La bourse de Tel Aviv dégringole ; les investisseurs craignent une crise constitutionnelle
Le gouvernement tente d’écarter les principaux contrôleurs ; le shekel s'affaiblit ; une monnaie locale plus faible augmente le coût des produits importés et maintient les taux élevés
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
Les craintes grandissantes des investisseurs face à une nouvelle crise constitutionnelle imminente, dans un contexte de tensions internes croissantes liées aux tentatives du gouvernement d’écarter le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Ronen Bar, et la procureure générale, Gali Baharav-Miara, ont entraîné une chute des actions et des obligations dimanche.
Dimanche, l’indice de référence TA-125 de la Bourse de Tel Aviv a chuté de 3,7 %. L’indice TA-35 des sociétés de premier ordre a baissé de 3,3 %, ce qui représente la plus forte baisse quotidienne depuis octobre 2023. L’indice TA-90, qui suit les actions les plus capitalisées non incluses dans l’indice TA-35, a chuté de 4,7 %. L’indice TA-Insurance and Financial Services a plongé de 7,6 %, presque autant que le 8 octobre 2023, au lendemain du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Le renvoi prévu des principaux responsables de la sécurité du pays a suscité des inquiétudes quant à l’effondrement de la démocratie israélienne et a déclenché des manifestations de masse de la part du grand public. Par ailleurs, les chefs d’entreprise et le plus grand syndicat ont menacé de déclencher une grève nationale. Ce malaise a été accentué par la rupture de la trêve à Gaza.
Les mesures prises par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui, selon les critiques, sapent la démocratie israélienne, ont ravivé les protestations publiques qui avaient été observées à la suite de la présentation du plan de refonte du système judiciaire formulée en janvier 2023. Ce projet de réforme avait entraîné une hausse de la prime de risque liée aux investissements en Israël, et il semble que cela pourrait se reproduire.
Si la perception du risque augmente, les consommateurs seront plus mal lotis, car les investissements risquent de diminuer, la monnaie locale pourrait encore s’affaiblir – alimentant les hausses de prix et une inflation plus élevée – tandis que les coûts d’emprunt resteront élevés. Ce phénomène est d’autant plus vrai que les ménages israéliens ont déjà du mal à rembourser leurs prêts immobiliers mensuels – alors que les banques enregistrent des bénéfices records – et à joindre les deux bouts pendant cette période de guerre difficile.
« La bataille autour du système judiciaire israélien a repris, menaçant l’indépendance judiciaire », a déclaré Rafi Gozlan, économiste en chef de la société d’investissement IBI, au Times of Israel.

« Cela après que la guerre sur plusieurs fronts d’Israël, qui a suivi l’assaut du Hamas le 7 octobre 2023, a récemment montré des signes de recul et que le risque d’investir en Israël a diminué. »
« La situation géopolitique a radicalement basculé avec la reprise des combats et la situation intérieure s’est également détériorée avec la résurgence d’une menace contre les institutions judiciaires et démocratiques d’Israël, que les investisseurs pensaient définitivement écartée », a ajouté Gozlan.
« La reprise des combats et l’escalade d’un conflit en interne pourraient nuire à la croissance économique, entraîner une augmentation du déficit, accroître le risque d’une dégradation de la note de crédit d’Israël et retarder les baisses de taux d’intérêt », a déclaré Alex Zabezhinsky, économiste en chef de Meitav Investment House.
En 2023, les marchés financiers israéliens étaient à contre-courant des tendances du marché mondial, touchés par le projet de refonte judiciaire de janvier de cette année-là, qui a été mis de côté face à la pression et au tollé croissants de l’opinion publique et à l’éclatement de la guerre contre le Hamas en octobre 2023. À l’époque, les actions et obligations locales ainsi que le shekel avaient été touchés par l’incertitude politique croissante et la crainte que les changements prévus dans le système juridique ne menacent l’indépendance du pouvoir judiciaire et rendent les affaires et les investissements moins prévisibles.
Vendredi, le shekel a perdu environ 1 % de sa valeur, s’échangeant à environ 3,71 shekels pour un dollar, son niveau le plus bas depuis fin novembre. Les investisseurs se préparaient à une période d’incertitude dans un contexte de reprise des combats à Gaza. Cette situation a également fait craindre qu’une guerre prolongée et une augmentation des dépenses de défense, ainsi que l’aggravation des divisions internes, ne pèsent sur les finances et l’économie déjà affaiblies du pays.
« La montée des tensions internes en Israël, associée à l’intensification des tensions géopolitiques, a entraîné une dépréciation significative du taux de change du shekel et une hausse des rendements obligataires », a déclaré Modi Shafrir, stratège en chef de la Banque Hapoalim.
La majeure partie de l’épargne-retraite des particuliers est détenue sous forme d’obligations d’État et d’obligations d’entreprises, et une augmentation continue de la prime de risque d’Israël pourrait faire baisser leur prix et leur valeur à moyen terme.
Parallèlement, la dépréciation de la monnaie locale a une incidence sur la hausse du coût de la vie et des taux d’intérêt. Un shekel plus faible augmente le prix des biens importés tels que la nourriture et l’essence, ainsi que les frais de déplacement à l’étranger, et entraîne une inflation plus élevée, ce qui pèse sur le pouvoir d’achat des consommateurs à un moment où ceux-ci sont déjà confrontés à des coûts plus élevés.

Selon les estimations de la Banque centrale d’Israël, un affaiblissement du shekel de 1 % augmente l’inflation de 0,1 à 0,2 point de pourcentage. Cela se traduit par une hausse des prix des biens de consommation et entraîne une baisse du revenu disponible et du niveau de vie des ménages, tandis que les remboursements des prêts immobiliers et les taux d’intérêt sur les dettes et autres lignes de crédit restent élevés.
« Si les investisseurs jugent qu’Israël n’est pas favorable aux affaires, les investissements dans l’économie israélienne seront réduits. Cela est particulièrement inquiétant pour les investissements dans l’industrie de la haute technologie, qui fournit environ un tiers des recettes fiscales du pays et représente environ la moitié des exportations israéliennes », a déclaré Gozlan.
« Nous avons vu les effets négatifs de la refonte judiciaire proposée en 2023 sur les investissements dans le pays, tandis que de nombreux Israéliens et entreprises locales ont également transféré leurs fonds et leurs activités à l’étranger. »
Dans un contexte d’incertitude politique, les investisseurs israéliens ont retiré en 2023 30 milliards de shekels des fonds investis en actions et obligations à Tel Aviv et ont investi 20,5 milliards de shekels dans des fonds investis en titres étrangers et 53 milliards de shekels dans des fonds monétaires, selon les données de la Bourse de Tel Aviv.