Refonte judiciaire : Michael Bloomberg prévient qu’Israël « court à la catastrophe »
L'ancien maire milliardaire de New York exhorte Netanyahu à "ralentir" la législation largement controversée et dit comprendre ceux qui retirent leurs fonds du pays
L’ancien maire de New York et partisan de longue date d’Israël, Michael Bloomberg, a publié dimanche une tribune dans le New York Times dans laquelle il met en garde contre les projets du gouvernement israélien de remanier le système judiciaire et comprend ceux qui retirent déjà leurs fonds du pays par crainte des retombées.
Il s’agit de la dernière en date d’une série d’alertes lancées par des personnalités étrangères contre le projet de loi.
« Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu court au désastre » en essayant de s’arroger des pouvoirs qui échappent à tout contrôle et « met en péril les alliances d’Israël dans le monde, sa sécurité dans la région, son économie nationale et la démocratie même sur laquelle le pays a été construit », a averti Bloomberg.
Le milliardaire a fait part de son « fervent espoir » que Netanyahu tienne compte des conseils du président Isaac Herzog – « qu’il rétropédale » et « ralentisse le rythme des projets législatifs » de sa coalition.
La coalition est en faveur d’une refonte qui augmenterait le contrôle du gouvernement sur le système judiciaire. Les critiques affirment que ce plan portera profondément atteinte au caractère démocratique d’Israël en bouleversant l’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tout le pouvoir à l’exécutif en place et en laissant les droits individuels sans protection et les minorités sans défense.
Bloomberg a estimé que les dommages économiques des changements proposés se font déjà sentir et a noté que le mois dernier, le shekel est tombé à son plus bas niveau depuis trois ans par rapport au dollar et à l’euro. Il note qu’un « large éventail de chefs d’entreprise et d’investisseurs » se sont prononcés contre les propositions « et – signe inquiétant – certains ont déjà commencé à retirer leur argent du pays tout en réévaluant leurs plans de croissance future ».
« En tant que propriétaire d’une entreprise mondiale, je ne les blâme pas », a-t-il écrit.
Bloomberg a déclaré que les entreprises et les investisseurs « accordent une énorme valeur à des systèmes judiciaires forts et indépendants, car les tribunaux contribuent à les protéger – non seulement contre la criminalité et la corruption, mais aussi contre les excès du gouvernement ».
« L’extraordinaire ascension du rang économique d’Israël au cours des vingt dernières années est peut-être la plus grande réussite de Netanyahu », a-t-il ajouté. « Pourtant, s’il ne change pas de cap, Netanyahu risque de jeter tous ces progrès – et son propre héritage durement gagné – aux oubliettes. »
Outre l’impact économique, a écrit Bloomberg, il y a la sécurité d’Israël, qui dépend grandement de sa relation avec les États-Unis, « construite sur des valeurs communes – liberté, égalité, démocratie », et ne peut être maintenue que « par un engagement envers l’État de droit, y compris un système judiciaire indépendant capable de le faire respecter ».
Si Israël passait à une forme de gouvernance « qui reflète celle des pays autoritaires », il risquerait de rompre ses liens avec les États-Unis et d’autres nations libres, ce qui entraînerait une « perte dévastatrice » pour la sécurité d’Israël et nuirait aux perspectives de paix avec les Palestiniens, a-t-il averti, ajoutant qu’une telle perspective « pourrait même mettre en péril l’avenir de la patrie juive ».
Israël, a-t-il noté, se trouve dans « l’une des zones les plus dangereuses du monde » et fait face à des menaces existentielles. « Plus il est divisé de l’intérieur, plus il apparaît faible aux yeux de ses ennemis », a déclaré Bloomberg.
Le remaniement, a-t-il averti, porterait également atteinte au « profond attachement que des millions de personnes dans le monde ressentent à l’égard du pays », forgé non seulement par son caractère juif, mais aussi par son engagement en faveur de la liberté.
« Je ne me suis jamais impliqué dans sa politique intérieure ni critiqué ses initiatives gouvernementales », a écrit Bloomberg. « Mais mon amour pour Israël, mon respect pour son peuple et mon inquiétude quant à son avenir me poussent aujourd’hui à m’exprimer contre la tentative du gouvernement actuel de renverser réellement le système judiciaire indépendant de la nation. »
Bloomberg a été maire de New York de 2002 à 2013 et était le candidat démocrate à la présidence américaine en 2020.
Ses remarques ont rejoint celles d’un chœur croissant de l’étranger contre la refonte.
Parmi ceux qui se sont exprimés, un groupe de plus de 70 éminents professeurs de droit d’universités américaines a signé, en janvier, une déclaration exhortant le gouvernement israélien à repenser son plan.
Parmi les 78 signataires figuraient les anciens doyens des facultés de droit de Harvard et de Yale, Martha Minow et Robert Post, ainsi qu’Alan Dershowitz, un fervent partisan d’Israël qui s’était déjà prononcé contre les propositions du gouvernement. Dershowitz a depuis réitéré son insistance pour que le système judiciaire reste non partisan.
En outre, un groupe de 310 économistes, dont l’Américain Eric Maskin, lauréat du Prix Nobel, et le lauréat du Prix Israël Menahem Yaari, ont signé une lettre contre le projet de refonte judiciaire, avertissant qu’il pourrait « faire fuir les investisseurs et entraîner une fuite des cerveaux ».
La semaine dernière, le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, a déclaré que l’Europe était de plus en plus préoccupée par ces projets et un groupe d’ambassadeurs étrangers aurait posé des questions au président de la Knesset, Amir Ohana, à propos de ces propositions.
Le plan de refonte du système judiciaire a également suscité de vives critiques et des avertissements de la part d’éminents experts financiers et juridiques en Israël, ainsi que des manifestations de masse et des pétitions publiques hebdomadaires de la part de divers fonctionnaires, professionnels et entreprises privées.
Le président Herzog a d’abord lancé un appel à la pause du blitz législatif le mois dernier afin de permettre un dialogue entre la coalition et l’opposition sur une réforme judiciaire constructive, avertissant que les divergences sur cette question devenaient dangereuses.
Si Netanyahu s’est dit ouvert au dialogue, il a également insisté sur le fait qu’il ne ralentirait pas les efforts pour faire avancer la réforme judiciaire.