Tensions à la frontière israélo-libanaise : Israël s’efforce de maintenir la FINUL
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit voter cette semaine sur la mission de sa force de maintien de la paix au Liban, alors que le Hezbollah tente de limiter sa liberté d'action
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Les diplomates israéliens sont optimistes et pensent que la force de maintien de la paix des Nations unies le long de la frontière avec le Liban ne sera pas modifiée lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira pour renouveler son mandat jeudi, dans un contexte de tensions accrues le long de la frontière informelle.
La Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) est chargée de maintenir le calme dans le sud du Liban depuis sa création en 1978. Elle est actuellement supposée faire respecter une résolution des Nations unies interdisant les opérations armées du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah près de la ligne de cessez-le-feu qui forme la frontière de facto.
Le mandat, qui expire jeudi, comprend une clause selon laquelle la force de maintien de la paix « est autorisée à mener ses opérations de manière indépendante », c’est-à-dire sans l’armée libanaise.
Le Liban s’efforce de faire supprimer cette clause, ajoutée en 2022, tandis qu’Israël espère que les Nations unies combleront une lacune limitant la liberté de mouvement des soldats de la FINUL.
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a critiqué la modification l’année dernière, la qualifiant de « violation de la souveraineté libanaise », et cherche également à la faire abroger.
« Une force armée étrangère qui se déplace sur le territoire libanais sans l’autorisation du gouvernement et de l’armée libanaise, sans coordination avec l’armée libanaise, où est la souveraineté dans tout cela ? », a déclaré Nasrallah dans un discours télévisé lundi.
Selon une source diplomatique, les responsables israéliens pensent que Nasrallah tente de forcer la FINUL à réduire le nombre et la fréquence de ses patrouilles. Compte tenu des difficultés financières et logistiques de l’armée libanaise, celle-ci peut effectuer beaucoup moins de patrouilles que les troupes de la FINUL.
En raison de l’état de leurs véhicules, ils seraient également limités aux routes principales, ce qui laisserait de vastes étendues de territoire près de la frontière israélienne sûres pour les caches d’armes et les lance-roquettes du Hezbollah.
Israël fait également pression pour qu’une autre modification soit apportée au mandat, qui interdit actuellement à la FINUL d’effectuer des patrouilles sur des terrains privés. En conséquence, le Liban a transformé en terrains privés de vastes portions de territoire près de la frontière avec Israël. Depuis l’arrivée de l’administration Trump, les États-Unis se sont joints à Israël pour demander au Conseil de sécurité de supprimer cette condition du mandat de la FINUL.
Les États-Unis et le Royaume-Uni se sont particulièrement fait entendre lors des discussions préliminaires en insistant pour que la liberté d’action de la FINUL soit protégée, ont déclaré des responsables diplomatiques au Times of Israel.
Les Émirats arabes unis, l’un des principaux partenaires régionaux d’Israël, siègent également au Conseil de sécurité. En tant que seul pays arabe au sein de ce puissant organe, ils sont officieusement chargés de représenter les points de vue des pays arabes, dont beaucoup sont en désaccord avec les positions israéliennes et occidentales.
Les délibérations prévues mercredi ont été reportées à jeudi afin de donner aux États membres du Conseil de sécurité plus de temps pour trouver un terrain d’entente.
La FINUL a été déployée pour la première fois à la suite de l’opération Litani menée par Tsahal dans le sud du Liban en 1978, afin de surveiller le retrait des forces israéliennes après leur invasion du Liban. Elle a régulièrement coordonné les patrouilles et les mouvements dans sa zone d’opérations dans le sud avec l’armée libanaise. Mais le gouvernement libanais s’est également opposé à l’absence, dans la résolution de l’ONU, d’une disposition stipulant qu’une telle coordination doit avoir lieu.
Israël a envoyé des membres importants du gouvernement et des diplomates pour faire pression en faveur d’un mandat renforcé. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a soulevé la question lors d’une réunion avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au siège de l’ONU à New York lundi.
Gallant a déclaré à Guterres que la probabilité d’une flambée de violence avec le Hezbollah soutenu par l’Iran augmentait, appelant la FINUL à travailler pour réduire les tensions qui se sont récemment accrues.
Le ministre a demandé une « intervention immédiate de l’ONU pour désamorcer les tensions » en renforçant et en augmentant la liberté de mouvement de la FINUL, a indiqué son bureau.
Gallant a montré au chef de l’ONU le déploiement de dizaines de postes du Hezbollah le long de la frontière, y compris une tente érigée en territoire israélien, ainsi que l’augmentation des patrouilles et de la présence de membres du groupe terroriste dans la région.
Il a également discuté de la question avec les hauts fonctionnaires américains Barbara Leaf et Brett McGurk, qui ont fait la navette entre Washington et New York pour le rencontrer, le Premier ministre Benjamin Netanyahu ayant interdit à la plupart de ses ministres de rencontrer leurs homologues américains à Washington avant qu’il ne le fasse lui-même.
Le ministère des Affaires étrangères a également dépêché à New York Amir Weissbrod, un diplomate de haut rang qui dirige la division des Nations unies et des organisations internationales du ministère, pour des entretiens.
Par ailleurs, le ministre libanais des Affaires étrangères, Abdallah Bouhabib, a rencontré Guterres lundi à New York pour lui faire part de la position du Liban, a indiqué le service de presse officiel du pays, ANI.
Les États-Unis s’efforcent également d’apaiser les tensions. L’envoyé américain pour l’Énergie, Amos Hochstein, devrait rencontrer le Premier ministre par intérim libanais, Najib Mikati, le président de la Chambre des représentants, Nabih Berri, et le chef militaire, Joseph Aoun. Il effectuera également une rare visite d’un fonctionnaire américain à la frontière sud du Liban afin d’examiner la présence de la FINUL dans cette région.
Les réunions se sont déroulées dans un contexte d’augmentation récente des activités du Hezbollah le long de la frontière, avec notamment la mise en place de deux tentes du côté israélien de la Ligne bleue reconnue par l’ONU dans la région du mont Dov. Le groupe soutenu par l’Iran a ensuite démonté l’une des tentes, tout en menaçant d’attaquer si Israël démantèle l’autre.
D’autres incidents récents ont eu lieu : des membres du Hezbollah en tenue de camouflage ont marché le long de la frontière, en violation d’une résolution de l’ONU, et des activistes du Hezbollah ont franchi la Ligne bleue (mais pas la clôture israélienne) à de nombreuses reprises, tentant même d’endommager la clôture et le matériel de surveillance de l’armée.
Israël et le Liban n’ont pas de frontière officielle en raison de différends territoriaux, mais ils respectent en grande partie la Ligne bleue reconnue par les Nations unies. La Ligne bleue est marquée par des barils bleus le long de la frontière et se trouve à plusieurs mètres de la clôture israélienne dans certaines zones, qui est entièrement construite sur le territoire israélien.
En avril, des salves de dizaines de roquettes ont été tirées du Liban sur Israël, blessant trois personnes et endommageant des bâtiments. Bien qu’Israël ait imputé ces tirs de roquettes au groupe terroriste palestinien Hamas, ils ont été considérés comme ayant été effectués avec l’approbation tacite du Hezbollah, qui maintient un contrôle étroit sur le sud du Liban.
Par ailleurs, en mars, un homme s’est infiltré depuis le Liban et a posé un explosif sur une autoroute dans le nord d’Israël, blessant grièvement un civil.
Les récentes actions du Hezbollah constituent une violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui avait mis un terme à une guerre d’un mois en 2006 et interdit aux groupes armés autres que l’armée officielle libanaise et la FINUL d’opérer au sud du fleuve Litani, au Liban. Cette force, qui compte plus de 10 000 soldats et marins, est chargée de surveiller le respect du cessez-le-feu entre les deux parties.
Israël et le Liban sont toujours techniquement en état de guerre.
En décembre, un soldat irlandais de la FINUL a été tué et trois de ses collègues blessés lorsque leur convoi a essuyé des tirs dans le sud du Liban, bastion du Hezbollah, près de la frontière israélienne.
Quelques jours plus tard, le Hezbollah a remis aux autorités libanaises un homme soupçonné d’être le principal suspect, avait alors déclaré un responsable des services de sécurité. Le Hezbollah a nié toute implication dans l’assassinat du soldat Sean Rooney, 23 ans.
Considéré comme une organisation terroriste par de nombreux gouvernements occidentaux, le Hezbollah est la seule faction libanaise à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile de 1975-1990, et est également un acteur puissant de la politique libanaise.
Jacob Magid, Emanuel Fabian et l’AFP ont contribué à cet article.