchirent amèrement de l’intérieur sur les droits et les fautes de la coalition Netanyahu – qui tente de radicalement remanier notre système judiciaire et de prendre le pouvoir absolu – nous devrions laisser la politique en dehors du seder et nous concentrer plutôt sur cet ancien Exode et sur le miracle de ce que nous avons réalisé dans notre Israël moderne.
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Mais le passage « à chaque génération », à mon avis, nous envoie la directive opposée.
En nous demandant de raconter à nouveau l’histoire de notre ancienne délivrance de la tyrannie comme si nous faisions partie de ceux qui ont été sauvés, la Haggadah nous rappelle chaque année à quel point notre liberté est miraculeuse et précieuse, qu’elle ne doit jamais être considérée comme acquise et que nous sommes obligés de la protéger et de la défendre contre les dirigeants abusifs au cœur dur.
Même lorsque – surtout lorsque, dans le cas présent – ces dirigeants sont les nôtres.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu nous a accordé un court répit par rapport à ses décrets imminents – une suspension promise pendant Pessah, jusqu’à Yom HaZikaron – le jour du souvenir de nos soldats tombés au combat – et Yom HaAtsmaout – lors du 75e anniversaire de notre indépendance.
Il ne l’a pas fait parce qu’il envisage de renoncer à son projet de réformes qui politiserait le pouvoir judiciaire et l’empêcherait de défendre nos droits les plus fondamentaux – la liberté d’expression, la liberté de religion, les élections et à bien d’autres choses encore.
Au contraire, comme l’a reconnu en privé le ministre de la Justice, Yariv Levin (Likud), et comme l’a confirmé publiquement son allié ultra-orthodoxe Aryeh Deri (Shas), on ne pouvait pas compter sur plusieurs membres du Likud à la Knesset pour soutenir l’adoption de la première loi révolutionnaire – qui donnerait à la coalition un contrôle quasi-absolu sur la nomination des juges dans l’ensemble du système judiciaire – lorsqu’elle devait être soumise à l’approbation de la Knesset, la semaine dernière. Les quelques derniers députés du Likud encore clairvoyants ont réussi à prendre tardivement position après la décision scandaleuse du Premier ministre de renvoyer son ministre de la Défense – pour avoir osé avertir publiquement que la destruction imminente de la démocratie provoquait d’immenses fractures sociales et que les divisions, s’étendant à l’armée, constituaient désormais une menace tangible pour la sécurité nationale – et les vastes manifestations de rue spontanées que cette décision avait déclenchées dans tout le pays.
Cette brève pause permet au Premier ministre d’espérer passer Pessah et les journées nationales les plus marquantes pour Israël avec une opposition réduite par rapport au pic de la semaine dernière, d’organiser ensuite ses propres rassemblements de masse pro-réforme, et donc de montrer ostensiblement un vaste soutien national à sa marche vers la tyrannie, de repousser les nombreuses critiques de la Maison Blanche et d’autres pays, et de prétendre avoir tenté de négocier un compromis de bonne foi avec une opposition inflexible… puis de faire passer les réformes lorsque la Knesset reprendra ses travaux le 30 avril.
Plusieurs alliés de Netanyahu – dont Levin, Miri Regev et Miki Zohar – ont clairement indiqué que tel était le plan. Netanyahu lui-même, alors même qu’il annonçait la suspension, a confirmé que, ce qu’il a ridiculement pris l’habitude d’appeler la « réforme démocratique », serait adoptée « d’une manière ou d’une autre ».
Entre-temps, le Premier ministre continue de jouer avec les besoins les plus vitaux d’Israël. Il refuse de réunir le cabinet restreint décisionnel (qui, de toute façon, comprend maintenant des théocrates et des provocateurs racistes comme Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, dont l’agenda est contraire à l’intérêt national) pour discuter des menaces internes et externes à la sécurité. Et il maintient cyniquement, et de façon paranoïaque, le ministre de la Défense Gallant dans l’incertitude quant à savoir s’il sera, ou non, licencié au détriment du bon fonctionnement de l’establishment de la Défense nationale.
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Pendant ce temps, Netanyahu et ses collègues ministériels maintiennent leur complicité en donnant toujours plus de pouvoir aux membres les plus dangereux de ce gouvernement d’un extrémisme sans précédent. Cette semaine, ils ont voté en faveur de la création de la « garde nationale » du ministre de la Sécurité nationale Ben Gvir – une force que ce rabatteur anti-arabe souvent condamné a l’intention de constituer comme une milice personnelle. « Ne le faites pas », a insisté l’actuel chef de la police israélienne, Kobi Shabtaï, en qualifiant la nouvelle force de « recette du chaos » qui sapera et compromettra la police actuelle. « Ne le faites pas », a également plaidé un ancien chef de la police, Moshe Karadi. « Netanyahu devrait apprendre un peu d’histoire et voir ce qui se passe dans les pays où les hommes politiques ont leurs propres forces armées », a déclaré Karadi. « Il n’y a qu’un pas entre cette situation et le fait qu’il puisse, avec ce pouvoir, prendre le contrôle du Bureau du Premier ministre et lancer un coup d’État. »
Si cet avertissement semble tiré par les cheveux, c’est uniquement parce que Netanyahu est déjà en train de mener son propre coup d’État.
Ignorer tout cela à la table du seder ? Se concentrer plutôt sur le salut biblique de l’esclavage et les nombreuses choses pour lesquelles nous devons être reconnaissants, mais éviter de discuter de ce qui nous afflige aujourd’hui ?
Ce n’est pas le message de Pessah. L’injonction de la Haggadah est plutôt de débattre et de discuter, d’intérioriser notre propre histoire et d’en tirer des leçons, d’affronter les dangers auxquels nous sommes confrontés et de chercher des moyens de les contrecarrer, et d’essayer de le faire en tant que peuple unifié.
Le soir du seder attire l’attention sur notre histoire de persécution par d’autres et sur nos propres erreurs. Il vise à intégrer les leçons apprises au cours des millénaires et à souligner que nous avons la chance de disposer d’un code de conduite morale – pour nous guider, aujourd’hui encore, dans la lutte contre les dirigeants qui détruisent la tolérance juive et l’éthique sioniste démocratique d’Israël.
En effet, l’exigence de réfléchir, d’examiner et de tirer les leçons de notre histoire s’applique certainement, avant tout, à ceux qui sont à la tête de ce gouvernement – ceux qui ont les moyens directs de changer de cap et de guérir notre peuple.
Et si, à l’aube, nous débattons encore passionnément – à la recherche de la voie la plus efficace, la plus unificatrice et la plus réparatrice pour sortir de cette crise – alors, comme le note la Haggadah, c’est encore plus louable.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel