Netanyahu évite de critiquer la coalition face à des dirigeants juifs américains
Suite à son discours à l'Assemblée générale de l'ONU, le Premier ministre et son épouse ont rencontré de hauts responsables de l'ADL, l'AIPAC, et l'URJ entre autres
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est entretenu avec un grand nombre de dirigeants juifs américains après son discours à l’Assemblée générale des Nations unies à New York, vendredi, lors d’une réunion tendue au cours de laquelle le Premier ministre aurait esquivé les questions concernant les membres les plus extrémistes de sa coalition radicale.
La discussion a également donné lieu à un échange animé entre l’épouse du Premier ministre, Sara, et un dirigeant de la communauté juive réformée des États-Unis, critique de la refonte.
Des représentants de haut niveau de quelque 25 organisations ont assisté à la réunion, dont l’Anti-Defamation League (ADL), l’American Jewish Committee (AJC), l’AIPAC, la Jewish Federations of North America (JFNA), Hadassah, l’Union for Reform Judaism (URJ) et le National Council of Jewish Women (NCJW).
Le président de l’URJ, le rabbin Rick Jacobs, a déclaré au Times of Israel qu’au cours de la partie questions-réponses de la réunion, il avait évoqué le fait que les rabbins de presque toutes les synagogues réformées des États-Unis avaient prononcé des sermons pendant les fêtes du Nouvel an juif, dans lesquels ils exprimaient leur amour d’Israël, mais aussi leur désarroi face à la menace qui pèse sur ses piliers démocratiques en raison des efforts déployés par le gouvernement pour radicalement remanier l’appareil judiciaire.
« Nous sommes très inquiets pour ceux qui pourraient devenir plus vulnérables, comme les femmes, la communauté LGBTQ, les Juifs non-orthodoxes, les citoyens palestiniens d’Israël », a déclaré Jacobs à Netanyahu, expliquant que ces minorités sont moins en sécurité lorsque les démocraties sont affaiblies.
Jacobs a ensuite salué les efforts de Netanyahu pour parvenir à un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite, mais lui a demandé s’il pouvait également commenter les divisions internes du judaïsme, car « nous sommes en train de nous effondrer ».
En réponse, Netanyahu a longuement expliqué ce que son gouvernement essayait d’accomplir par le biais de son paquet de réformes radicales qui sèment la discorde, insistant sur le fait qu’il cherchait à obtenir un consensus aussi large que possible pour cette refonte, même s’il dispose des votes nécessaires pour adopter les lois de manière unilatérale.
Selon Jacobs, Netanyahu a déclaré aux dirigeants juifs qu’il était sur le point de parvenir à un compromis lors des négociations menées par le président Isaac Herzog, mais que l’intransigeance de l’opposition avait finalement conduit à l’échec des pourparlers. Il a insisté sur le fait qu’il souhaitait toujours obtenir le soutien d’un consensus pour sa refonte, dans laquelle aucun des deux blocs n’aurait de contrôle sur la sélection des juges.
« Ils étaient sous la pression du mouvement de protestation qui ne veut pas de compromis, mais qui veut renverser le gouvernement », aurait déclaré Netanyahu aux dirigeants juifs, selon Walla.
Jacobs a indiqué qu’il avait posé une question complémentaire dans laquelle il rappelait que Netanyahu avait accusé le mouvement de protestation contre la refonte d’être violent et agressif, « alors que les manifestations ont été en grande partie pacifiques » et ont mis en scène des orateurs qui ont parlé de leur amour pour Israël et de leur engagement en faveur de la démocratie israélienne.
Le leader réformiste a demandé à Netanyahu s’il voulait dire quelque chose à ces manifestants à la veille de Yom Kippour.
En entendant la question, Sara Netanyahu s’est interposée et a demandé si elle pouvait également poser une question à Jacobs, a rapporté le rabbin. L’épouse du Premier ministre a ensuite parlé avec émotion de la façon dont elle, sa famille et des membres importants du gouvernement ont été menacés physiquement au cours des derniers mois, dans le cadre des manifestations anti-refonte. Sara Netanyahu a demandé à Jacobs s’il condamnait de tels actes.
« Absolument », a répondu Jacobs, tout en précisant que ce que l’épouse du Premier ministre a décrit n’est pas le récit prédominant qu’il a entendu et en rappelant comment son époux a lui-même accusé les manifestants anti-refonte de s’aligner sur l’Iran et l’OLP contre le gouvernement.
Lundi, avant son départ pour les États-Unis, Netanyahu a suscité des réactions indignées en accusant les manifestants anti-refonte judiciaire de « s’allier à l’OLP [Organisation de libération de la Palestine] et à l’Iran » dans leurs activités contre lui à l’étranger, qu’il a présentées comme étant dirigées contre Israël plutôt que contre les actions de son gouvernement partisan de la ligne radicale.
Les manifestants ont harcelé Netanyahu lors de ses déplacements, de ses réunions programmées et de son discours à l’ONU, et ont promis de continuer à le faire. Ils font partie du vaste réseau de protestations de masse en Israël et à l’étranger qui s’est développé après que la coalition la plus à droite de l’histoire d’Israël a révélé son projet de refonte largement controversé en janvier.
La volonté du gouvernement de limiter les pouvoirs indépendants de la Cour suprême a également révélé les profonds clivages de la société israélienne : les partisans de la refonte soutiennent que de profonds changements sont nécessaires pour maîtriser un système judiciaire jugé trop « activiste », tandis que les détracteurs affirment que les changements proposés par la coalition radicale, et la manière dont elle s’y est prise pour légiférer, portent gravement atteinte à la démocratie israélienne.
Malgré l’opposition massive, la coalition a adopté en juillet la loi du « caractère raisonnable », qui interdit aux tribunaux d’examiner l’action du gouvernement en utilisant la norme juridique du « caractère raisonnable », qui permet de déterminer qu’une décision est invalide parce qu’elle a été prise sans évaluer correctement des considérations essentielles, ou en utilisant des considérations inappropriées. Cette loi est aujourd’hui contestée devant la Cour suprême, dans un conflit juridique qui menace de dégénérer en une crise constitutionnelle sans précédent.
La coalition s’est maintenant fixée pour objectif d’adopter un projet de loi visant à remanier la commission de sélection des juges, ce qui donnera au gouvernement un contrôle quasi-absolu sur la sélection des juges du pays.
Jacobs a également évoqué une autre partie tendue de la réunion de vendredi, au cours de laquelle un éminent dirigeant de la communauté juive présent dans la salle s’est levé et a dit à Netanyahu que les Juifs américains défendaient Israël tous les jours, mais qu’ils avaient plus de mal à le faire ces derniers temps « lorsque d’éminents membres de votre gouvernement s’expriment d’une manière raciste ».
L’individu a demandé à Netanyahu pourquoi il avait toléré une telle rhétorique de la part de ses partenaires de coalition, ce à quoi il a répondu qu’il ne pouvait pas contrôler tout le monde et qu’il y avait beaucoup d’autres pays qui avaient un plus gros problème avec ce phénomène, a rappelé Jacobs, admettant que le Premier ministre avait écourté sa réponse pour répondre au plus grand nombre de questions possible.
Jacobs a précisé qu’il était reconnaissant d’avoir été inclus dans la réunion avec plusieurs autres dirigeants progressistes de la communauté juive et qu’il avait apprécié que Netanyahu ait ouvert la séance de questions-réponses et pris le temps de répondre aux questions de chacun.
La directrice-générale du NCJW, Sheila Katz, a déclaré au Times of Israel qu’elle avait également apprécié le fait d’être incluse dans cette conversation d’une heure qui avait été bien plus ouverte qu’elle ne s’y attendait.
Cependant, elle a admis qu’elle ressentait un grand décalage entre la conversation sur la refonte judiciaire – plus théorique dans la salle – et les craintes qu’elle entend de la part des activistes sur le terrain concernant les ramifications que les refontes pourraient avoir pour les femmes entre autres minorités.
« J’ai très peur des résultats de la refonte et de ce qu’elle signifierait pour les femmes et les autres groupes marginalisés », a-t-elle déclaré.
Katz se souvient que le mouvement pro-choix aux États-Unis s’est vu dire de ne pas s’inquiéter de perdre l’accès à l’avortement avant que Roe v. Wade ne soit renversé l’été dernier. Elle a ajouté qu’une dynamique similaire semble se mettre en place en Israël, où les militants anti-refonte se voient dire par le gouvernement que leurs droits ne sont pas menacés.
« Nous débattons de concepts juridiques, et ceux-ci sont importants, mais ce qui m’importe, c’est de savoir si les gens vont s’en sortir », a déclaré Katz.
Le chef de l’ADL, Jonathan Greenblatt, a écrit sur X – anciennement Twitter – vendredi qu’il « se réjouissait de l’opportunité de cet échange » avec Netanyahu, et de « partager l’engagement de notre communauté en faveur d’un État juif et démocratique, ainsi que de faire la lumière sur la façon dont les développements en Israël ont un impact sur les Juifs de la Diaspora ».
Greenblatt a indiqué que d’autres questions clés avaient été abordées au cours de la réunion, notamment « la promesse et le péril de l’intelligence artificielle », un éventuel accord de normalisation avec l’Arabie saoudite, les menaces posées par le régime iranien, ainsi que l’antisémitisme et les contenus haineux en ligne.
Le chef de l’AJC, Ted Deutch, a déclaré dans un communiqué que les dirigeants juifs américains avaient tenu une « réunion productive » avec Netanyahu, « au cours de laquelle nous avons discuté des questions clés affectant la communauté juive mondiale et l’État d’Israël, y compris la montée de l’antisémitisme mondial, l’élargissement du cercle de la paix au Moyen-Orient et les nombreuses menaces posées par l’Iran ».
Il a également déclaré que l’AJC a réitéré sa « ferme conviction que les changements radicaux du système judiciaire israélien devraient résulter d’un processus délibératif et inclusif qui soutient les valeurs démocratiques du maintien des freins et contrepoids, du respect des droits des minorités et des libertés civiles, et de la préservation de l’indépendance judiciaire essentielle ».
« Nous poursuivons nos conversations avec les représentants du gouvernement et les membres de la société civile israélienne pour insister fortement sur la nécessité d’un consensus », a-t-il ajouté.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.
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